Hypoparathyroïdie (à l’exclusion des syndromes de résistance à l’hormone parathyroïdienne)

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Introduction :

L’hypoparathyroïdie résulte d’une diminution ou de l’absence de sécrétion d’hormone parathyroïdienne (PTH), ce qui a pour conséquence biologique essentielle une hypocalcémie et une hyperphosphatémie.

L’hypocalcémie est expliquée à la fois par la diminution de la résorption osseuse nette et par la diminution de la réabsorption tubulaire rénale de calcium.

L’hyperphosphatémie est en rapport avec une augmentation de la réabsorption tubulaire rénale des phosphates.

De plus, la diminution de la sécrétion de PTH et l’hyperphosphatémie expliquent la diminution de la synthèse rénale de calcitriol, qui est à l’origine d’une diminution des entrées digestives de calcium.

Les hypoparathyroïdies sont d’origines multiples, acquises ou héréditaires.

La chirurgie cervicale est la cause la plus fréquente des hypoparathyroïdies acquises.

Les hypoparathyroïdies héréditaires sont plus rares ; les progrès récents de la biologie moléculaire ont permis d’améliorer le diagnostic étiologique de ces maladies.

Mécanismes des hypocalcémies :

Hypoparathyroïdie (à l’exclusion des syndromes de résistance à l’hormone parathyroïdienne)Le calcium extracellulaire se répartit en plusieurs fractions : environ 50-55 % du calcium sérique total existe sous forme ionisée (libre) ; le reste est composé d’une fraction liée aux protéines sanguines, en particulier à l’albumine, et d’une fraction liée aux anions du sérum (bicarbonate, phosphate, citrate…).

La concentration extracellulaire de calcium ionisé, représentant la fraction biologiquement active du calcium extracellulaire, est étroitement régulée.

Bien que la variable régulée soit la concentration extracellulaire du calcium ionisé, le diagnostic d’hypocalcémie peut habituellement être établi à partir d’une mesure de la calcémie totale, parce que les variations de la concentration du calcium ionisé s’accompagnent de variations comparables de la calcémie totale.

Mesurées par une méthode de référence comme la spectrophotométrie d’absorption atomique, les valeurs normales (intervalle de confiance à 95 % de la moyenne de la calcémie chez les sujets normaux) de la calcémie totale sont comprises, chez l’adulte, entre 2,10 et 2,53 mmol/L à jeun ; elles sont modérément supérieures (d’environ 0,1 mmol/L) chez l’enfant et l’adolescent.

Il est important de mesurer la calcémie à jeun parce que les apports alimentaires augmentent transitoirement la calcémie.

Il existe cependant des situations responsables de dissociations entre les variations de la calcémie totale et celles du calcium ionisé, pouvant conduire à un diagnostic erroné d’hypocalcémie ; en particulier, la diminution de la concentration de protéines sériques peut entraîner une hypocalcémie totale, alors que la concentration de calcium ionisé est normale.

En effet, une diminution de la concentration sérique d’albumine produit une diminution de la fraction du calcium total liée à cette protéine, et donc une diminution de la calcémie, en dehors de toute variation de la concentration de calcium ionisé (« fausse hypocalcémie »).

De même, les variations du pH extracellulaire sont capables d’induire des variations de la fraction du calcium liée à l’albumine, parce que les ions H+ et les ions Ca2+ sont en compétition pour la liaison à l’albumine.

Ainsi, lors d’une acidose aiguë, la liaison du calcium à l’albumine est diminuée par l’excès de H+, le calcium ionisé augmente, alors que la calcémie totale est inchangée.

En cas d’acidose chronique, la valeur de calcium ionisé va être corrigée grâce à l’intervention des hormones « calciotropes », ce qui va entraîner l’apparition d’une hypocalcémie totale, la variable biologiquement active (calcium ionisé) étant redevenue normale (« fausse hypocalcémie »).

Des modifications opposées sont observées en cas d’alcalose extracellulaire.

En particulier, une alcalose ventilatoire aiguë, qui peut apparaître au cours d’un prélèvement douloureux ou chez un sujet émotif, provoque une diminution brutale du calcium ionisé sérique, ce qui peut avoir pour conséquence l’apparition de symptômes d’hypocalcémie, alors que la calcémie totale reste normale.

Une telle variation de l’état acide base est reconnue par les appareils de mesure du calcium ionisé, qui mesurent parallèlement le pH sérique.

Ceci permet à ces appareils de proposer, en plus de la mesure de la calcémie ionisée, une valeur de concentration de calcium ionisé « corrigée », c’est-à-dire calculée pour un pH sanguin de 7,40.

La prise en compte de cette valeur « corrigée » est licite en cas de perturbation brutale de l’état acide base.

Elle est évidemment illégitime en cas de désordre prolongé de l’état acide base.

En résumé, il est indispensable de s’assurer de l’absence d’anomalie de la protidémie et du pH extracellulaire pour interpréter la mesure de la calcémie totale.

La mesure directe de la concentration de calcium ionisé sérique, grâce à une électrode spécifique, est préférable lorsque la protidémie et/ou le pH sanguin sont anormaux.

Il faut par ailleurs noter que cette mesure nécessite, pour être correcte, un prélèvement effectué sur un membre au repos et, si possible, sans garrot, pour éviter une acidose plasmatique.

Lorsque cette mesure n’est pas possible, on peut calculer une calcémie corrigée, en sachant que chaque gramme d’albumine complexe normalement 0,02 à 0,025 mmol de calcium.

Ainsi, chez un sujet dont l’albuminémie est mesurée à 20 g/L, on peut augmenter la calcémie mesurée de 0,4 à 0,5 mmol/L pour obtenir une calcémie « corrigée » avec, cependant, un résultat approximatif. La calcémie est maintenue constante grâce à l’action sur le rein et l’os de la PTH et du calcitriol.

L’action du calcitriol n’est constatée cependant qu’en situation chronique et il apparaît que la PTH est la principale hormone intervenant dans le maintien de la calcémie en situation aiguë.

À jeun, situation où les entrées digestives de calcium sont nulles, le maintien de la calcémie nécessite la régulation coordonnée par la PTH, d’une part du flux de calcium entre l’os et le liquide extracellulaire et, d’autre part, de la réabsorption tubulaire rénale du calcium.

En effet, l’augmentation de la réabsorption tubulaire rénale de calcium, sous l’influence de la PTH, limite la baisse de la calcémie mais ne peut suffire, car il existe une perte rénale de calcium obligatoire, la calciurie à jeun n’étant jamais nulle.

