Hypertension artérielle d’origine endocrinienne

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Essentiel :

Les limites même de l’HTA d’origine endocrinienne sont établies très conventionnellement.

Cette courte revue, délibérément clinique, concerne donc les HTA d’origine surrénalienne, par sécrétion excessive d’adrénaline et de noradrénaline, de minéralocorticoïdes ou de cortisol ; l’acromégalie ; l’hyperthyroïdie ; l’hyperréninisme primaire.

Ne sont pas envisagées ici les autres formes d’HTA avec haut niveau d’angiotensine II et hyperaldostéronisme secondaire, en particulier consécutive à une sténose artérielle rénale ou à l’utilisation d’estrogènes par voie orale, les endocrinopathies où l’HTA ne constitue qu’une manifestation mineure (hyperparathyroïdie) ou contestée (hypothyroïdie), enfin le diabète de type 2, où le rôle de l’hyperinsulinisme dans le mécanisme de l’HTA est débattu.

Une HTA d’origine endocrinienne peut être suspectée à deux moments de la vie d’un hypertendu : d’emblée, lorsque les données de l’interrogatoire mettent sur la piste d’une cause sporadique, d’une maladie héréditaire monogénique ou lorsque les tests biologiques de routine décèlent une hypokaliémie ; ultérieurement, lorsque l’HTA résiste à un traitement médicamenteux bien conduit (PA > 140/90 mmHg malgré trois classes d’antihypertenseurs dont un diurétique).

Phéochromocytome :

A – ANATOMOPATHOLOGIE :

Hypertension artérielle d’origine endocrinienneLésion développée à partir du tissu chromaffine issu de la crête neurale, le phéochromocytome (PH) est localisé à la médullosurrénale dans 90 % des cas (et alors plus souvent situé à droite qu’à gauche).

Dix pour cent des PH sont extrasurrénaliens, issus de la chaîne ganglionnaire sympathique : on les désigne aussi sous le terme de paragangliomes.

Localisés entre la base du crâne et les testicules, ils sont le plus souvent abdominaux.

Tumeur bénigne dans 90 % des cas, le PH peut être une tumeur maligne ; seules la mise en évidence d’une infiltration des ganglions ou des organes de voisinage, ou l’existence de métastases, constituent des arguments décisifs de malignité.

En effet, les critères cytologiques sont insuffisants pour l’attester.

B – BIOCHIMIE :

À la différence des surrénales normales qui synthétisent surtout de l’adrénaline, la majorité des PH sécrète principalement la noradrénaline et, à un degré moindre, l’adrénaline.

Beaucoup plus rarement, la libération de l’une ou l’autre amine est isolée.

D’exceptionnels PH sécrétant la dopamine (vasodilatatrice) sont rapportés.

Les catécholamines exercent leur effet par l’intermédiaire des récepteurs alpha et bêta.

La noradrénaline a un effet alphastimulant exclusif, induisant une vasoconstriction artérielle et veineuse, donc une hypertension artérielle.

L’adrénaline agit simultanément comme alpha- et bêtastimulant, en associant aux effets vasculaires un effet cardiaque, inotrope et chronotrope positif.

Le PH est doté en abondance de l’équipement enzymatique nécessaire au catabolisme des catécholamines in situ, de sorte que les symptômes propres au PH dépendent de la nature des catécholamines qui diffusent hors de la tumeur et de leur débit de sécrétion.

Celui des amines (noradrénaline et adrénaline) est habituellement discontinu, alors que leurs dérivés O-méthylés (normétanéphrine et métanéphrine) sont synthétisés et relargués en continu.

Dans l’ensemble, niveau tensionnel et concentrations de catécholamines circulantes sont médiocrement corrélés.

En revanche, l’excrétion urinaire de catécholamines est corrélée à la taille de la tumeur.

C – ÉPIDÉMIOLOGIE ET FORMES HÉRÉDITAIRES :

La prévalence du PH est estimée à 0,1 ‰ dans la population générale.

Son incidence est de 0,1 à 0,4 % chez les hypertendus.

La plupart des PH sont sporadiques ; néanmoins, dans 10 à 25 % des cas, ils sont dus à une mutation germinale responsable d’une forme héréditaire de PH :

– les néoplasies endocriniennes multiples (NEM) de type 2 (prévalence : 1/25 000) sont dues à des mutations activatrices du proto-oncogène RET aboutissant à une activation du récepteur de la tyrosine kinase ;

– la maladie de von Hippel-Lindau (VHL) (prévalence : 1/36 000) implique le gène VHL qui est un gène suppresseur de tumeur.

La protéine VHL régule la dégradation dans le protéasome de diverses protéines, dont hypoxia-inducible factor (HIF), impliqué dans la sensibilité tissulaire à l’hypoxie.

Dans les familles VHL, le risque de développer un PH est lié à la variété de mutation germinale : les mutations faux-sens (aboutissant à la substitution d’un seul acide aminé dans la protéine) sont à haut risque ; au site de la mutation, le codon 167 est un point chaud ;

– la neurofibromatose de type I (prévalence : 1/3 000) est une cause exceptionnelle de PH.

Le gène en cause, NF1, code pour la neurofibromine ;

– une quatrième variété de PH familial a été tout récemment identifiée : les PH, surrénaliens ou extrasurrénaliens y sont associés à des paragangliomes développés aux dépens des relais parasympathiques du cou : ces tumeurs, dénommées chémodectomes, sont issues des glomus des carotides ou des veines jugulaires.

Une mutation d’un des deux gènes SDHD ou SDHB codant pour la sous-unité B ou D participant à la succinate déshydrogénase de la chaîne respiratoire mitochondriale est constatée.

L’équipement enzymatique impliqué dans le métabolisme des catécholamines dans le PH aboutit à un phénotype noradrénergique dans les familles VHL, et à un phénotype adrénergique dans les familles NEM 2A.

