Alcoolisme : intoxication aiguë et chronique

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L’alcool est hépatotoxique mais il existe une grande inégalité face à la toxicité hépatique de l’alcool d’où la recherche de cofacteurs explicatifs. Le rôle de certains sont bien établis comme, par exemple, la plus grande susceptibilité des femmes à développer des lésions hépatiques sévères à un niveau constant de la quantité d’alcool consommée et de la durée de l’intoxication, d’autres sont suggérés : facteurs génétiques et alimentaires.

ÉPIDÉMIOLOGIE :

L’alcool :

Alcoolisme : intoxication aiguë et chroniqueLa production de boissons alcoolisées augmente de façon constante (amélioration des techniques de production).

Le degré alcoolique des boissons augmente depuis le début du siècle.

Le coût du gramme d’alcool diminue.

Il existe une internationalisation des consommations.

La France est le premier producteur d’alcool.

L’alcoolisation :

La consommation d’alcool se répand de façon constante dans le monde.

En France, la consommation d’alcool diminue depuis 1970. Elle est de 12 litres d’alcool pur par habitant et par an (2e pays consommateur d’alcool après la Russie).

La répartition est de plus en plus uniforme entre les classes sociales.

Elle s’étend chez les femmes et les jeunes.

L’alcoolisme :

Morbidité :

– La morbidité est difficile à préciser.

–  3,5 millions de buveurs excessifs (ou consommateurs à risque).

–  1,5 million d’alcoolo-dépendants.

Mortalité :

– La mortalité est la troisième cause de mortalité en France (après les maladies cardio-vasculaires et les cancers).

–  40 000 décès par an (toute cause de décès due à l’alcool).

– 100 000 décès dus à l’association. « alcool-tabac ».

– Rappel : l’alcool est à l’origine de 40 % des accidents mortels de la route et de 20 % des accidents du travail.

CLASSIFICATIONS DE L’ALCOOLISME :

Les classifications de l’alcoolisme sont :

– multiples et arbitraires.

– utiles pour le diagnostic précoce et l’orientation thérapeutique.

Classifications symptomatiques :

– Alcoolisme aigu ou chronique.

–  Selon la gravité de l’intoxication :

–  consommateur occasionnel.

–  consommateur à risque (ou consommateur excessif).

– ou sujet alcoolo-dépendant (avec dépendance psychique ou avec dépendance psychique et somatique [classifications internationales CIM10 et DSMIV]).

Classifications étiologiques :

Classification de Fouquet

–  Alcoolite, alcoolisme primaire ou alcoolisme d’entraînement :

– il s’agit de troubles des conduites alimentaires.

– le sujet boit dans un cadre social (café, travail…).

– majorité des alcooliques en France.

– surtout des hommes.

– intoxication régulière (ivresses rares).

– surtout vin et bière.

– pas de sentiment de culpabilité.

– prise de conscience tardive lors de la décompensation.

–  Alcoolose, alcoolisme secondaire ou alcoolisme de compensation :

– il s’agit de troubles de la communication.

– le sujet boit pour diminuer ses angoisses, souvent seul et se dissimule.

– moins de 30 % des alcooliques en France.

– concerne souvent les hommes jeunes et les femmes.

– difficultés existentielles.

– intoxication irrégulière (ivresses fréquentes et atypiques).

– alcools forts, apéritifs.

– sentiment de culpabilité et de dégoût.

– décompensations rapides.

Ces deux premiers groupes correspondent à 95 % des cas d’alcoolisme en France.

–  Somalcoolose, alcoolisme dipsomaniaque ou alcoolisme psychiatrique :

– le sujet boit lors d’impulsions (alcoolisme aigu intermittent).

– rare.

– intoxications irrégulières et solitaires (ivresses immédiates et atypiques).

– n’importe quel type d’alcool.

– culpabilité et dégoût intense de l’alcool.

Alcoolisme primaire et secondaire :

Alcoolisme primaire

L’alcoolisme précède les troubles psychologiques ou psychiatriques présentés par le patient (anxiété, dépression, psychopathie) :

– sous forme permanente ou intermittente.