L’os participe de façon importante au maintien de la calcémie grâce à un système, indépendant du remodelage osseux, faisant probablement intervenir un système cellulaire spécifique (les ostéocytes) qui sont capables, sous l’influence de la PTH ou d’une baisse de la calcémie, d’activer une libération rapide de calcium à partir de la phase minérale osseuse récemment formée (ostéolyse ostéocytaire).

Ainsi, le maintien de la calcémie à jeun est assuré par une entrée nette, dans le liquide extracellulaire, de calcium osseux, quantitativement identique à la perte rénale concomitante de calcium.

La mobilisation de calcium osseux dépendante des ostéocytes est un phénomène rapide, de grande amplitude mais de faible capacité, puisqu’il n’affecte que l’os récemment minéralisé.

À l’inverse de ce phénomène, l’os est également l’objet d’un remodelage, phénomène continu, cette fois lent, de faible amplitude mais de grande capacité, résultant du couplage harmonieux entre une activité de résorption osseuse (résorption ostéoclastique) et de formation osseuse (ostéoformation ostéoblastique).

Le remodelage osseux est nécessaire au maintien d’une architecture osseuse normale, mais n’influence que peu ou pas la calcémie.

La survenue d’une hypocalcémie chronique nécessite donc obligatoirement l’intervention de l’os et du rein, c’est-à-dire à la fois une réabsorption tubulaire rénale insuffisante et un flux de calcium libéré par l’os insuffisant pour compenser la perte rénale de calcium.

En effet, une augmentation isolée de l’excrétion rénale de calcium, comme on peut l’observer lors de l’administration de furosémide, un agent diurétique inhibant la réabsorption de sodium et de calcium dans l’anse de Henle, ne peut pas être responsable d’une hypocalcémie.

La tendance à la baisse de la concentration de calcium ionisé sérique, secondaire à l’inhibition de la réabsorption tubulaire rénale du calcium, stimule immédiatement la sécrétion de PTH et, dans la mesure où l’os n’est pas affecté par cet agent pharmacologique, l’augmentation de la PTH stimule la libération de calcium par l’os, pour maintenir la calcémie dans les limites des valeurs normales.

Ainsi, il apparaît que la PTH, qui contrôle les flux de calcium de l’os vers le liquide extracellulaire et la réabsorption tubulaire rénale de calcium, joue un rôle crucial dans le maintien de la calcémie, et on peut distinguer en pathologie trois principaux mécanismes de survenue d’une hypocalcémie :

– les hypocalcémies dites « parathyroïdiennes », où la sécrétion de PTH est inappropriée (basse ou normale) ; ces hypocalcémies sont représentées par les hypoparathyroïdies et l’hypocalcémie autosomique dominante ;

– les hypocalcémies « extraparathyroïdiennes », parmi lesquelles on distingue :

– les hypocalcémies en rapport avec une résistance des organes cibles (rein et os) à la PTH, représentées par les pseudohypoparathyroïdies et la carence ou la résistance à la vitamine D ;

– les hypocalcémies, beaucoup plus rares, liées à une intense accrétion osseuse nette ou à des dépôts massifs de calcium dans les tissus mous.

Dans le cas des hypocalcémies parathyroïdiennes, la diminution (voire la suppression) de la sécrétion de PTH entraîne une fuite rénale de calcium transitoire, insuffisamment compensée par la libération osseuse de calcium, ce qui provoque une baisse de la calcémie.

Dans un deuxième temps, la baisse de la calcémie limite, en elle-même, l’excrétion rénale de calcium, en diminuant la quantité de calcium filtrée par le glomérule : la résultante est un nouvel état d’équilibre dans lequel le flux de Ca2+ en provenance de l’os compense de nouveau l’excrétion rénale de calcium, mais au prix d’une hypocalcémie stable plus ou moins importante.

Biologie de l’hormone parathyroïdienne :

La PTH est un polypeptide de 84 acides aminés (AA) sécrété par les cellules principales des glandes parathyroïdes. Le gène de la PTH est situé chez l’homme sur le bras court du chromosome 11.

Il est composé de trois exons dont la transcription est sous le contrôle d’éléments de réponse génomique à la vitamine D et au Ca2+ présents en amont (en 5’) du premier exon.

Le premier exon est non codant, le deuxième code pour une séquence pré- et quatre acides aminés d’une séquence pro-, et le troisième pour la fin de la séquence pro- et la PTH mature.

Le produit du gène est donc un pré-pro-peptide de 13 kDa.

La séquence pré-code pour un peptide hydrophobe de 25 AA qui contient la séquence-signal nécessaire au routage et à la maturation de la PTH, permettant sa sécrétion.

En effet, la synthèse de la molécule a lieu dans les ribosomes, la séquence-signal permet le passage de la protéine dans le réticulum endoplasmique, où elle va être clivée par une enzyme présente exclusivement dans le réticulum, libérant la pro-PTH destinée à être sécrétée après maturation, et la préséquence qui est rapidement dégradée.

Cette étape de maturation est indispensable à la synthèse et la sécrétion normale de la PTH, et il a été décrit des hypoparathyroïdies dont le mécanisme est une mutation ponctuelle de la séquence-signal de la PTH aboutissant à une insuffisance de sécrétion de l’hormone.

La séquence pro- (six AA) va être également clivée après transfert dans l’appareil de Golgi.

Il semble que la séquence pro- n’ait pas de rôle propre, mais qu’elle soit nécessaire à la fonction signal de la séquence pré-.

La PTH est ensuite accumulée sous forme mature dans des granules sécrétoires, où elle sert de forme de stockage pouvant être sécrétée rapidement en grande quantité.

En effet, de la transcription du gène au stockage de la forme mature, prête à être sécrétée, la synthèse de PTH nécessite de 15 à 20 minutes ; cependant, en situation normale, les cellules parathyroïdiennes réagissent de façon extrêmement sensible et rapide à de faibles variations du calcium extracellulaire ([Ca2+]e) en adaptant la sécrétion de PTH.

La réponse des parathyroïdes à l’hypocalcémie est immédiate, et survient dans les secondes suivant la baisse de [Ca2+]e.

Elle correspond à la libération de la PTH préformée par les cellules principales des parathyroïdes. Dans les 15 à 30 minutes suivantes, une diminution de la dégradation intracellulaire de l’hormone permet une augmentation de la production nette de PTH, et si l’hypocalcémie persiste, ce mécanisme est amplifié par une augmentation de la transcription du gène codant pour la pré-pro-PTH.