La possibilité d’une prédisposition héréditaire doit être évoquée de principe avant 40 ans ou en cas de PH multifocal.

D – CLINIQUE :

L’HTA est le signe cardinal du PH : le plus souvent coexistent une élévation permanente de la pression artérielle et des paroxysmes hypertensifs, symptomatiques ou non, bien décelés par l’enregistrement ambulatoire de la pression artérielle sur 24 heures.

Un petit contingent de patients est normotendu entre les épisodes d’HTA paroxystique.

Chez un hypertendu, les symptômes suggestifs d’un PH forment une triade associant céphalées, sueurs et palpitations et durant 15 à 20 minutes.

Ces symptômes, isolés ou regroupés, sont volontiers stéréotypés chez un patient donné.

Habituellement, l’HTA associée au PH est sévère et résistante au traitement.

Chez un hypertendu, trois autres signes orientent vers le PH : l’hypotension orthostatique, l’amaigrissement, et un diabète récent sans surcharge pondérale.

Le PH peut par ailleurs donner lieu à des manifestations très diverses et provoquer des tableaux cliniques trompeurs ou graves, notamment au cours de la grossesse.

La possibilité d’infarctus du myocarde, de myocardite catécholaminergique révélée par un oedème pulmonaire et de troubles paroxystiques du rythme cardiaque a été soulignée.

Les complications majeures des PH sont liées d’une part aux conséquences cardiaques et neurologiques des poussées d’HTA aiguë, d’autre part à la récidive fréquente des formes bénignes (8 % à 5 ans, 20 % à dix ans dans les lésions sporadiques), enfin à la malignité éventuelle des lésions.

E – DIAGNOSTIC BIOCHIMIQUE :

Les diagnostic de PH repose sur la mise en évidence d’une production excessive de noradrénaline ou d’adrénaline, ou de l’excrétion accrue de leurs métabolites.

Compte tenu de la rareté du PH, ces dosages hormonaux doivent être réservés aux patients suspects qui présentent les signes cliniques détaillés ci-dessus, ainsi qu’aux sujets chez lesquels une lésion surrénalienne a été découverte par hasard (incidentalome).

Sont possibles la mesure des catécholamines urinaires ou plasmatiques libres, ou la détermination des métabolites urinaires, métanéphrines et normétanéphrines.

Cette dernière mesure est privilégiée en France, mais à l’étranger d’autres équipes ont montré l’intérêt de la mesure des métanéphrines plasmatiques dans les PH sporadiques.

La technique de référence est la mesure par chromatographie liquide à haute pression de l’urine ou du plasma. Quelques règles doivent être respectées :

– les précautions de prélèvement des échantillons urinaires, avec la nécessité de collecter la totalité des urines des 24 heures dans un bocal acidifié et de mesurer simultanément la créatininurie, pour s’assurer d’un recueil complet (l’excrétion urinaire de créatinine est d’environ 1-1,5 mmol/10 kg de poids/24 h) ;

– l’analyse des résultats biochimiques doit tenir compte : (1) de la possibilité de sécrétion irrégulière ou intermittente des catécholamines ; (2) de la possibilité de faux positifs, par exemple en cas de dépression, stress, accident vasculaire cérébral récent ou sevrage alcoolique.

En pratique, la mesure de l’excrétion des catécholamines dans les urines des 24 heures constitue le dosage le plus fiable ; la mesure colorimétrique de l’acide vanylmandélique (VMA) n’est ni spécifique (interférences alimentaires et médicamenteuses), ni sensible.

Si le patient est hypertendu et présente des valeurs nettement élevées de métanéphrines et normétanéphrines, le diagnostic de PH est établi.

Les situations délicates concernent les patients ayant des symptômes atypiques ou une HTA intermittente, et dont les dosages sont normaux ou peu élevés.

Deux approches peuvent alors être utilisées : la répétition des mesures de métanéphrines urinaires ; la mesure des métanéphrines plasmatiques chez un patient hypertendu, prélevé en décubitus dorsal 30 minutes après la mise en place d’un dispositif intraveineux en l’absence de tout traitement bêtabloquant, diurétique ou vasodilatateur.

F – LOCALISATION DE LA TUMEUR :

La tomodensitométrie (TDM) ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM) repèrent 90 % des PH intra-abdominaux.

Compte tenu de la localisation et de la taille habituelles du PH au moment de sa découverte, environ 5 cm de diamètre avec des extrêmes de 1 à 15 cm, l’examen choisi doit être initialement centré sur les glandes surrénales, et en cas de normalité, étendu à l’ensemble de l’abdomen (des coupoles diaphragmatiques au plancher pelvien : les PH ectopiques de cette région sont localisés dans l’organe de Zuckerkandl, c’est-à-dire à la racine de la mésentérique supérieure, ou dans le plancher de la vessie, ou dans la région des hiles des reins), puis à l’étage thoracique (les PH ectopiques de cette région sont habituellement localisés dans l’espace médiastinal postérieur ou le péricarde).

L’aspect est celui d’une lésion hétérogène, rehaussée par l’administration de produit de contraste iodé ; si c’est une IRM qui est effectuée, la séquence en T2 montre un aspect hyperintense, assez suggestif.

Avant l’intervention chirurgicale, une scintigraphie du corps entier à la méta-iodobenzyl-guanidine, utilisant l’iode 131 (MIBG) doit être systématiquement pratiquée pour repérer les lésions multiples d’emblée ou les métastases (ganglions, os, foie).

La MIBG apporte le plus souvent les renseignements topographiques nécessaires, avec une spécificité supérieure à 95 %.