– 70 % des formes d’alcoolisme.

– début précoce.

– terrain biologique et psychologique prédisposant.

– le traitement de l’alcoolisme permet la régression des troubles psychiques.

Alcoolisme secondaire

L’alcoolisme est secondaire aux troubles psychiques :

– 30 % des formes d’alcoolisme.

– peut s’associer à :

– un trouble de la personnalité (psychopathique, sensitive, anxieuse).

– un trouble psychiatrique (schizophrénie, dépression).

– le traitement doit prendre en charge à la fois l’alcoolisme et le trouble psychique.

Classifications de Babor et de Cloninger :

Les classifications de Babor et de Cloninger sont sous-tendues par des hypothèses génétiques.

MÉTABOLISME DE L’ALCOOL :

Nutrition :

Le poids d’alcool est calculé par la formule : degré alcoolique de la boisson multiplié par volume consommé multiplié par 0,8 (densité de l’éthanol) : par exemple, dans une bouteille de 75 cl de vin à 12 % il y a : 0,12 x 750 x 0,8 ;eq 72 g.

1 gramme d’alcool est égal à 7 kcal.

Absorption digestive :

– L’absorption digestive se fait par diffusion passive.

– Elle intervient au niveau de la première partie de l’intestin grêle essentiellement (duodénum et jéjunum).

–  Facteurs augmentant la vitesse d’absorption :

– le jeûne (ou la prise à jeun).

– la concentration d’alcool dans la boisson.

– les boissons gazeuses.

–  Facteurs ralentissant l’absorption :

– l’ingestion d’aliments.

– l’obésité.

Métabolisme :

– Ethanol : CH3-CH2-OH.

–  90 % métabolisés et 10 % éliminés.

–  Oxydation essentiellement hépatique (90 à 95 %) en acétaldéhyde :

–  voie principale : alcool déshydrogénase (ADH) (au niveau du cytoplasme des cellules hépatiques [cofacteur : NAD], prépondérante chez les buveurs occasionnels) ;

–  voie secondaire : système MEOS (“ michrosomial ethanol oxydation system î) (au niveau des mitochondries, prépondérant chez les buveurs chroniques. Système inductible d’où les interactions médicamenteuses).

–  voies supplémentaires : voie de la catalase et voie des radicaux libres (accessoires).

– Oxydation de l’acétaldéhyde en acétate et catabolisme de l’acétate.

–  Excrétion (10 %) :

–  rénale : éthylurie = 0,71 x alcoolémie.

–  pulmonaire : 5 %.

– sudorale et salivaire.

Conséquences du métabolisme de l’éthanol :

Les conséquences du métabolisme de l’éthanol sont :

– une hypoglycémie par baisse de néoglucogenèse.

– une baisse de la synthèse de l’albumine.

– une baisse de la synthèse de la transferrine (hémochromatose).

– une augmentation des lipoprotéines.

Diagnostic :

INTOXICATION ALCOOLIQUE AIGUE :

L’intoxication alcoolique aiguë (ou ivresse) est un état d’excitation psychomotrice dû à une absorption exagérée de boissons alcoolisées.

– L’ivresse peut être typique ou atypique.

– Elle peut être associée à des complications cliniques.

Signes cliniques :

Ivresse typique

L’ivresse typique (ou simple) évolue en trois phases :

–  phase d’excitation psychomotrice (alcoolémie entre 0,8 et 2 g/l) :

– un état de désinhibition, d’euphorie superficielle alternant avec des périodes de tristesse et d’agressivité, logorrhée, familiarité excessive.

– l’atteinte de la vigilance, de la perception, de la mémoire et des capacités de jugement est présente dès ce stade.

–  phase d’incoordination (alcoolémie supérieure à 2 g/l) :

– troubles de la vigilance majeure allant de la confusion à la torpeur ou à la somnolence.

– présence d’un syndrome cérébelleux (démarche ébrieuse, dissymétrie, asynergie).