Enfin, une hypocalcémie prolongée, de plusieurs jours à plusieurs semaines, aboutit à une hyperplasie des glandes parathyroïdes, augmentant ainsi la capacité globale de sécrétion de PTH par cet organe.

Ainsi, cette séquence d’événements permet aux cellules des glandes parathyroïdes de s’adapter, afin de sécréter de façon appropriée une grande quantité de PTH nécessaire à la correction de [Ca2+]e.

La relation étroite entre les variations aiguës de la calcémie et la sécrétion de PTH est expliquée par l’existence sur les cellules parathyroïdiennes d’un récepteur membranaire sensible au calcium extracellulaire (CaR).

Ce récepteur est exprimé dans plusieurs tissus dont les cellules sont sensibles au calcium, dont les parathyroïdes, les cellules C de la thyroïde et le rein, et possède plusieurs des propriétés attendues d’un authentique récepteur sensible au calcium couplé à la voie des inositolphosphates et du calcium intracellulaire.

La PTH, comme les autres hormones peptidiques, exerce ses différents effets biologiques en se liant à des récepteurs transmembranaires.

Le premier récepteur de la PTH à avoir été identifié et cloné est le récepteur de type 1 (PTH/PTHrP-1).

Le récepteur PTH/PTHrP-1 appartient à une nouvelle famille de récepteurs couplés à une protéine G comptant également le récepteur de la sécrétine, du vasoactive intestinal peptide, du glucagon, de la growth hormone releasing hormone, du corticotropin releasing factor et de la calcitonine.

Ce récepteur est couplé fonctionnellement avec une protéine Gs, qui active l’adénylate cyclase et est responsable d’une augmentation de la production cellulaire d’acide adénosine monophosphorique (AMP) cyclique quand le récepteur est activé et/ou une protéine Gq qui active la phospholipase C.

Les mécanismes par lesquels l’activation de l’adénylate cyclase et de la phospolipase C, lors de la liaison de la PTH à son récepteur, aboutit aux effets cellulaires de la PTH dans l’os et le rein, restent pour l’instant partiellement inconnus, mais il est important de noter que le calcitriol, et/ou la vitamine D elle-même, sont indispensables à son action. Pour cette raison, les carences profondes en vitamine D ou en calcitriol constituent des états de résistance périphérique à la PTH et peuvent ainsi être responsables d’hypocalcémie.

Symptômes des hypocalcémies :

La gravité des atteintes cliniques secondaires à une hypocalcémie n’est pas seulement directement liée à l’importance de la baisse de la calcémie.

En effet, les symptômes sont d’autant plus sévères que l’hypocalcémie est de survenue brutale et de début précoce dans la vie.

A – MANIFESTATIONS NEUROMUSCULAIRES :

Les manifestations le plus fréquemment observées sont les manifestations neuromusculaires.

La tétanie est définie par une contraction musculaire spontanée et persistante : elle survient chez plus de 90 % des patients atteints d’hypocalcémie.

La contracture est secondaire à une augmentation de l’excitabilité neuronale, directement liée à la diminution de la concentration de calcium dans le liquide extracellulaire.

Cette diminution du seuil d’excitabilité neuronale aboutit à une réponse répétitive des neurones à un stimulus unique.

En conséquence, les manifestations cliniques de la tétanie apparaissent comme étant le résultat de décharges spontanées des fibres sensitives et motrices des nerfs périphériques.

Les crises de tétanie débutent en général par des paresthésies péribuccales et des extrémités ; apparaissent ensuite des crampes musculaires prédominant aux membres inférieurs, puis un spasme musculaire carpopédal entraînant une déformation de la main en « main d’accoucheur » (abduction du pouce, extension des interphalangiennes, flexion des métacarpophalangiennes et flexion du poignet) ou plus rarement du pied en varus équin (hyperflexion plantaire du pied et des orteils).

Dans la plupart des cas, ces manifestations sont bénignes, mais tous les muscles peuvent être atteints et des formes avec atteinte de la musculature lisse du larynx, des bronches ou du diaphragme, responsables de laryngospasme et de troubles respiratoires graves, sont possibles, en particulier chez le nourrisson.

Les crises de tétanie apparaissent spontanément ou après un effort, l’hyperventilation responsable d’une alcalose respiratoire entraînant une brusque diminution de la concentration de calcium ionisé sérique.

La tétanie peut également être provoquée par le praticien.

Le signe de Chovstek est la contraction involontaire de la commissure labiale lors de la percussion du nerf facial au niveau de la joue à mi-distance entre la commissure labiale et l’oreille.

Ce signe est cependant peu spécifique, positif chez 10 % des patients normocalcémiques.

Le signe de Trousseau est beaucoup plus spécifique ; il correspond à l’apparition d’une « main d’accoucheur » lors de la compression du bras par un sphygmomanomètre à mercure gonflé 10 mmHg au-dessus de la pression artérielle systolique pendant 3 minutes.

L’hypocalcémie peut être, plus rarement, à l’origine de la survenue de crises comitiales, que ce soit chez des patients atteints d’épilepsie ou chez des patients indemnes de toute comitialité antérieure.

Les crises peuvent différer des crises de « grand mal généralisé » par l’absence de perte de connaissance ou d’obnubilation postcritique et l’existence de crise tétanique généralisée suivie par des spasmes cloniques.

Ce type de crise peut être associé à des crises d’épilepsie classiques.

Les crises d’épilepsie sont fréquemment associées à d’autres manifestations neurologiques centrales, en particulier un oedème papillaire ou des calcifications intracérébrales lorsque l’hypocalcémie est chronique.

Le mécanisme de survenue de l’oedème papillaire est inconnu et il régresse en général après correction de l’hypocalcémie.

Les calcifications intracérébrales siègent dans les noyaux gris centraux ; elles sont inconstantes dans l’évolution des hypocalcémies chroniques et peuvent exister chez des patients normocalcémiques.

Enfin, l’hypocalcémie est fréquemment associée à des manifestations neuropsychiques allant du simple changement d’humeur à la démence ou psychose, pouvant s’améliorer après correction de la calcémie.

B – MANIFESTATIONS CARDIAQUES :

Les patients souffrant d’hypocalcémie peuvent avoir des modifications caractéristiques de l’électrocardiogramme, avec un allongement des segments QT et ST.

Lors d’hypocalcémies sévères, les patients peuvent subir des épisodes d’arythmie, des troubles de la conduction ou développer une insuffisance cardiaque congestive.