La sensibilité de la scintigraphie à la MIBG dépend cependant de la taille du PH : des études séquentielles chez des sujets à risque héréditaire de PH ont montré qu’avec l’accroissement de la tumeur, la captation du traceur isotopique devenait perceptible.

Si le PH n’est pas localisé au terme de ces investigations (15 % des PH ne sont pas localisés par la scintigraphie à la MIBG), une scintigraphie à la somatostatine marquée (octréotide) est indiquée.

G – TRAITEMENT :

L’exérèse chirurgicale de tout PH symptomatique fonctionnel est indispensable.

La préparation médicale préopératoire vise à : (1) corriger l’hypovolémie fréquente au cours du PH et dont témoignent l’hypotension orthostatique et l’hyperaldostéronisme secondaire ; (2) normaliser la pression artérielle des patients ayant une HTA permanente : l’emploi d’alphabloquants compétitifs est légitimé par la sécrétion habituellement prédominante de noradrénaline ; la prazosine constitue le produit de référence de cette classe et doit être débutée à faible posologie (première prise de 0,5 mg), progressivement augmentée, et répartie en deux ou trois prises quotidiennes ; lorsqu’une tachycardie persiste, un bêtabloquant est associé (il est alors commode d’employer le labétalol) ; les inhibiteurs des canaux calciques et de l’enzyme de conversion sont également efficaces pour traiter l’HTA ; (3) prévenir les arythmies cardiaques par la correction de toute hypokaliémie ; leur traitement repose avant tout sur les bêtabloquants.

L’exérèse doit être confiée à un chirurgien expérimenté : en cas de tumeur volumineuse, supérieure à 6 cm, une voie d’abord large est préférable, pour isoler et contrôler le réseau de drainage veineux du PH, réduire la manipulation de la tumeur et explorer les sites métastatiques éventuels (en particulier, pour les PH abdominaux, l’ensemble du rétropéritoine et le foie).

Pour les tumeurs plus petites présumées bénignes, les équipes spécialisées optent volontiers pour un traitement par chirurgie coelioscopique, associé à une morbidité et à une durée d’hospitalisation réduites.

Une instabilité hémodynamique accrue a été observée pour les tumeurs sécrétant la noradrénaline.

Dans les formes familiales de PH, une tumorectomie sélective a été recommandée pour les tumeurs de petite taille, afin d’éviter l’insuffisance surrénale définitive qui survient si une surrénalectomie bilatérale est nécessaire.

L’anesthésie du PH nécessite un remplissage vasculaire soigneux ; les variations hémodynamiques périopératoires (lors des manipulations de la tumeur ou après son ablation) sont traitées par le nitroprussiate de sodium, ou des vasopresseurs.

Le volume des tumeurs malignes peut être réduit par embolisation ou radiothérapie externe ; certaines lésions sont sensibles à une polychimiothérapie ou à l’emploi répété de MIBG.

En postopératoire, la régression de l’HTA, obtenue dans 38 % des cas bénins à 1 an, et la disparition des symptômes paroxystiques, sont en faveur d’un traitement complet. Une mesure des métanéphrines urinaires, environ 6 mois après l’intervention, doit confirmer l’impression clinique.

Ultérieurement, un examen clinique et les mêmes déterminations urinaires doivent être répétés indéfiniment chaque année dans les formes héréditaires, tous les deux ans dans les formes sporadiques.

Fortuitement ou à l’occasion d’un dépistage familial, des petits PH non fonctionnels (pas d’HTA ni de symptôme paroxystique ; sécrétion urinaire de métanéphrines normale ; pas de fixation scintigraphique) peuvent être décelés.

Si une surveillance régulière est possible, l’indication opératoire n’est pas formelle dans ces circonstances.

Les patients doivent être opérés si la tumeur devient sécrétante, ou si une intervention chirurgicale est planifiée.

H – SINGULARITÉS DE LA PRISE EN CHARGE DES FORMES HÉRÉDITAIRES :

L’identification d’antécédent familial de PH, d’un phénotype suggestif d’une cause génétique particulière de PH ou d’une des mutations germinales a des conséquences pratiques :

– chez le propositus :

– si une maladie de VHL est suspectée, un examen du fond d’oeil et une IRM cérébrale sont indispensables pour la recherche d’un hémangioblastome ; une scanographie de l’abdomen est indiquée pour dépistage des lésions du pancréas ou des reins ;

– si une NEM de type 2 est identifiée, une mesure de calcitonine avant et après administration de pentagastrine doit être systématiquement pratiquée chez tout patient avant d’opérer le PH, à la recherche d’un carcinome médullaire de la thyroïde ;

– si une forme héréditaire de PH ou de paragangliome cervical est identifiée, une échographie régulière du cou est indiquée pour le dépistage précoce des paragangliomes de cette région, dont le traitement chirurgical est compliqué lorsque la tumeur est volumineuse ;

– chez les apparentés du premier degré, un dépistage génétique est indiqué pour identifier les apparentés à risque qui nécessitent une surveillance, et rassurer les autres.

Hyperminéralocorticisme :

A – HORMONES MINÉRALOCORTICOÏDES :

Le cortex surrénalien synthétise et sécrète trois types d’hormones stéroïdiennes, mais seuls minéralocorticoïdes et glucocorticoïdes participent au contrôle du métabolisme sodé et à la régulation de la pression artérielle.

L’aldostérone, synthétisée dans la zone glomérulée de la corticosurrénale, est la principale hormone minéralocorticoïde ; son précurseur, la 18-OHB (18-hydroxycorticostérone) est également sécrétée dans le sang circulant, mais pratiquement dépourvue d’effet minéralocorticoïde.

Les précurseurs plus précoces (déoxycorticostérone [DOC)] et corticostérone) n’ont d’importance pratique qu’en cas d’hypersécrétion tumorale (adénome).

L’enzyme spécifique de la glomérulée est la 18-déhydrogénase.

