Formes anatomo-cliniques de l’inflammation

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L’organisme est constamment exposé à des agresseurs au premier rang desquels viennent les agents pathogènes (bactériens, viraux et parasitaires) ; les agents physiques (rayons ultraviolets, radioactivité, rayons X, chaleur et agents chimiques).

Certaines agressions sont plus sophistiquées, de source interne, provenant d’une dérégulation de l’organisme lui-même.

Les phénomènes de défense prennent place dans le tissu conjonctif commun. Les capillaires (microcirculation) véhiculent les cellules (polynucléaires, lymphocytes, monocytes, plaquettes) et les facteurs humoraux non figurés (amines, système du complément, facteurs de la coagulation).

Les lymphatiques permettent un pompage passif des fluides (lymphe) et en partie la recirculation de certaines cellules (lymphocytes, macrophages, et cellules accessoires comme les cellules dendritiques).

Formes anatomo-cliniques de l’inflammation

L’organisme est naturellement protégé des agressions usuelles au niveau de la peau (acide lactique, acides gras, sueur), des voies aériennes respiratoires supérieures et inférieures (cils, battement ciliaires, mucus, sécrétions), des voies digestives supérieures (salive, suc gastrique, flore saprophyte), des organes génitaux externes (flore saprophyte), et des yeux (larmes).

Cellules de l’inflammation :

A – Polynucléaires neutrophiles :

Sur le site de l’inflammation ils libèrent : des myéloperoxydases, lysozymes, élastases, hydrolases, collagénases, et protéines cationiques.

Ils présentent des récepteurs membranaires responsables de leurs propriétés d’adhérence, de chémotactisme, de migration, endocytose, et phagocytose.

Ils meurent sur le site et sont phagocytés par les macrophages.

B – Phagocytes mononucléés :

Les monocytes (circulants) proviennent de la moelle osseuse.

Dans le secteur extravasculaire, ils deviennent des histiocytes.

Certains sont dits résidents (présents en dehors de l’inflammation, constituants normaux des tissus) : cellules de la microglie dans le cerveau, cellules de Kupffer des sinusoïdes hépatiques, histiocytes des cordons de la rate, des sinus médullaires, et macrophages alvéolaires.

L’inflammation recrute les deux types de cellules histiocytaires.

Leurs fonctions sont adsorption et lyse d’agent pathogènes, présentation des antigènes aux lymphocytes T, résorption de substances étrangères et de débris. Ils sécrètent des cytokines, interleukine-1, tumor necrosis factor (TNFa)…

Ils participent à l’agression tissulaire par la libération de métabolites de l’oxygène, de protéases, de chémoattractants pour les neutrophiles ; ils activent les facteurs de la coagulation, apportent des métabolites de l’acide arachidonique et du monoxyde d’azote.

Ils participent à la fibrogenèse et l’angiogenèse par le biais de facteurs de croissance : platelet derived growth factor (PDGF), fibroblast growth factor (FGF), transforming growth factor (TGFb) ; au remodelage cellulaire par l’apport de collagénases.

Ils présentent l’antigène par le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH II).

Dans certaines situations, ils ont la capacité de se transformer en cellules de morphologie particulière, reconnaissable en histologie standard, dite cellule épithélioïde, et en cellule géante de type Langhans ou encore en cellule géante de réaction à corps étranger (cf. « Granulome inflammatoire »).

C – Lymphocytes et mécanismes immunitaires :

Les lymphocytes naissent dans la moelle osseuse et vont dans le sang et les tissus lymphoïdes.

Ils sont de deux types, B et T.

Les lymphocytes B donnent par différenciation les plasmocytes producteurs d’immunoglobulines.

L’immunité cellulaire (réaction cellulaire) répond à l’intrusion d’antigènes absorbés et présentés par les macrophages, à l’abri de l’action des anticorps.

Les réactions inflammatoires à médiation cellulaire caractérisent la réaction d’hypersensibilité (exemple : tuberculose, sarcoïdose).