Ces troubles ne peuvent être correctement contrôlés qu’après correction de la calcémie.

C – MANIFESTATIONS OCULAIRES :

La cataracte est une complication fréquente des hypocalcémies chroniques, retrouvée dans 28 % des cas chez les patients souffrant d’hypocalcémie depuis plus de 4 ans.

Elle peut être révélatrice de l’hypocalcémie chronique.

Son mécanisme semble être un trouble de l’hydratation du cristallin.

Sa localisation est plus fréquemment sous-capsulaire antérieure ou surtout postérieure ; le noyau du cristallin est en général épargné, ce qui permet de distinguer cette anomalie de la cataracte liée à l’âge.

La normalisation de la calcémie stabilise son évolution, mais ne permet généralement pas la régression des lésions constituées.

D – MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES :

Ces troubles semblent plus liés au type d’hypoparathyroïdie qu’à l’hypocalcémie elle-même.

Ils se rencontrent surtout chez les patients atteints d’hypoparathyroïdie idiopathique.

Dans ces cas, la peau est sèche, les ongles cassants, les cheveux fins, secs et clairsemés, l’émail dentaire est strié et les caries surviennent fréquemment ; chez les enfants hypocalcémiques, les dents sont fréquemment dysplasiques, voire absentes.

Dans certains cas comme par exemple dans le syndrome pluriglandulaire auto-immun type I, ou autoimmune polyglandular endocrinopathy candidiasis ectodermal dystrophy (APECED), il peut exister une association avec une candidose cutanéomuqueuse difficile à traiter et traduisant un déficit de l’immunité cellulaire associé à l’hypoparathyroïdie.

Chez les patients souffrant d’hypocalcémie chronique, il peut aussi apparaître une atrophie des villosités intestinales, responsable d’une stéathorrée avec malabsorption.

Ces anomalies sont insensibles au régime sans gluten, au contraire de la maladie coeliaque, mais s’améliorent après correction de la calcémie.

E – MANIFESTATIONS OSSEUSES :

Elles sont plus liées à l’hypoparathyroïdie responsable de l’hypocalcémie qu’à l’hypocalcémie elle-même.

En effet, en marge de son action sur le maintien de la calcémie, la PTH possède des effets importants sur le remodelage osseux.

Celui-ci consiste en un couplage harmonieux entre une activité de résorption osseuse, due aux ostéoclastes, et une activité d’ostéoformation, due aux ostéoblastes.

Son rôle est d’assurer le maintien d’une architecture osseuse nécessaire au rôle de charpente du squelette.

Chez un sujet adulte sain, le remodelage osseux est responsable d’un flux global nul de calcium entre l’os et le liquide extracellulaire, et n’intervient pas dans le maintien de la calcémie.

L’effet global de la PTH sur l’os est d’augmenter la résorption osseuse.

Cet effet est la conséquence du recrutement et de l’activation des ostéoclastes ; néanmoins, compte tenu du couplage étroit entre les activités ostéoclastique et ostéoblastique, il s’accompagne également du nombre de foyers ostéoblastiques qui viennent compenser, au moins en partie, la perte osseuse, ce qui permet de limiter la perte du capital osseux.

Inversement, la diminution de la sécrétion de PTH, voire son absence, résulte en une nette diminution du remodelage osseux, accompagnée d’une augmentation de la minéralisation de l’os, qu’il soit cortical ou trabéculaire.

Ainsi, chez des patients atteints d’hypoparathyroïdie évoluant depuis 10 ans, secondaire à une thyroïdectomie totale, il a été constaté une augmentation de la densité minérale osseuse au niveau des sites d’os trabéculaire, ainsi qu’une diminution de la perte minérale osseuse physiologique au niveau des sites d’os cortical.

Diagnostic :

Devant la constatation d’une hypocalcémie, ou lors de l’exploration d’un patient se plaignant de symptômes évocateurs d’hypocalcémie, et en l’absence d’insuffisance rénale sévère, le diagnostic est avant tout guidé par l’interrogatoire, l’enquête familiale et l’examen clinique.

En effet, il est fréquent qu’une hypocalcémie survienne dans un contexte évident, comme une chirurgie thyroïdienne radicale par exemple, qui oriente immédiatement vers une hypoparathyroïdie postchirurgicale.

De même, l’existence d’autres cas familiaux d’hypocalcémie peut orienter vers le diagnostic d’hypocalcémie autosomique dominante ou de certains cas héréditaires d’hypoparathyroïdie.

L’examen clinique recherche des anomalies secondaires à la résistance à d’autres hormones que la PTH, en particulier d’autres hormones activant un récepteur couplé à une protéine Gs (thyroid stimulating hormone, follicle stimulating hormone et luteinizing hormone).

De même, il faut rechercher des signes malformatifs.

Ces deux dernières anomalies sont fréquemment associées aux syndromes de résistance héréditaire à la PTH (pseudohypoparathyroïdies). Parallèlement, les explorations doivent dans un premier temps confirmer l’existence d’une hypocalcémie, au mieux par une mesure de la concentration sérique de calcium ionisé associée à la mesure du pH sanguin, sinon en associant au moins une mesure de la protidémie et du pH sanguin à la mesure de la calcémie totale, par une méthode de référence comme la spectrophotométrie d’absorption atomique.

La confirmation de l’existence d’une hypocalcémie suggère un défaut d’action de la PTH.

Dans ces conditions, le diagnostic d’hypoparathyroïdie repose avant tout sur la démonstration du caractère inapproprié de la sécrétion de PTH au regard de l’hypocalcémie (c’est-à-dire PTH basse ou normale) par le dosage immunométrique de la PTH intacte.

En effet, l’existence d’une hypocalcémie, qu’elle soit aiguë ou chronique, doit augmenter la sécrétion de PTH, dans le but de stimuler la libération du calcium osseux et la réabsorption tubulaire de calcium qui vont tendre à corriger l’hypocalcémie.

Dans certains cas, le diagnostic peut être cependant difficile, par exemple lorsque la sécrétion de PTH reste normale et que l’hypocalcémie est inconstante au cours du temps, ne survenant qu’en présence de circonstances favorisantes.

Il peut être alors nécessaire de pratiquer une exploration dynamique, afin de démontrer le caractère insuffisant de la sécrétion de PTH dans une situation où la sécrétion devrait être maximale, c’est-à-dire lorsque l’on provoque une hypocalcémie (par exemple en administrant une perfusion intraveineuse d’éthylène-diamine-tétra-acétate).