La sécrétion hormonale dans cette zone dépend du système rénine-angiotensine, et de la kaliémie (l’angiotensine II et l’hyperkaliémie stimulent la production d’aldostérone).

Dans la zone fasciculée coexistent deux voies de synthèse des stéroïdes, contrôlés par l’adrenocorticotrophic hormone (ACTH) : l’une aboutit à la sécrétion de cortisol qui est doué d’effet minéralocorticoïde à forte concentration ; l’autre permet la sécrétion de DOC, de 18-OH DOC et de corticostérone (B).

B – MÉCANISME D’ACTION DES MINÉRALOCORTICOÏDES :

Classiquement, l’aldostérone est une hormone qui agit principalement sur le tube collecteur du néphron distal, retenant le sodium, augmentant le volume extracellulaire et excrétant le potassium. Plus généralement, tous les minéralocorticoïdes agissent sur les cellules principales du segment cortical du canal collecteur (CCC).

Ce segment tubulaire compte deux populations cellulaires, les cellules principales et les cellules intercalaires.

Par un mécanisme génomique, l’aldostérone modifie le nombre de canaux sodiques au pôle apical et le nombre et l’activité de la Na+/K+ -ATPase au pôle basolatéral des cellules principales.

Au pôle basolatéral, la Na+/K+ -ATPase génère le gradient transépithélial en transportant le potassium de l’espace péritubulaire vers le cytoplasme, et en expulsant le sodium.

Au pôle apical, le gradient chimique favorise l’entrée de sodium du fluide tubulaire à travers le canal sodium sensible à l’amiloride (ENaC, pour epithelial sodium channel).

Le potassium sort passivement des cellules principales, en empruntant au pôle apical un canal potassique.

L’aldostérone, après liaison au récepteur minéralocorticoïde, maintient le canal apical ENaC en position ouverte et stimule la Na+/K+ -ATPase.

Le résultat net est une augmentation de l’électronégativité dans la lumière tubulaire par rapport à l’espace péritubulaire ; ceci favorise la sécrétion de potassium, car les canaux potassiques apicaux sont abondants et préférentiellement en position « ouverts ».

Les récepteurs cytosoliques des minéralocorticoïdes sont très semblables aux récepteurs glucocorticoïdes, mais doués d’une haute affinité pour l’aldostérone et la DOC et d’une affinité moindre pour le cortisol.

La concentration de la forme libre de ce dernier dans le plasma étant elle-même bien supérieure à celle de l’aldostérone, l’accès du cortisol aux récepteurs minéralocorticoïdes est limité par sa transformation intracellulaire en cortisone inactive sous l’effet d’une enzyme, la 11- bêta-hydroxystéroïde déhydrogénase.

C – MÉCANISME DE L’HTA PAR HYPERMINÉRALOCORTICISME :

L’administration de minéralocorticoïdes à un sujet normal favorise une rétention sodée et une augmentation du volume extracellulaire, dont témoignent une prise de poids, une déplétion potassique et une tendance à l’alcalose.

Quelques jours plus tard survient le phénomène d’échappement : malgré l’apport persistant du minéralocorticoïde, l’excrétion urinaire de sodium équilibre les apports, et le poids se stabilise, sans qu’apparaisse aucun oedème.

Le mécanisme d’échappement reste controversé ; il pourrait résulter de modifications de facteurs intrarénaux hémodynamiques, hormonaux (angiotensine II et prostaglandines) ou d’une activité accrue du facteur natriurétique auriculaire.

Au stade initial de l’hyperaldostéronisme, il est vraisemblable que l’augmentation du sodium échangeable et total, l’expansion des volumes intravasculaires et l’augmentation du débit cardiaque jouent un rôle prééminent dans la promotion de l’HTA.

Ultérieurement, le volume plasmatique et la fraction d’éjection cardiaque s’abaissent sans revenir aux valeurs normales, et les résistances vasculaires périphériques s’élèvent.

D’autres mécanismes contribueraient à l’hypertension :

– une hypertonie sympathique, attribuée à un effet central intrinsèque de l’hormone ;

– une sensibilité vasculaire accrue à l’angiotensine II ;

– un effet direct des corticostéroïdes sur les cellules musculaires lisses, aboutissant à une hypertrophie vasculaire.

À ce stade, l’excès de minéralocorticoïdes et/ou l’excès de chlorure de sodium favoriseraient l’augmentation de la réactivité vasculaire aux hormones vasoconstrictrices.

D – HYPERALDOSTÉRONISME PRIMAIRE (HAP) :

Ce syndrome associant une HTA avec hypokaliémie et une sécrétion excessive d’aldostérone, indépendante ou semi-indépendante du système rénine-angiotensine, constitue 1 % des causes d’HTA de l’adulte.

Les autres causes d’hyperminéralocorticisme primitif sont bien plus rares.

La lésion surrénalienne responsable peut être : – un adénome unique sécrétant l’aldostérone (la moitié des cas), tumeur bénigne de 0,5 à 2 cm de diamètre, caractéristique du syndrome de Conn.

La sécrétion d’aldostérone est indépendante du système rénine-angiotensine mais conserve une sensibilité à l’ACTH, notamment à ses variations nycthémérales ;

– une hyperplasie bilatérale (50 % des cas), micro- ou macronodulaire, affectant histologiquement la zone glomérulée.

La concentration plasmatique d’aldostérone est insensible aux variations nycthémérales de l’ACTH, mais peut être sensible au système rénine-angiotensine.

L’existence d’une hyperplasie bilatérale suggère ici la présence d’un facteur de stimulation de l’aldostérone ; deux candidats d’origine hypophysaire ont été proposés, une glycoprotéine et un facteur dérivant de la pro-opiomélanocortine.