D – Autres facteurs cellulaires :

Ce sont les polynucléaires éosinophiles (phénomènes allergiques, parasitaires) ; les mastocytes (contiennent de l’histamine, réaction immédiate) ; les cellules du tissu conjonctif : cellules endothéliales (présentent aux acteurs cellulaires circulants les molécules d’adhésion ; sécrètent des cytokines ; leur multiplication et leur migration sont indispensables à l’angiogenèse, facteur clé de la réparation tissulaire) et les fibroblastes (sécrètent les composants de la matrice extracellulaire et la collagénase ; peuvent devenir des myofibroblastes contractiles).

Principaux médiateurs de l’inflammation :

Bien que non visibles sur le site inflammatoire, les médiateurs humoraux interviennent activement dans le déclenchement et le développement de la réaction (biochimie et biologie moléculaire de la réaction inflammatoire).

A – Système du complément :

Il intervient dans le phénomène inflammatoire comme dans l’immunité.

Il s’agit de l’activation en cascade de molécules par la voie classique (Antigène-Anticorps) ou par la voie alterne (bactéries) C1, C9, C3, C5.

Il y a un effet vasculotrope de C3a et C5a ; chémotactique de C5 (pour les polynucléaires et les macrophages), d’activateur de la phagocytose des bactéries pour les polynucléaires.

B – Facteurs de la coagulation :

La fibrine qui sédimente dans le site de l’inflammation à la phase aiguë est le résultat de l’activation de la fibrinogenèse.

C – Dérivés de l’acide arachidonique :

Les dérivés de l’acide arachidonique sont les leucotriènes, la prostacycline, le thromboxane A et les prostaglandines.

Les cytokines sont apportées par les différents acteurs cellulaires mobiles sur le site ou résidants.

D – Amines vasoactives :

Il s’agit de l’histamine sécrétée par les mastocytes, de la sérotonine des plaquettes, du système des kinines et de certaines fractions du complément et de la coagulation.

Par exemple l’histamine qui entraîne une vasodilatation courte inactivée par l’histaminase, peut être sécrétée soit par une action physique, soit par l’activation d’un antigène sur les mastocytes, soit par activation d’une fraction du complément, soit par l’effet de protéine cationique des polynucléaires ou par libération de neuropeptides.

E – Cytokines :

Les cytokines (monokines, lymphokines) forment un groupe de protéines multifonctions jouant un rôle essentiel dans les communications intercellulaires, et notamment entre les acteurs du processus inflammatoire.

Elles agissent sur les cellules cibles par l’intermédiaire de récepteurs spécifiques.

Elles sont sécrétées par différents types cellulaires dont les lymphocytes, macrophages, fibroblastes, cellules endothéliales, plaquettes, et quelques autres cellules (dont des cellules épithéliales).

Elles forment un réseau complexe de régulation et d’activation.

Elles ont des propriétés d’activation et d’induction de la production et de maturation de certains éléments cellulaires.

L’interleukine (IL)-1 est sécrétée par les monocytes et macrophages et agit essentiellement sur le lymphocyte T, mais aussi sur les macrophages et polynucléaires neutrophiles.

L’action majeure de IL-1 est de promouvoir la sécrétion de IL-2 par les lymphocytes T helper et d’accroître l’expression des récepteurs à IL-2.

Elle a un effet chémotactique pour les polynucléaires et monocytes. IL-2 est essentiellement un facteur de croissance pour les lymphocytes T et B. L’interféron (IFNg) active l’expression des récepteurs des cellules présentatrices d’antigène, il augmente l’expression des récepteurs à l’IL-2, l’activité des lymphocytes T cytotoxiques, la production de TNF, et l’activité macrophagique des macrophages. Le TNF est produit par les macrophages et lymphocytes.

Il agit en synergie avec IL-1 et induit l’expression des molécules d’adhésion sur les cellules endothéliales et les polynucléaires et active ces derniers.

Granulome inflammatoire :

Ce terme décrit en français le moment de l’inflammation où sont présents les acteurs cellulaires essentiels.