Ce type d’exploration n’est cependant qu’exceptionnellement nécessaire.

Son indication et sa réalisation requièrent un service spécialisé. Ainsi, la constatation d’une valeur de PTH basse ou même normale, donc inappropriée à l’hypocalcémie, suggère fortement le diagnostic d’hypoparathyroïdie.

Le seul diagnostic différentiel possible mais devant être formellement éliminé, car de prise en charge différente, est l’hypocalcémie autosomique dominante par mutation activatrice du récepteur sensible au calcium.

En cas de suspicion de cette affection, c’est-à-dire en cas de découverte d’autres cas familiaux d’hypocalcémie, et lorsque la PTH est normale (mais inappropriée à l’hypocalcémie), il est utile de mesurer la calciurie des patients.

En effet, la calciurie est en général très basse dans le cas d’une hypoparathyroïdie non traitée (calciurie = 0,14 ± 0,20 mmol/mmol créatinine), en raison de la diminution de la charge filtrée en calcium, alors qu’elle est normale voire haute dans le cas d’une hypocalcémie autosomique dominante (calciurie = 0,5 ± 0,1 mmol/mmol créatinine).

Cette « hypercalciurie » est expliquée par le fait que l’épithélium rénal exprime, tout comme les cellules parathyroïdiennes, le CaR et que ce récepteur intervient dans la régulation de la réabsorption du calcium par l’épithélium tubulaire rénal : en cas de mutation activatrice du récepteur, la réabsorption rénale de calcium est diminuée, par rapport à un sujet hypoparathyroïdien ayant une même valeur de calcémie.

Pour la même raison, le récepteur sensible au calcium intervenant aussi dans la régulation de la réabsorption rénale de magnésium, il existe souvent une hypomagnésémie rénale associée.

Les mesures de la magnésémie et de la magnésurie sont souhaitables.

En effet, les hypomagnésémies sévères peuvent être responsables d’une hypoparathyroïdie.

À noter que les déplétions primitives en magnésium sont en général très hypocalcémiques.

La valeur de la phosphatémie à jeun est en général augmentée dans les hypoparathyroïdies.

À partir d’une mesure de la phosphatémie et de la créatininémie à jeun, associée à la mesure de la phosphaturie et de la créatininurie sur un échantillon d’urine à jeun, il est possible de calculer l’excrétion fractionnelle de phosphate selon la formule : EF Pi = Pi-urine/Pi-plasma X créat-plasma/créat-urine ; l’excrétion fractionnelle de phosphate et la phosphatémie à jeun permettent ensuite d’évaluer le seuil théorique de la réabsorption tubulaire rénale du phosphate (TmPi/GFR) en utilisant le nomograme décrit par Bijvoet.

Dans le cas des hypoparathyroïdies, le seuil rénal de réabsorption des phosphates est en général augmenté, démontrant que l’hyperphosphatémie est d’origine rénale, secondaire à l’insuffisance de sécrétion de PTH.

La valeur de 25(OH)D est le plus souvent normale.

En effet, il s’agit de la forme de stockage de la vitamine D, et elle reflète essentiellement le statut nutritionnel et l’ensoleillement du patient.

En revanche, la valeur de calcitriol (1,25(OH)2 vitamine D), le métabolite actif de la vitamine D, est généralement très basse en raison de l’importance en conditions basales, chez le sujet normal, de l’action stimulante de la PTH sur la 1-alpha-hydroxylase rénale, enzyme responsable de la transformation de la 25(OH)D en 1,25(OH)2 vitamine D.

Les indices du remodelage osseux ne sont pas utiles au diagnostic. D’une manière générale, ils traduisent la diminution du remodelage osseux secondaire à la diminution de sécrétion de PTH, mais aussi de 1,25(OH)2 vitamine D ; par conséquent, les indices d’ostéorésorption tels que la déoxypyridinolinurie, et les indices d’ostéoformation tels que l’ostéocalcine, sont diminués.

Il est possible de tester la sensibilité du tubule rénal par des perfusions de PTH exogène en mesurant la production d’AMP cyclique néphrogénique et les variations du TmPi/GFR.

Cette exploration a cependant une indication restreinte à la recherche d’une résistance à la PTH, comme il est observé dans le cas des pseudohypoparathyroïdies.

Enfin, dans le cadre de certaines hypoparathyroïdies dites « idiopathiques », et surtout de l’hypocalcémie autosomique dominante, il est maintenant possible de proposer un diagnostic génétique.

Causes des hypoparathyroïdies :

A – HYPOPARATHYROÏDIES ACQUISES :

1- Hypoparathyroïdies postchirurgicales :

La cause la plus fréquente d’hypoparathyroïdie est la chirurgie cervicale.

Les glandes parathyroïdiennes peuvent être retirées ou lésées lors de la chirurgie cervicale étendue (cancer thyroïdien ou laryngé, maladie de Basedow ou goitre multinodulaire, interventions répétées sur les parathyroïdes) ; une hypoparathyroïdie transitoire ou définitive peut également être la conséquence d’un oedème ou d’hémorragies altérant la vascularisation des glandes parathyroïdiennes.

L’hypoparathyroïdie peut être complète ou partielle en rapport avec une diminution de la réserve parathyroïdienne ; dans ce dernier cas, l’hypocalcémie est modérée ou épisodique, n’apparaissant que dans certaines situations pouvant la favoriser, comme une diminution de l’absorption digestive du calcium, une perte rénale de calcium ou une libération insuffisante du calcium osseux.

Une hypoparathyroïdie précoce et transitoire (3 à 5 jours) peut être observée après ablation d’un adénome parathyroïdien, en raison de l’inhibition de la sécrétion de PTH par les glandes normales, antérieurement induite par l’hypercalcémie chronique.

Une hypocalcémie prolongée, apparaissant dans les suites postopératoires immédiates ou quelques semaines ou même quelques années après la chirurgie, doit faire évoquer une hypoparathyroïdie permanente.

Le risque d’hypoparathyroïdie permanente, après cervicotomie pour une hyperparathyroïdie primitive, est habituellement inférieur à 5 %.

Le risque d’hypoparathyroïdie permanente, après chirurgie thyroïdienne, varie en fonction des séries entre 0 % et 10 %.