La distinction entre syndrome tumoral unilatéral et hyperplasie bilatérale est cruciale pour dégager les indications thérapeutiques : schématiquement, chirurgie dans le premier cas et traitement médical dans le second.

D’autres causes inhabituelles d’HAP sont possibles :

– l’hyperaldostéronisme sensible à la dexaméthasone (ou hyperaldostéronisme familial de type I), de loin le plus fréquent et le plus intéressant, est détaillé plus loin ;

– les cancers surrénaliens sécrétant l’aldostérone sont exceptionnels : une sécrétion simultanée de glucocorticoïdes ou de stéroïdes sexuels, et un volume tumoral dépassant 3 cm sont la règle ; encore plus rarement, une production néoplasique ectopique d’aldostérone dans le rein, l’ovaire ou le thorax a été observée.

1- Clinique :

L’hypertension artérielle constitue le signe cardinal.

Elle n’a aucun caractère sémiologique particulier, peut être sévère avec un retentissement ophtalmologique, et résiste volontiers aux traitements n’incluant pas un diurétique antialdostérone.

La principale anomalie qui suggère la possibilité d’un HAP est l’hypokaliémie (potassium sérique inférieur ou égal à 3,5 mmol/L), d’emblée présente chez 80 % des patients, et parfois profonde.

Cette anomalie, tout à fait insolite et suggestive, justifie le dosage systématique de la kaliémie chez tout hypertendu au moment du diagnostic de l’HTA.

Chez 10 à 20 % des patients, la kaliémie est normale, ou abaissée par intermittence, notamment à l’occasion d’apports sodés accrus.

La possibilité d’un HAP doit être aussi évoquée lorsqu’une hypokaliémie sévère (inférieure à 3 mmol/L) survient sous diurétique thiazidique et persiste.

Deux faits méritent enfin une attention particulière :

– lorsque la valeur-seuil désignant l’hypokaliémie est fixée à 3,7 mmol/L, il devient possible d’authentifier un contingent supplémentaire d’HAP ;

– la mesure de la kaliémie dépend étroitement des conditions du prélèvement : elle est en particulier faussée par excès par une hémolyse, même minime, ou une acidose, de sorte qu’un prélèvement veineux sans garrot doit être pratiqué si une première détermination est à la limite inférieure de la normale.

L’élévation de la natrémie (supérieure à 142 mmol/L) et des bicarbonates plasmatiques (au-delà de 30 mmol/L) est également suggestive d’un HAP.

La plupart des patients hypokaliémiques sont indemnes de tout symptôme.

Cependant la carence en potassium peut induire une polyurie, des signes neuromusculaires (fatigabilité, parésie ou paresthésies, troubles visuels).

Environ 25 à 50 % des patients ont une intolérance au glucose.

Des modifications électrocardiographiques (inversion de l’onde T, affaissement du segment ST, apparition d’une onde U) peuvent être décelées.

2- Diagnostic biochimique :

* Dépistage : hypokaliémie et kaliurèse inappropriée

L’existence d’une kypokaliémie chez un hypertendu justifie un ionogramme des urines de 24 heures : la constatation d’une kaliurèse inadaptée (supérieure à 30 mmol/j en l’absence de supplément en potassium, et en régime normosodé, dont témoigne une natriurèse supérieure à 100 mmol/j), suggère la possibilité d’un hyperminéralocorticisme.

Une fois écartées les causes digestives (diarrhée, vomissements) ou iatrogènes d’hypokaliémie (consommation de réglisse, de diurétiques ou d’alcalins) 50 % des hypertendus ayant une hypokaliémie spontanée ont un hyperaldostéronisme primitif.

* Dosages hormonaux :

Le diagnostic hormonal de l’HAP repose sur la démonstration d’un hyperaldostéronisme plasmatique ou urinaire et d’une rénine basse.

L’élévation de la concentration plasmatique d’aldostérone mesurée en décubitus, jointe à une activité rénine plasmatique (ou une rénine active) basse ou effondrée, affirment le diagnostic.

L’abaissement de la rénine exclut toutes les formes d’hyperaldostéronisme secondaire.

L’axe rénine-angiotensine-aldostérone est affecté par de nombreux antihypertenseurs ; ceux qui doivent être interrompus plusieurs semaines avant l’exploration hormonale.

Ces précautions sont indispensables pour que l’interprétation des prélèvements hormonaux prête le moins possible à discussion.

Si l’interruption complète du traitement antihypertenseur semble déraisonnable en raison d’une HTA sévère, les inhibiteurs calciques, les antihypertenseurs centraux ou la prazosine peuvent être maintenus en vue des dosages.

L’aldostéronémie peut être considérablement élevée, ou dépasser à peine la limite supérieure des valeurs normales.

Plusieurs équipes utilisent le rapport aldostérone/rénine, arguant qu’un rapport supérieur à 25 est très suggestif d’HAP.

L’aldostéronurie (aldostérone urinaire pH l) ou la mesure des métabolites urinaires (tétrahydroaldostérone ou THA) qui sont moins sujettes aux fluctuations que l’aldostéronémie doivent être mesurées.

Une mesure du cortisol urinaire libre (FLU) doit compléter les explorations hormonales chaque fois qu’un hyperaldostéronisme primitif est suspecté, pour écarter un hypercortisolisme ou une sécrétion mixte.

3- Diagnostic lésionnel :

* Tomodensitométrie surrénalienne :

Le diagnostic lésionnel repose sur la TDM surrénalienne, premier examen à pratiquer si les tests hormonaux ont démontré un HAP ; cet examen est réalisé avec des coupes jointives de 3 mm d’épaisseur en apnée, avant et après injection de contraste iodé.

Le diamètre minimal des tumeurs identifiables est de 5-6 mm.