– parfois présence d’un syndrome vestibulaire (grands vertiges rotatoires, nausées, vomissements) ; de troubles de la vision (diplopie, baisse de l’acuité visuelle) ; ou de troubles végétatifs (tachypnée, tachycardie, troubles vasomoteurs du visage).

–  phase de coma (taux d’alcoolémie supérieur à 3 g/l) :

– coma profond sans signes de localisation neurologique.

– mydriase bilatérale aréactive.

– hypotonie, abolition des réflexes ostéo-tendineux.

– hypothermie, bradycardie et hypotension artérielle.

Ivresses atypiques

Les ivresses atypiques (dites pathologiques) sont classées en trois types :

– l’ivresse excitomotrice :

– raptus impulsif, sujet furieux, état d’agitation hétéroagressif.

– la rage s’aggrave et la crise s’achève dans un état de torpeur et de prostration proche du coma.

– l’ivresse hallucinatoire : avec un caractère dramatique des hallucinations visuelles et auditives qui l’accompagnent.

– l’ivresse délirante, avec quatre thèmes délirants :

– autodénonciation délirante avec menace suicidaire.

– thèmes de persécution.

– thème de jalousie.

– thèmes mégalomaniaques.

Ces ivresses atypiques ont une évolution plus prolongée que les ivresses banales :

– elles se terminent généralement par un coma avec amnésie post-critique.

– et ont tendance à récidiver sous une forme identique.

Complications cliniques :

– L’hépatite alcoolique aiguë associe : fièvre, syndrome douloureux abdominal et ictère.

– La rhabdomyolyse est :

– une nécrose plus ou moins étendue des muscles striés entraînant des myalgies, une impotence fonctionnelle, une augmentation des masses musculaires, responsable de compressions vasculaires et nerveuses.

– favorisée par la position allongée sur un sol dur.

–  Crises comitiales : l’alcool abaisse le seuil épileptogène chez les sujets prédisposés.

– Les hypoglycémies se voient surtout chez le sujet jeune : confusion mentale, trismus, convulsions, voire coma profond.

Signes biologiques :

–  Alcoolémie :

– c’est la quantité d’alcool dans le sang en grammes par litre.

– dosage dans le sang par technique enzymatique à l’alcool déshydrogénase ou chromatographie en phase gazeuse.

– évaluée de façon indirecte par l’alcootest de Draeger (fondé sur le fait que 100 ml d’air expiré renferment autant d’alcool que 1 ml de sang).

– maximale à 45 minutes à jeun, ou 1 h 30 si le sujet n’est pas à jeun.

– il existe une corrélation entre alcoolémie et état clinique mais aussi une variabilité individuelle du fait de la tolérance de certains sujets.

–  Osmolalité plasmatique élevée (fort pouvoir osmotique de l’alcool).

–  Hypoglycémie (pouvant aller jusqu’à 0,2 à 0,3 g/l) d’autant plus sévère que le sujet est jeune ou dénutri, favorisée par le jeûne (par blocage de la néoglucogenèse par l’alcool).

–  Hyperlipémie par atteinte pancréatique ou syndrome de Zieve : stéatose hépatique et anémie hémolytique et en particulier augmentation des VLDL.

– La déshydratation cellulaire par syndrome polyuro-polydipsique est due à la sécrétion d’ADH secondaire à la prise d’alcool.

– L’hyperlactatémie entraîne, dans de rares cas, une acidose métabolique (lorsque l’acidose existe, elle est d’origine respiratoire).

–  Hyperuricémie : par hyperlactatémie modifiant l’élimination urinaire de l’acide urique.

Diagnostic différentiel :

– Symptômes avant-coureurs d’un delirium tremens.

–  Encéphalopathie alcoolique à sa phase initiale.

–  Intoxication d’une autre nature (cannabis, hallucinogènes).

–  Maladies de l’encéphale ou des méninges à expression confusionnelle (infections, hématomes sous-duraux).