Chez les patients présentant un risque important de développer une hypoparathyroïdie postopératoire (intervention pour hyperplasie des glandes parathyroïdiennes, cervicotomies répétées), il est possible d’autotransplanter du tissu parathyroïdien dans un muscle de l’avant-bras ou dans le sterno-cléido-mastoïdien, ou de congeler du tissu parathyroïdien pour transplantation ultérieure.

2- Autres causes d’hypoparathyroïdies acquises :

Elles sont rares, en dehors de la déplétion en magnésium.

La destruction des glandes parathyroïdes peut être secondaire à une irradiation cervicale externe ou à un traitement par iode radioactif, à une infiltration granulomateuse ou néoplasique (carcinome métastasé) ou encore fibro-inflammatoire (thyroïdite de Riedel), à une maladie de surcharge (maladie de Wilson, hémochromatose).

Une hypoparathyroïdie transitoire a été décrite lors d’intoxication alcoolique aiguë.

3- Hypoparathyroïdies fonctionnelles en rapport avec une dysmagnésémie :

L’hypocalcémie est une manifestation classique de la déplétion chronique en magnésium, qui peut être due à un défaut de l’absorption intestinale ou de la réabsorption rénale du magnésium.

Une cause fréquente de déplétion en magnésium est l’alcoolisme chronique, qui peut associer de faibles apports nutritionnels, un syndrome de malabsorption digestive et une fuite rénale de magnésium.

La pathogénie de l’hypocalcémie associée à la déplétion en magnésium est multifactorielle :

– hypoparathyroïdie avec une altération de la sécrétion de PTH probablement secondaire aux effets de la déplétion intracellulaire en magnésium sur la fonction parathyroïdienne (le tableau métabolique associe alors une hypocalcémie et une concentration circulante de PTH basse ou normale mais inappropriée à l’hypocalcémie ; l’injection intraveineuse de magnésium corrige la sécrétion de PTH) ;

– pseudohypoparathyroïdie en rapport avec une résistance à l’action de la PTH sur ses organes cibles.

L’hypermagnésémie peut également induire une hypoparathyroïdie.

En pratique clinique, cette situation se rencontre en milieu obstétrical, lorsque des perfusions de fortes doses de sulfate de magnésium sont utilisées.

L’inhibition de la sécrétion de PTH est probablement secondaire à un effet de l’hypermagnésémie aiguë sur le récepteur sensible au calcium.

B – HYPOPARATHYROÏDIE NÉONATALE SECONDAIRE À UNE HYPERPARATHYROÏDIE PRIMITIVE MATERNELLE :

Le nouveau-né dont la mère a une hyperparathyroïdie primitive peut développer une hypocalcémie symptomatique dans les 3 semaines qui suivent sa naissance, bien qu’un délai de 1 an ait déjà été observé.

Le mécanisme proposé de cette hypocalcémie néonatale est le suivant : l’hypercalcémie chez la mère est à l’origine d’une augmentation du transport de calcium à travers le placenta et d’une hypercalcémie foetale ; l’hypoplasie parathyroïdienne foetale secondaire à cette hypercalcémie explique l’hypocalcémie néonatale observée.

C – HYPOPARATHYROÏDIES GÉNÉTIQUEMENT DÉTERMINÉES :

Ces hypoparathyroïdies peuvent être isolées ou associées à un syndrome malformatif ou à des anomalies endocriniennes et dermatologiques dans le cadre de syndrome auto-immun.

Elles sont la plupart du temps manifestes dès la première décennie ; cependant, elles peuvent être découvertes plus tardivement.

1- Anomalies du gène de l’hormone parathyroïdienne :

Des mutations du gène de la PTH ont été décrites dans quelques familles atteintes d’hypoparathyroïdie familiale isolée à transmission autosomique dominante ou récessive.

Il a été mis en évidence deux mutations distinctes dans la région du gène de la PTH codant le peptide-signal de la PTH, à l’origine d’une altération de la maturation de la pré-pro-PTH en pro-PTH (transmission autosomique dominante pour la première mutation décrite et récessive pour la deuxième).

Chez une famille atteinte d’hypoparathyroïdie à transmission autosomique récessive, a été décrite une substitution dans le premier nucléotide de l’intron 2 du gène de la PTH ; cette mutation entraîne un saut d’exon avec perte de l’exon 2 au niveau de l’acide ribonucléique messager transcrit, exon 2 qui code le codon d’initiation et le peptide-signal, induisant ainsi un déficit en PTH.

2- Anomalies du développement des glandes parathyroïdiennes :

Une agénésie ou une hypoplasie congénitale des parathyroïdes peut induire une hypoparathyroïdie néonatale ou se manifestant souvent dès la petite enfance.

Il peut s’agir d’une hypoparathyroïdie isolée autosomique récessive (locus non identifié) ou récessive liée à l’X (localisation du gène mutant en Xq26-q27).

L’hypoparathyroïdie peut être aussi associée à des anomalies du thymus (à l’origine d’une diminution de l’immunité cellulaire), une dysmorphie faciale et des malformations cardiovasculaires, dans le cadre d’un syndrome de Di George en rapport avec un défaut du développement des troisième et quatrième arcs branchiaux.

Ce syndrome résulte le plus souvent d’une microdélétion sur le bras long du chromosome 22, qui doit être recherchée (cependant d’autres causes, chromosomiques ou environnementales, ont été rapportées).

La détection d’une microdélétion en 22q11 par la technique fluorescence in situ hybridization (FISH) permet le diagnostic.

En revanche, un résultat négatif n’exclut pas une anomalie en 22q.

Un petit nombre de patients atteints d’un syndrome de Di George sont porteurs d’une délétion du bras court du chromosome 10.

À noter que des individus porteurs d’un syndrome proche de celui de Di George, appelé « vélo-cardiofacial » ont aussi des microdélétions des chromosomes 22 et 10.

L’expression phénotypique de ces anomalies chromosomiques est extrêmement variable : l’hypoparathyroïdie peut être manifeste, avec biologiquement une hypocalcémie associée à une valeur de PTH basse ou normale mais inappropriée, ou latente, pouvant se manifester tardivement ou ne se révéler que dans certaines situations favorisant l’hypocalcémie (diminution de la capacité de l’intestin à absorber le calcium, perte rénale de calcium, libération insuffisante du calcium osseux).

Il est donc souhaitable, d’une part de rechercher systématiquement une hypoparathyroïdie chez les patients porteurs de ces anomalies chromosomiques (éventuellement par des tests dynamiques), et d’autre part de faire pratiquer une analyse génétique (caryotype ± FISH pour rechercher une microdélétion en 22q11 ou 10p) et de rechercher des anomalies morphologiques occultes (cardiaques, rénales et éventuellement gastro-intestinales) chez tout patient présentant une hypoparathyroïdie persistante et inexpliquée dans l’enfance.