C’est à cette phase que le pathologiste peut au mieux analyser les lésions pour y trouver des indices étiologiques, et des cellules histiocytaires de morphologie particulière.

En effet, dans certaines conditions les histiocytes macrophages sont capables de se transformer en cellules épithélioïdes.

Le cytoplasme est pâle, le noyau allongé, la chromatine est fine et marginée et le nucléole proéminent.

Ces cellules peuvent fusionner, former des plasmodes reconnaissables (cellules de très grande taille, multiples noyaux disposés en périphérie du cytoplasme, en couronne), ou cellules géantes de Langhans. Les cellules épithélioïdes et géantes de Langhans se forment au cours de réactions cellulaires immunes de type hypersensibilité retardée.

Elles forment avec des lymphocytes des petits groupes cellulaires dénommés follicules, ou granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires, ou tuberculoïdes.

Ils témoignent de la mise en jeu de réaction de défense adaptée, immune de type cellulaire.

Granuloma en anglais se rapporte aux lésions comportant des cellules épithélioïdes et géantes de type Langhans.

Il est prudent de dire en français, granulome épithélioïde et gigantocellulaire, ou granulome tuberculoïde.

La constatation de lésions de ce type dans un tissu est importante pour la démarche diagnostique anatomopathologique : cela permet de passer en revue toute une liste étiologique et d’affiner l’étude histologique (colorations spéciale à la recherche d’agents pathogènes bactériens), biologique et clinique.

Les macrophages peuvent au cours d’une réaction de contact provoquée par l’intrusion de structures non antigéniques, « corps étrangers », se regrouper autour des structures, et fusionner dans une réaction plus ou moins efficace d’englobement.

Cette réaction peu ou pas immune est dite « réaction à corps étranger ».

Les macrophages fusionnés sont des cellules géantes qui contiennent parfois des particules résorbées (fragment de corps étranger, lipides…).

Types et formes de l’inflammation commune et spécifique :

Pour le pathologiste, « aigu » est caractérisé par la présence des signes de la phase aiguë de l’inflammation ; la notion de chronicité est retenue devant un infiltrat cellulaire à lymphocytes, plasmocytes ou macrophages, ou la présence d’une réaction de réparation conjonctive.

Dans un site peuvent cohabiter les différents aspects, les signes histologiques de chronicité témoignant a priori de la durée des lésions, les signes aigus de la persistance de l’agression.

L’inflammation aiguë peut être à prédominance congestive (causan tun érythème muqueux ou cutané), oedémateuse, hémorragique, fibrineuse, nécrosante, ou gangreneuse (phénomènes ischémiques associés).

L’inflammation purulente (ou suppurée) est caractérisée par un afflux massif de polynucléaires qui très vite s’altèrent (pus).

La nécrose tissulaire accompagne très souvent l’afflux important de polynucléaires, créant un abcès. Un empyème est l’accumulation de pus dans une cavité naturelle (plèvre, trompe par exemple).

L’inflammation suppurée entourée d’une réaction de réparation conjonctive (déjà, il y a notion de persistance de l’agression) est dite organisée ou collectée. Une inflammation phlegmoneuse n’est pas collectée (phlegmon appendiculaire par exemple).

D’autres inflammations sont dites fibrosantes par la présence d’une fibrose dont on peut préciser le caractère récent (jeune, cellulaire, vascularisée) ou au contraire très fibrillaire, collagène et vraisemblablement peu détergeable, responsable de mutilations et perturbations des fonctions de l’organe.

La notion de réaction inflammatoire spécifique est plus vague que le terme ne le voudrait.

Le particularisme de la réaction inflammatoire peut orienter vers un groupe de maladies.

L’utilisation de colorations spéciales, en mettant en évidence des agents pathogènes, permet d’être plus précis si la maladie est infectieuse et l’agent pathogène accessible aux techniques morphologiques.

La recherche est facile en cas de réaction à un corps étranger par exemple, ou lorsque existent des lésions très particulières comme des inclusions virales (herpès, cytomégalovirus).

Le plus souvent, c’est le particularisme de la morphologie du granulome inflammatoire qui oriente.

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