La mise en évidence d’un syndrome tumoral unilatéral, lésion hypodense à limites régulières ne se rehaussant pas ou peu après injection d’iode, autorise à interrompre les explorations à ce stade, et à envisager un traitement chirurgical si le diamètre de la lésion est supérieur ou égal à 7 mm.

L’IRM n’apporte pas actuellement d’information de meilleure qualité que la TDM.

L’échographie surrénalienne ne détecte pas les petites lésions.

Lorsque la TDM montre deux glandes surrénales symétriques ou un syndrome tumoral de moins de 7 mm de diamètre et que le patient est âgé de moins de 55 ans, un dosage de l’aldostérone dans les veines surrénales est indiqué.

* Cathétérisme des veines surrénales :

Le cathétérisme des veines surrénales demeure la technique diagnostique la plus sensible.

Il permet de combiner prélèvements sélectifs pour la mesure de l’aldostérone et du cortisol, et opacification veineuse en fin d’examen.

Le cathétérisme de la veine surrénale droite est parfois malaisé, et la mesure simultanée du cortisol constitue l’indice fiable d’un positionnement adéquat.

Un gradient de concentration d’aldostérone avec un rapport aldostérone/cortisol supérieur à 10 par comparaison au côté opposé, est très suggestif de la présence d’un adénome du côté où les concentrations sont les plus élevées.

Des algorithmes ont été proposés pour dégager une attitude pragmatique, selon les habitudes propres à chaque centre.

4- Traitement :

Il dépend de la cause ; le traitement est en principe chirurgical (tumorectomie sélective ou surrénalectomie unilatérale, si possible par voie coelioscopique) en cas d’adénome, il est médical s’il s’agit d’une hyperplasie bilatérale.

Dans les faits, le traitement chirurgical doit être précédé de 6 semaines de traitement par la spironolactone (2 à 3 mg/kg/j) qui corrige l’hypokaliémie et prédit remarquablement la réponse tensionnelle à la surrénalectomie unilatérale.

Celle-ci est pratiquée par voie postérieure, guidée par les explorations morphologiques préalables.

La disparition de l’HTA est souvent retardée (3 à 6 mois), et à 1 an de l’intervention, deux tiers des patients sont normotendus.

Cependant, une HTA persiste souvent chez les sujets âgés de plus de 55 ans et l’indication chirurgicale n’est pas formelle au-delà de cet âge. Le traitement médical comporte une restriction sodée modérée (4-6 g de NaCl par jour).

La supplémentation potassique n’est jamais suffisante pour corriger l’hypokaliémie.

Les diurétiques épargnant le potassium constituent la première ligne de traitement médicamenteux : la spironolactone, débutée à 2-3 mg/kg/j, peut être utilisée à la posologie maximale de 400 mg/j. Une posologie moindre est parfois suffisante.

La normalisation de la kaliémie est plus rapide que celle de la pression artérielle, la posologie d’entretien peut souvent être réduite.

Les effets secondaires de la spironolactone (troubles digestifs, gynécomastie et impuissance) incitent fréquemment à lui préférer l’amiloride, à la posologie de 10 à 30 mg/j, ou le triamtérène (100 mg, deux fois par jour).

Si l’HTA n’est pas contrôlée, un autre antihypertenseur doit être associé, par exemple un diurétique thiazidique, un inhibiteur des canaux calciques ou un inhibiteur de l’enzyme de conversion.

5- Hyperaldostéronisme familial de type I, ou hyperaldostéronisme sensible à la dexaméthasone :

Cette maladie de transmission autosomique dominante, souvent reconnue chez l’adolescent ou avant la trentaine, doit être envisagée chez tout patient ayant un antécédent familial d’hyperaldostéronisme primitif.

La sécrétion excessive d’aldostérone est sous le contrôle de l’ACTH, et non de l’angiotensine II.

Elle est associée à une production anormale de 18-oxocortisol et 18- hydroxycortisol.

Ces anomalies découlent de la présence d’un gène chimérique résultant de la recombinaison de deux gènes homologues adjacents, l’un codant pour la 11 bêta-hydroxylase et l’autre pour l’aldostérone-synthase, tous deux localisés sur le chromosome 8 et impliqués dans la voie finale de synthèse du cortisol et de l’aldostérone dans le cortex surrénalien.

Le produit de ce gène chimérique qui possède les séquences de la 11 bêta-hydroxylase à son extrémité proximale et celles de l’aldostérone-synthase à son extrémité distale synthétise l’aldostérone, mais sous le contrôle de l’ACTH.

Curieusement, le phénotype clinique est très variable, même au sein d’une famille : environ 50 % des apparentés atteints sont normokaliémiques, et beaucoup d’entre eux sont normotendus.

Les autres ont une HTA parfois très sévère, avec un retentissement cérébral et cardiaque grave, et bien sûr une hypokaliémie.

Un diagnostic génétique est possible.

La sensibilité de l’HTA et des anomalies biochimiques (hypokaliémie et hyperaldostéronisme) à la dexaméthasone (0,5 mg X 4/j pendant 10 jours) constitue le fait remarquable de ce tableau : le glucocorticoïde, en inhibant la sécrétion d’ACTH, effondre la sécrétion d’aldostérone et corrige l’HTA.

Le traitement médicamenteux (dexaméthasone 0,2-1 mg/j) doit être poursuivi à vie, ou remplacé par un diurétique épargnant le potassium.

E – ANOMALIES HÉRÉDITAIRES DU MÉTABOLISME DES CORTICOSTÉROÏDES :

Ces déficits enzymatiques congénitaux en 11 bêta-hydroxylase et 17 alpha-hydroxylase transmis sur le mode autosomique récessif aboutissent à une synthèse insuffisante des stéroïdes « terminaux » et en particulier de cortisol ; l’hypocortisolisme induit une sécrétion accrue d’ACTH qui stimule la synthèse des précurseurs de la voie bloquée et des stéroïdes des autres voies, aboutissant à une hyperplasie des surrénales.