Bien que de nombreux cas de syndrome de Di George paraissent en rapport avec une mutation de novo, une transmission autosomique dominante n’est pas rare.

Récemment, chez des patients atteints d’un syndrome proche de celui de Di George, associant une hypoparathyroïdie, une surdité neurosensorielle et une dysplasie rénale, ont été mises en évidence plusieurs mutations du gène GATA3, localisé sur le bras court du chromosome 10 (10p15).

Ce gène appartient à une famille de facteurs transcriptionnels à « doigts de zinc » impliqués dans le développement embryonnaire.

GATA3 est essentiel au développement embryonnaire des parathyroïdes, du système auditif et des reins.

Une hypoparathyroïdie familiale peut s’associer à d’autres syndromes congénitaux comme le syndrome de Kenny- Caffey, caractérisé par un retard de croissance, une ostéosclérose, un épaississement de la corticale des os longs et des anomalies oculaires, et pour lequel une transmission autosomique dominante et une transmission autosomique récessive ont été observées, ou encore le syndrome de Sanjad-Sakati de transmission autosomique récessive, caractérisé par une petite taille, un retard mental, l’absence d’ostéosclérose.

Ce dernier syndrome et la forme autosomique récessive du syndrome de Kenny-Caffey sont liés à une anomalie chromosomique en 1q42-43.

De rares associations d’une hypoparathyroïdie avec des neuromyopathies en rapport avec une pathologie mitochondriale ont été décrites.

Ces désordres incluent le syndrome de Kearns et Sayre (qui associe une ophtalmoplégie, une dégénérescence rétinienne et des troubles de la conduction cardiaque), le syndrome de Pearson (qui associe une acidose lactique, une neutropénie, une anémie sidéroblastique et des anomalies de la fonction exocrine du pancréas) et l’encéphalomyopathie mitochondriale.

Une autre myopathie rare, en rapport avec une anomalie de l’oxydation des acides gras, peut être associée à une hypoparathyroïdie.

3- Hypoparathyroïdies auto-immunes :

Une des variétés les plus communes d’hypoparathyroïdie dite idiopathique est l’hypoparathyroïdie associée au syndrome pluriglandulaire auto-immun type I (APECED).

Ce syndrome peut être sporadique ou familial.

Il s’agit d’une maladie autosomique récessive associée à la mutation d’un gène nommé AIRE (autoimmune regulator), récemment identifié et localisé en 21q22.3.

Plusieurs mutations de ce gène, dont la fonction n’est pas connue, ont déjà été décrites.

Les manifestations majeures de ce syndrome sont une candidose cutanéomuqueuse chronique, une hypoparathyroïdie et une insuffisance surrénalienne.

Les autres manifestations incluent d’autres endocrinopathies auto-immunes, comme un hypogonadisme périphérique, un diabète insulinodépendant, une thyroïdite auto-immune, des anomalies hypophysaires, des anomalies gastro-intestinales (une anémie pernicieuse, une gastrite chronique atrophique, une malabsorption digestive), une hépatite chronique active, des anomalies dermatologiques auto-immunes (un vitiligo, une alopécie, une dystrophie ectodermique), une kératoconjonctivite, des anomalies de l’immunité cellulaire et humorale, un asplénisme, une lithiase vésiculaire.

La manifestation initiale apparaît le plus souvent dans l’enfance.

Dans la majorité des cas, la candidose est la manifestation la plus précoce, généralement avant 5 ans, suivie par l’hypoparathyroïdie, qui apparaît habituellement avant l’âge de 10 ans, et plus tard par la maladie d’Addison, qui apparaît avant l’âge de 15 ans.

Les trois composantes majeures de ce syndrome ne sont présentes ensemble que dans environ un tiers à la moitié des cas.

L’hypoparathyroïdie peut apparaître entre 3 mois et 44 ans et, selon les séries, est présente à un moment de l’évolution de la maladie chez 76 % à 93 % des patients ; la candidose est présente chez 73 % à 100 % des patients et l’insuffisance surrénalienne chez 72 % à100 % des patients.

Des anticorps antitissu parathyroïdien sont notés dans un pourcentage significatif de cas, et récemment des autoanticorps dirigés contre le CaR ont été mis en évidence chez 20 % de patients atteints d’hypoparathyroïdie entrant dans le cadre d’un syndrome pluriglandulaire type I ou associée de façon isolée à une thyroïdite auto-immune.

Le rôle de ces autoanticorps dans la pathogénie de l’hypoparathyroïdie n’est pas connu.

4- Mutations activatrices du récepteur sensible au calcium :

Des mutations activatrices du gène du CaR, localisé sur le bras long du chromosome 3, sont à l’origine d’un syndrome d’hypocalcémie familiale dominante, qui se caractérise par une hypocalcémie pouvant être légère ou modérée, associée à une concentration sérique de PTH normale basse, inappropriée à l’hypocalcémie, et une tendance à l’hypomagnésémie.

La calciurie est normale ou élevée, toujours inappropriée à la valeur de calcémie : en dehors de tout traitement, la calciurie des 24 heures des patients porteurs d’une mutation activatrice du CaR est approximativement deux fois supérieure à celle des patients atteints d’une autre forme d’hypoparathyroïdie.

Le traitement par vitamine D et calcium s’accompagne d’une augmentation marquée de la calciurie, de la survenue d’une lithiase rénale calcique et/ou d’une néphrocalcinose et d’une insuffisance rénale. L’existence de ces risques doit conduire à ne proposer un traitement qu’aux patients nettement symptomatiques.

L’hypercalciurie est vraisemblablement la conséquence de l’activation du CaR rénal qui déprime la réabsorption tubulaire du calcium filtré.

Dans la plupart des familles décrites, les sujets atteints ont une mutation hétérozygote (de type faux-sens) dans les exons codant pour le domaine extracellulaire du récepteur ; néanmoins, plusieurs mutations affectant les domaines transmembranaires ont été décrites, et très récemment une grande délétion dans la portion carboxyterminale du récepteur a été décrite.

En dehors de ces formes familiales, des formes sporadiques correspondant à des mutations de novo du CaR ont été récemment décrites.