INTOXICATION ALCOOLIQUE CHRONIQUE :

Signes cliniques :

Aspects

–  Visage (V) :

– congestif, terreux, plombé, délavé, jaunâtre.

– dilatations capillaires (télangiectasies des pommettes, oreilles, extrémités du nez).

– acné, éruptions.

–  Conjonctives (C) :

– jaunâtres, ictériques, striées, capillaires dilatés.

– yeux globuleux, regard terne.

– oedème palpébral inférieur.

–  Langue (L) :

– couverte d’un enduit jaunâtre.

– fendillée, papilles rouges tuméfiées.

Tremblements

Tremblements de la bouche (B) : commissure des lèvres, de la langue (L), des extrémités (E) : des doigts, lors de l’action ou du maintien des attitudes :

– s’accentue lorsque le sujet fait des efforts pour le contrôler.

– habituel à distance de la dernière prise d’alcool. Il disparaît après sevrage prolongé ou réintoxication.

– en cotant de 0 à 5 l’aspect du visage (V), des conjonctives (C), de la langue (L), le tremblement de la bouche (B), de la langue (L) et des extrémités (E), on arrive à une grille appelée grille de Le Gô et un score variant de 0 à 30, qui permet de repérer systématiquement les signes d’imprégnation alcoolique chronique et de suivre leur évolution.

Troubles du sommeil et du caractère

– Insomnie, agitation nocturne, cauchemars.

– Anxiété matinale, irritabilité, hyperémotivité, impulsivité, dispersion affective, voire dépression.

Troubles intellectuels

– Difficultés d’attention, de mémoire, de perception.

– Obtusion progressive des processus intellectuels.

Atteintes digestives

– Stomatite, oesophagite, gastrite non spécifique.

– Anorexie, dégoût pour les viandes et les graisses.

– Amaigrissement.

Troubles moteurs

– Crampes et douleurs musculaires.

– Fatigabilité.

Troubles sexuels

– Impuissance.

– Baisse de la libido.

Autres troubles

– Foie : volume (augmenté), consistance (ferme).

– Poids.

– Tension artérielle : hypertension quelquefois.

Signes biologiques :

Les données biologiques ne sont pas spécifiques de l’alcoolisme chronique et n’ont de valeur que confrontées entre elles ainsi qu’aux données cliniques.

– La gamma-glutamyltranspeptidase (gGT) est supérieure à 28 UI/l chez la femme et à 38 UI/l chez l’homme :

– sensibilité : 80 %, moins sensible chez la femme ;

– spécificité : 70 % (positif aussi dans toutes les hépatopathies, la pancréatite, la prise de médicaments comme les anticonvulsivants, les hypnotiques, les antidépresseurs, les antiangoreux, les contraceptifs…).

– nécessité de 2 semaines au moins d’intoxication chronique.

– exceptionnellement élevés en cas d’intoxication aiguë.

–  diminution en 8 à 16 jours après le sevrage, diminution partielle ou plus lente en cas de cirrhose.

– Le volume globulaire moyen est supérieur à 98 fl :

– sensibilité : 45 à 60 %.

– spécificité excellente lorsqu’on tient compte des autres causes de macrocytose (tabac, anémies mégaloblastiques).

– nécessité de plusieurs mois d’intoxication chronique (la demi-vie des globules rouges est de 120 jours).

–  diminution après 15 jours d’abstinence et normalisation au-delà de 1 mois.

–  Transaminases : ASAT supérieurs à 25 mU/ml, ALAT supérieurs à 30 mU/ml :

–  rapport ASAT/ALAT supérieur à 1 en cas d’hépatopathie alcoolique (à la différence des atteintes virales).

– spécificité : faible, témoigne d’une lyse hépatique quelle que soit sa cause.

– diminution après 1 mois de sevrage parallèlement à celle des gamma GT.

–  Acide aminolévulinique déshydrogénase (ALAD) inférieur à 0,3 µmol/ml/h :

– élévation lors des intoxications chroniques et plus rarement lors des intoxications aiguës.

– normalisation en 1 semaine.