La cause la plus fréquente (90 %) d’hyperplasie par déficit enzymatique, liée à un déficit en 21- hydroxylase, n’est pas associée à une HTA.

L’expression clinique des déficits en 11 bêta et 17 alpha est hétérogène, et dépend de la sévérité du déficit enzymatique.

1- Déficit en 11 bêta-hydroxylase :

Le déficit en 11 bêta-hydroxylase affecte simultanément la synthèse de cortisol et d’aldostérone, avec accumulation de DOC, dont l’activité minéralocorticoïde induit une HTA et une hypokaliémie.

Simultanément, la production excessive d’androgènes favorise une virilisation chez la fillette, et une pseudopuberté précoce chez le garçon.

Ce sont habituellement les symptômes d’hyperandrogénie qui attirent l’attention dans l’enfance.

L’hypokaliémie est associée à un hypoaldostéronisme et une rénine basse. Le diagnostic biochimique repose sur l’augmentation des concentrations de DOC et 11-déoxycortisol (S) de base et après stimulation par le Synacthènet ordinaire, alors même que la cortisolémie est basse, non stimulable.

Le traitement repose sur l’apport d’un glucocorticoïde (hydrocortisone ou dexaméthasone) pour freiner la sécrétion d’ACTH, en étant vigilant à la possibilité d’un hypoaldostéronisme sévère, faisant courir le risque d’une hypovolémie et d’une hyperkaliémie.

2- Déficit en 17 alpha-hydroxylase :

Le déficit en 17 alpha-hydroxylase bloque les voies de synthèse du cortisol et des hormones sexuelles sans altérer la voie de l’aldostérone ; les concentrations de gonadotrophines et d’ACTH sont augmentées. Cette dernière stimule une synthèse considérable de DOC, 18-OH DOC et 19-nor DOC.

La concentration d’aldostérone est paradoxalement la plus souvent basse, peut-être à cause de la rétention sodée et de l’inhibition du système rénine-angiotensine qui en est la conséquence.

L’affection se manifeste par un pseudohermaphrodisme chez le garçon, avec absence de migration et de développement des testicules.

Chez les femmes génotypiques, aménorrhée primaire et absence de développement sexuel à la puberté, jointes à l’hypertension artérielle, suggèrent le diagnostic.

L’apport d’hydrocortisone, et d’estrogène chez la femme constitue la clef de voûte du traitement.

3- Excès apparent de minéralocorticoïde :

Affection rare, autosomique dominante, ce syndrome est la conséquence d’une anomalie du métabolisme périphérique du cortisol : il résulte de mutations dans le gène de la 11 bêtahydroxystéroïde déshydrogénase de type 2 (11 bêta-OHSD), une enzyme localisée dans les cellules du tube contourné distal qui transforme localement le cortisol actif en cortisone inactive : selon que la mutation aboutit à un déficit complet ou partiel, le tableau est très sévère dès l’enfance, ou plus modéré chez l’adulte jeune, avec une HTA et une hypokaliémie observées chez tous les apparentés atteints.

On observe une hypertension sévère à rénine basse, une hypokaliémie avec alcalose, et des concentrations basses d’aldostérone et des autres minéralocorticoïdes connus ; la cortisolémie est normale.

La dexaméthasone est efficace.

F – PRODUCTION EXCESSIVE DE DOC :

Elle résulte d’une hyperplasie surrénale bilatérale (par déficit enzymatique) ou d’une tumeur surrénalienne. Ces dernières observations sont rares, habituellement bénignes.

La spironolactone normalise la kaliémie et l’HTA.

La chirurgie est indiquée.

Syndrome de Cushing :

Le syndrome de Cushing est lié à un excès de glucocorticoïdes, habituellement le cortisol.

En dehors des formes iatrogènes, liées à la prise de corticoïdes exogènes ou d’ACTH, c’est une affection très rare, dont l’incidence est estimée entre 0,1 et 1/100 000.

La maladie de Cushing, caractérisée par une sécrétion excessive d’ACTH par l’hypophyse, est en cause dans 70 % des cas ; plus rarement, il s’agit d’une sécrétion ectopique d’ACTH (12 %), ou d’une tumeur surrénalienne bénigne ou maligne et développée dans la zone fasciculée (15 %).

L’incidence de l’HTA au cours du syndrome de Cushing atteint 70 à 80 %. L’hypokaliémie est plus rare (10 %).

L’administration de corticoïdes exogènes génère fréquemment une HTA (au moins 20 % des patients), surtout en cas d’insuffisance rénale associée. Toutefois, l’HTA induite par les corticostéroïdes de synthèse utilisés à fortes doses (> 0,5 mg/kg/j) est bien plus fréquente que l’HTA due à un syndrome de Cushing.

A – PHYSIOPATHOLOGIE DE L’HTA :

L’hypercortisolisme ou l’excès d’ACTH induisent précocement une augmentation des volumes extracellulaires (intra- et extravasculaires) ; plus tardivement, une augmentation des résistances systémiques caractérise l’hémodynamique de ces patients.

Les mécanismes contribuant à l’HTA sont multiples.

Une sécrétion accrue de divers minéralocorticoïdes, provenant de la zone fasciculée et dépendante ou non de l’ACTH, est observée au cours de la maladie de Cushing hypophysaire et dans les tumeurs surrénaliennes ; par exemple, l’excrétion urinaire de la déoxycorticostérone est élevée.