En pratique, la recherche de mutation du CaR est un outil diagnostique important, en présence d’une hypocalcémie parathyroïdienne (ce d’autant plus que celle-ci est associée à la combinaison variable de ces critères : valeur normale basse de PTH ; tendance à l’hypomagnésémie ; antécédents familiaux d’hypocalcémie avec une transmission héréditaire autosomique dominante ; tendance à l’hypercalciurie) pour distinguer l’hypocalcémie autosomique dominante d’une hypoparathyroïdie de mécanisme différent, le traitement par calcium et vitamine D étant potentiellement dangereux chez les sujets atteints d’hypocalcémie autosomique dominante.

Traitement de l’hypoparathyroïdie :

Le traitement d’une hypoparathyroïdie devrait avoir pour objectif de rétablir une calcémie proche de la normale, afin d’une part de faire en sorte que le patient soit asymptomatique, et d’autre part d’éviter les complications chroniques de l’hypocalcémie.

En pratique, le traitement par l’hormone parathyroïdienne n’étant pas utilisable, les patients hypoparathyroïdiens sont traités par calcium et dérivés de la vitamine D.

L’administration de dérivés de la vitamine D et de calcium est à l’origine d’une augmentation de l’absorption intestinale de calcium, et donc d’une augmentation de la charge filtrée.

Parce que les patients hypoparathyroïdiens ont une diminution de la réabsorption rénale du calcium, cette augmentation de la charge filtrée de calcium peut entraîner une hypercalciurie, avec le risque de lithiase rénale et de néphrocalcinose.

Il est donc nécessaire de proposer les doses minimales de vitamine D et de calcium qui vont permettre le maintien d’une calcémie dans les valeurs basses de la normale, et aussi le maintien d’une calciurie des 24 heures inférieure à 0,1 mmol/kg.

Les diurétiques thiazidiques, qui augmentent la réabsorption rénale du calcium, sont parfois associés au traitement par vitamine D et calcium, lorsque ce dernier induit une hypercalciurie malgré une calcémie trop basse (< 2 mmol/L).

L’utilisation d’hydroxyde d’aluminium pour maintenir la phosphatémie en dessous de 2 mmol/L n’est pas nécessaire, l’apport de calcium et des dérivés de la vitamine D diminuant le TmPi.

Chez l’adulte, le traitement de l’hypocalcémie aiguë, symptomatique et sévère (inférieure à 1,9 mmol/L) qui peut s’observer par exemple après ablation accidentelle des parathyroïdes, lors de la chirurgie thyroïdienne, justifie un apport calcique par voie parentérale, en attendant le relais par voie orale : le gluconate de calcium à 10 % existe en ampoules de 10 mL contenant environ 90 mg de calciumélément.

Après injection par voie intraveineuse d’une à deux ampoules diluées dans 50 à 100 mL de soluté glucosé isotonique en 5 à 10 minutes, une perfusion de 10 ampoules diluées dans 900 mL de soluté glucosé isotonique peut être administrée initialement au débit de 50 mL (soit environ 45 mg de calcium) par heure, le débit étant secondairement adapté pour maintenir une calcémie dans les valeurs basses de la normale.

Le chlorure de calcium à 10 % existe en ampoules de 10 mL contenant chacune 182 mg de calciumélément, rendant cette préparation nettement plus agressive pour les veines.

En cas d’hypocalcémie modérée, comprise entre 1,9 et 2,1 mmol/L, chez un patient asymptomatique, une supplémentation calcique orale (500 à 1 000 mg de calcium-élément toutes les 6 heures) assortie d’une surveillance clinique et biologique peut être suffisante.

Le traitement de l’hypoparathyroïdie chronique nécessite le recours à des apports calciques oraux ainsi que, le plus souvent, à un métabolite actif de la vitamine D, pour augmenter l’absorption intestinale de calcium.

Le calcium peut être apporté sous forme de carbonate, de citrate ou de glubionate, le phosphate de calcium étant à éviter, en raison du risque d’aggravation d’une hyperphosphatémie préexistante.

La dose quotidienne est habituellement comprise entre 1 et 2 g de calcium-élément, répartis dans la journée.

Les dérivés de la vitamine D utilisés sont la 1,25(OH)2 vitamine D (0,5 à 1 µg/j) ou la 1-alpha-OH vitamine D (1 à 2 µg/j).

Chez l’enfant, le traitement doit être adapté en fonction de l’âge et du poids.

Dans le cadre de l’hypocalcémie autosomique dominante, le risque d’induire, par un traitement associant calcium et dérivés de la vitamine D, une hypercalciurie importante pouvant se compliquer d’une lithiase rénale et/ou d’une néphrocalcinose et d’une insuffisance rénale doit inciter à ne traiter que les patients nettement symptomatiques.

Quel que soit le contexte, une hypomagnésémie doit être recherchée et, le cas échéant, traitée.

En cas d’acidose métabolique associée, le traitement de l’hypocalcémie doit précéder et non pas suivre celui de l’acidose, sous peine d’observer une aggravation de l’hypocalcémie.

En début de traitement, un contrôle fréquent de la calciurie des 24 heures, de la calcémie et de la phosphatémie est nécessaire ; une fois l’objectif atteint, un suivi trimestriel ou semestriel doit être suffisant.

De plus, il est souhaitable de faire pratiquer en début de traitement puis régulièrement un examen radiologique sans préparation et/ou une échographie de l’arbre urinaire, afin de s’assurer de l’absence de lithiase urinaire et de néphrocalcinose.

TRAITEMENT DE L’HYPOPARATHYROÏDIE PENDANT LA GROSSESSE ET LA LACTATION :

Pendant la grossesse, une hypocalcémie chronique maternelle doit être évitée, en raison du risque de développement d’une hyperplasie parathyroïdienne foetale intra-utérine, de déminéralisation, d’hypotrophie et de mort foetale.

Dans quelques études, les besoins maternels en calcitriol seraient moindres pendant la grossesse ; cependant, dans d’autres études, ces besoins augmenteraient pendant le troisième trimestre de la grossesse. Pendant la période de lactation, les besoins en calcitriol et en calcium habituellement diminuent ; il est même parfois nécessaire d’interrompre le traitement en cours, en raison du risque d’hypercalcémie.

Le maintien d’une calcémie normale malgré l’arrêt du traitement pourrait être en rapport avec une augmentation de la concentration sérique d’un peptide apparenté à la PTH (PTHrP) sécrété par la glande mammaire.

Dans tous les cas, une surveillance attentive de la supplémentation en calcium et en vitamine D est nécessaire pendant la grossesse et la lactation, afin d’en ajuster la posologie.

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