–  Glutamate déshydrogénase (GLDH) supérieur à 5 U/l :

– spécificité : 90 %.

– sensibilité : 70 %.

– élévation : intoxication récente et importante.

– diminution en 48 heures.

–  Immunoglobuline A (IgA) élevée même en l’absence de cirrhose :

– sensibilité : 43 %.

– liée à la gravité des lésions hépatiques (surtout si cirrhose).

– rapport IgA/transferrine supérieur à 3 en faveur d’une cirrhose.

–  Urée : diminution même en l’absence de cirrhose :

– spécificité : bonne.

– valeur pronostique : diminution proportionnelle à la gravité de l’atteinte hépatique (surtout si cirrhose).

–  Augmentation des immunoglobulines G et M (IgG et IgM) :

– peu spécifique.

– élévation en cas de cirrhose sous forme de bloc bêta-gamma (valeur pronostique).

–  Protides totaux et albumines peu modifiés en dehors d’une décompensation ou d’une dénutrition.

–  Uricémie : augmentation avec risque de crises de goutte chez les patients prédisposés.

–  Augmentation des lipides :

– sensibilité faible.

– élévation : HDL et en particulier de l’ApoA2.

– diminution : ApoA2 le plus sensible se normalise en 15 jours de sevrage.

– hypertriglycéridémie de type IV (de Frederickson) chez 10 à 20 % des alcooliques.

Traitement :

Le traitement comporte plusieurs aspects :

– le traitement de l’alcoolisation aiguë.

– celui de l’alcoolisme chronique qui comprend :

– le traitement de sevrage (ou traitement de la dépendance physique) ;

– celui de l’alcoolo-dépendance (ou traitement de la dépendance psychique) ;

– la réhabilitation sociale, familiale et professionnelle ;

– le traitement des complications somatiques et psychiatriques de l’alcoolisme chronique ;

– le traitement des réactions et des complications du sevrage.

TRAITEMENT DE L’INTOXICATION ALCOOLIQUE AIGUE :

Dans tous les cas

–  Eliminer une autre cause de confusion mentale chez l’alcoolique.

–  Bilan systématique en urgence :

– alcoolémie.

– ionogramme sanguin.

– glycémie.

– température.

Ivresses typiques non comateuses

– Repos.

– Surveillance par l’entourage.

– Hydratation régulière per os.

– Pas de psychotropes.

Ivresses atypiques

–  Hospitalisation dans un service médical ou psychiatrique (mesure de placement si besoin : hospitalisation à la demande d’un tiers ou hospitalisation d’office).

– Traitement par psychotropes intramusculaires :

–  neuroleptiques : Droleptan* ou Sédalande*, 1 à 2 ampoules, en cas d’agitation ou de crise clastique ; Haldol*, 5 à 10 mg renouvelable si hallucinations importantes ;

–  tranquillisants : Valium*, 10 à 20 mg ; Equanil*, 400 à 800 mg.

–  Réhydratation et traitement du sevrage (après l’accès aigu).

Ivresses précomateuses ou comateuses

Traitement symptomatique en réanimation.

TRAITEMENT DE L’ALCOOLISME CHRONIQUE :

L’alcoolisme considéré comme une maladie est un concept opérant permettant d’aborder les problèmes de sevrage et de rechute sans discours moralisateur ou culpabilisant.

Traitement de sevrage :

Objectifs

–  Suppression totale et immédiate de toute prise d’alcool, sous contrôle médical pour arriver à l’abstinence.

–  Elaboration progressive d’un projet thérapeutique à la recherche d’un nouvel équilibre psychologique et affectif.

Circonstances

– La demande du patient :

– est souvent inexistante (après une décompensation ictéro-ascitique ou un accident somatique).

– parfois indirecte (à la demande de l’entourage familial ou professionnel).

– rarement directe et explicite.

– La motivation :

– à bien préciser avec le patient en fonction de sa prise de conscience (avant toute proposition thérapeutique).

– L’écoute du thérapeute :

– doit être neutre et bienveillante.