Le cortisol agit sur les récepteurs de type I (minéralocorticoïde) et de type Il (glucocorticoïde) ; l’hypertension associée à l’hypercorticisme résulte probablement d’une activité agoniste sur les deux types de récepteurs :

– au niveau du rein, la conséquence globale est une rétention de sodium ;

– les deux types de récepteurs sont également distribués dans le cerveau et augmenteraient le tonus sympathique ;

– un effet direct du cortisol sur les cellules musculaires lisses est médié par les récepteurs de type II.

Expérimentalement, il est possible de provoquer une HTA réversible sous l’effet d’antagonistes spécifiques de ces récepteurs et insensibles à l’emploi d’antagonistes des récepteurs de type 1 ; d’autre part, le cortisol accentue la sensibilité de la paroi vasculaire aux catécholamines.

Enfin l’hypercortisolisme stimule la synthèse hépatique d’angiotensinogène, sans modifier toutefois la concentration d’angiotensine II circulante.

B – DIAGNOSTIC DE L’HYPERCORTISOLISME :

En bref, le dépistage repose sur la mesure du cortisol urinaire libre (FLU) dans les urines des 24 heures, et un test de freinage en cas d’hypercortisolisme modéré (dexaméthasone, 1 mg à minuit ; mesure de la cortisolémie à 8 h 00 le lendemain).

La cause du syndrome de Cushing est identifiée par la mesure de l’ACTH plasmatique, des épreuves de freinage et des explorations tomodensitométriques dont le détail dépasse le cadre de cet article.

C – ÉVOLUTION :

La morbidité et la mortalité cardiovasculaires sont nettement accrues dans le syndrome de Cushing. L’HTA est rarement contrôlée tant que l’hypercortisolisme persiste.

En attendant la régression de ce dernier sous l’effet du traitement chirurgical ou médical, le traitement antihypertenseur fait appel en premier lieu à l’emploi d’un diurétique thiazidique associé à un épargnant du potassium, antagoniste de l’aldostérone ou non.

Le cas échéant, d’autres antihypertenseurs (bêtabloqueurs ou inhibiteurs de l’enzyme de conversion) sont associés.

Le traitement radical de la lésion responsable peut guérir l’hypercortisolisme et l’HTA.

Acromégalie :

La prévalence de l’HTA y avoisine 35 %.

La maladie est caractérisée par une hypertrophie progressive des extrémités liée à la sécrétion excessive de l’hormone de croissance (GH, growth hormone) par l’antéhypophyse.

Celle-ci stimule la production hépatique de somatomédine C (ou insuline-like growth factor [IGF]-I) qui est responsable des effets de la GH sur la croissance cellulaire.

La fréquence des complications cardiovasculaires au cours de l’acromégalie est tout à fait considérable et l’HTA y contribue largement.

Une insuffisance cardiaque réfractaire au traitement symptomatique constitue parfois le symptôme majeur.

Les mécanismes de l’HTA sont incertains puisque certaines anomalies (augmentation du capital sodé et des volumes hydriques, hypertrophie myocardique et vasculaire) sont constatées chez les acromégales hypertendus et chez ceux qui sont normotendus.

A – PHYSIOPATHOLOGIE :

Le sodium total, échangeable ou non, et l’eau totale de l’organisme sont accrus dans l’acromégalie ; cette anomalie régresse totalement après normalisation de l’hormone de croissance.

Le volume plasmatique est fréquemment augmenté.

La positivation du bilan sodé pourrait être favorisée par la sécrétion insuffisante de facteur natriurétique auriculaire dont la concentration basale est normale, mais s’élève peu sous l’effet d’une charge sodée.

L’augmentation des volumes extracellulaires va de pair avec une augmentation de concentration d’un facteur endogène comparable à la digitaline (endogenous digitalis-like factor) qui inhibe l’activité de la Na+, K+- ATPase et augmenterait le contenu intracellulaire en sodium et calcium, accroissant la résistance vasculaire périphérique.

En regard de la rétention sodée existante, les concentrations de rénine et d’angiotensine II circulantes sont peu diminuées (75 % des valeurs contrôles) ; hormones minéralocorticoïdes (aldostérone, corticostérone et 11-DOC) et catécholamines circulantes sont normales.

Il existe donc une perturbation du système rénineangiotensine inadaptée à l’hypervolémie.

B – DIAGNOSTIC :

Le diagnostic d’acromégalie repose sur les dosages d’hormone de croissance et d’IGF-I à jeun et après test de charge au glucose.

Chez 50 % des acromégales hypertendus, la normalisation des taux circulants de l’hormone de croissance s’accompagne d’une normalisation de la pression artérielle.

La persistance de l’HTA est attribuée aux modifications structurales des parois vasculaires.

Le traitement antihypertenseur repose de première intention sur l’emploi de diurétiques.

Tumeurs sécrétant de la rénine (hyperréninisme primaire) :

Cause exceptionnelle d’HTA, la tumeur est habituellement bénigne, de petite taille, et développée aux dépens des cellules de l’appareil juxtaglomérulaire.

Le jeune âge des patients (inférieur à 25 ans), la sévérité de l’HTA, l’hypokaliémie par hyperaldostéronisme secondaire et les concentrations extrêmement élevées de rénine et de prorénine dans le sang périphérique, constituent les éléments d’orientation.

Le diagnostic est confirmé par la TDM des reins avec coupes fines, ou l’artériographie rénale sélective qui visualisent un syndrome tumoral.

Si un cathétérisme des veines rénales est effectué, il doit inclure des prélèvements hypersélectifs.

La guérison est habituelle après exérèse chirurgicale qui doit être préparée par l’emploi d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion.

Hyperthyroïdie :

L’HTA y est essentiellement systolique, associée à une augmentation de la fréquence et du débit cardiaque, et réversible après guérison de l’hyperthyroïdie.

Les résistances périphériques sont réduites, mais l’excès d’hormone libre pourrait aussi avoir un effet direct sur la paroi vasculaire.

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