– avec une certaine proximité.

Lieux

En ambulatoire :

– par n’importe quel médecin.

– à son cabinet, dans les centres d’hygiène alimentaire et d’alcoologie (CHAA) ou à l’hôpital.

– quand la motivation du patient est forte.

– si l’insertion professionnelle et familiale est suffisante.

– toujours, lorsque le diagnostic est précoce chez les sujets peu dépendants.

En hospitalisation dans un service de médecine interne, de gastro-entérologie ou de psychiatrie :

– en cas d’échec de la prise en charge ambulatoire.

– en cas de complication somatique ou psychiatrique de l’alcoolisme.

– en cas d’antécédents de complications du sevrage.

– si la dépendance est majeure.

– en cas de désinsertion sociale (familiale et professionnelle).

– elle permettra :

– un bilan somatique et psychiatrique complet.

– une rupture avec le milieu de vie habituel.

– une bonne prévention du sevrage.

– un encadrement plus rigoureux.

Chimiothérapie

Buts :

– la chimiothérapie assure la prévention des signes de sevrage et prévient ses complications.

– elle permet un certain confort psychologique et une mise en route des mesures psychothérapiques.

Traitements sédatifs (à doses rapidement dégressives en 4 à 5 jours) :

– benzodiazépines :

– Tranxène*, 50 à 100 mg/j.

–  Valium*, 10 mg toutes les 6 heures.

– Xanax*, 3 mg/j.

– tétrabamate (Atrium*), 300, 600 à 900 mg/j.

– carbamate (Equanil*), 800 à 1200 mg/j.

– carbamazépine (Tégrétol*), 400 mg/j.

Hydratation :

– per os : 3 l/j.

– par voie parentérale : 3 l/j (glucosé 5 %), avec 4 g de NaCl et 2 g de KCl/l.

Vitaminothérapie :

– per os :

– vitamine B1, 1 g/j.

– vitamine B6, 0,5 à 1 g/j, pendant 15 jours puis arrêt.

– ou si imprégnation importante par voie parentérale (après vérification du TP) pendant 15 jours puis relais per os :

– vitamine B1, 1 g/j en IM.

– vitamine B6, 0,5 à 1 g/j en IV.

– plus ou moins :

– vitamine B12, 1 g ou 1 000 gamma par jour (per os ou IM).

– vitamine PP, 0,5 mg/j (per os ou IM).

– acide folique, 30 mg/j (per os ou IM).

Psychothérapie

Diversité des techniques et des théories :

–  psychothérapie individuelle :

– de soutien, d’inspiration analytique, de type comportemental ou cognitiviste.

– objectif : à travers une relation de confiance, abord des problèmes liés à l’alcool, soulagement de la culpabilité et travail de reconstruction narcissique.

– la psychothérapie de groupe, le psychodrame analytique permettent, par la projection et l’identification aux soignants et aux alcooliques abstinents, une bonne objectivation des problèmes et une meilleure reconstruction narcissique.

–  jeux de rôles, groupes d’analyse transactionnelle ou systémique.

–  psychothérapies de couples.

–  techniques de groupes diverses :

– réunions d’information.

– conférences.

– réunions d’anciens buveurs.

Traitement de la dépendance alcoolique à long terme :

L’après-cure est le moment le plus délicat de la prise en charge.

Elle nécessite une prise en charge pluridisciplinaire médico-psychosociale.

Objectifs

–  Sevrage total et définitif (quand c’est possible) sans culpabiliser un patient qui rechute.

– Etablissement et maintien d’une relation thérapeutique stable et de longue durée (malgré les rechutes et les complications).

Après-cure

En pratique, l’après-cure repose sur :

– les différentes sortes de psychothérapie (de soutien, en particulier).

– les mouvements d’anciens buveurs.

– la prescription de médicaments ayant pour objet :

– de diminuer l’envie de boire.

– ou d’amender les complications psychiatriques (anxieuses et dépressives) de l’alcoolisme.

Modalités

– En hospitalisation (en “ postcure î) de 2 ou 3 mois puis en ambulatoire ou en ambulatoire d’emblée.

– Nécessité d’un médecin référent qui coordonne la prise en charge (généraliste, alcoologue, psychiatre ou autre) et fait le lien entre les différents intervenants.

Mouvements d’anciens buveurs

– Principes : rencontres d’alcooliques “ guéris ” faisant part de leur expérience à d’autres alcooliques, ce qui diminue leur culpabilité et leur permet de bénéficier d’un soutien social et relationnel “ structurant î.

– Ils sont indiqués pour tous les patients en général et en particulier ceux qui présentent une importante dépendance, une relative stabilité sociale, un caractère influençable.

– Les principaux sont :

–  Alcooliques anonymes (optique laïque non militante).

–  Vie libre (optique politique syndicale).

– Croix bleue (protestante), Croix d’or (catholique).

– Joie et santé, Amitiés PTT, etc.

Les différentes sortes de psychothérapie

–  Psychothérapie de soutien :

–  élément essentiel du traitement.

– aide au maintien de l’abstinence au long cours.

– à poursuivre quelle que soit l’évolution de la conduite alcoolique.

– caractéristiques : directivité relative, réassurance, revalorisation et déculpabilisation.

–  Psychothérapie de couple, psychothérapie familiale :

– sur un modèle comportemental ou systémique.

– à proposer aussi souvent que possible.

–  Psychothérapie de groupe d’inspiration analytique, psychodrame en gestalt-thérapie.

–  Thérapies comportementales.

Traitement médicamenteux

Le traitement médicamenteux permet de renforcer le soutien mais est non suffisant à la prise en charge :

– l’acamprosate (Aotal*) :

– agit par stimulation des récepteurs au GABA. Cette stimulation diminuerait l’ingestion volontaire d’alcool, sans diminuer l’ingestion de boissons alcoolisées.

– posologie : 6 cp/j pendant 2 à 3 mois.

– les antidépresseurs sérotoninergiques :

– diminueraient l’appétence (envie de boire) à l’alcool indépendamment de leur effet sur les troubles de l’humeur.

– à des doses parfois supérieures aux doses antidépressives tels : fluvoxamine (Floxyfral*) ; fluoxétine (Prozac*) ; paroxétine (Deroxat*).

– effet à court terme actuellement démontré. Effet à long terme en cours d’évaluation.

– le disulfirame (Espéral*), (TTB — B3-B4*) :

– ne diminue pas l’appétence pour l’alcool mais provoque un effet antabuse en cas d’ingestion d’alcool, c’est-à-dire une réaction d’intolérance (“ flush ” facial, nausées, hyperventilation, tachycardie, hypotension), immédiate et durable (quelques heures).

– habituellement prescrit au décours du sevrage dans un but préventif pour aider le patient à maintenir son abstinence.

– indiqué chez les patient motivés et compliants.

– posologie : 1 à 2 cp/j.

– informer le patient en détail des effets et des risques du produit.

TRAITEMENT DES COMPLICATIONS SOMATIQUE ET PSYCHIATRIQUE DE L’ALCOOLISME CHRONIQUE :

Le traitement des complications somatiques et psychiatriques nécessite un bilan clinique et paraclinique complet explorant le fonctionnement métabolique, hépatique, pancréatique, neurologique et psychiatrique :

– numération formule sanguine.

– ionogramme sanguin.

– bilan hépatique : gamma-GT, TP, ASAT et ALAT, ALAD, albumine, IgA, M, G (électrophorèse des protéines), urée.

– radiographie de thorax.

– échographie pancréatique et hépatique, endoscopie oesophagienne, ponction biopsie hépatique si besoin.

– bilan neurologique : EEG, EMG, scanner cérabral, FO, tests psychométriques (de niveau ou projectif).

TRAITEMENT DES REACTIONS ET DES COMPLICATIONS DU SEVRAGE :

(Voir « Syndrome de sevrage, diagnostic, traitement« )

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