Fractures de l’extrémité supérieure du fémur chez l’adulte

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Introduction :

La fracture de l’extrémité supérieure du fémur chez l’adulte, et plus particulièrement chez le vieillard, est incontestablement la lésion la plus fréquemment rencontrée en traumatologie.

Malgré une meilleure connaissance des facteurs de risque et une prévention accrue, le nombre de ces fractures continue à augmenter de manière spectaculaire.

Dès à présent, le problème prend des proportions épidémiques, dont le coût risque, à terme, de compromettre bon nombre de systèmes de soins de santé.

Le nombre grandissant de ces fractures chez des patients souvent en mauvaise santé, ostéoporotiques et grabataires est un défi pour les services de traumatologie qui sont amenés à traiter non seulement la fracture mais également les nombreuses conditions médicales associées.

De plus, il faut prévoir, dès le début, une rééducation intensive afin de permettre une réinsertion sociale le plus rapidement possible.

Ceci nécessite généralement une approche multidisciplinaire.

Certaines fractures de l’extrémité supérieure du fémur, telles les fractures isolées du grand et du petit trochanter, sortent de ce contexte.

Il en est de même des fractures de hanche associées à une fracture de la diaphyse fémorale qui surviennent souvent chez des patients jeunes à la suite d’un traumatisme à haute énergie.

Les fractures pathologiques sur tumeur osseuse primaire ou métastase ainsi que les fractures de stress sont également des cas particuliers.

Ces cas plus rares sont discutés séparément.

Les fractures de la tête fémorale sont souvent associées à une fracture du cotyle et/ou une luxation de hanche et ne sont pas reprises dans cet exposé.

Épidémiologie :

A – INCIDENCE, VARIATIONS RACIALES ET RÉGIONALES :

Le nombre de fractures de hanche en 1990 en France varie entre 46 000 et 51 000. Pour la planète, ce nombre a été estimé à 1,66 million par an.

Fractures de l’extrémité supérieure du fémur chez l’adulte

Dans 72,1 % des cas ce sont des femmes qui en sont victimes et plus de la moitié de ces fractures se produisent en Europe et en Amérique du Nord.

Dans une population comparable, le risque de fracture de hanche varie avec un facteur 15 entre le Chili et la Norvège.

En règle générale les personnes de race blanche présentent un risque fracturaire plus élevé que les Asiatiques ou les Africains.

Cette différence de risque peut s’expliquer soit par une masse osseuse plus importante, soit par une fréquence de chute moins élevée.

À l’intérieur d’un même groupe ethnique, le risque de fracture de hanche varie également de manière importante. Ainsi, le risque fracturaire est plus élevé en Scandinavie qu’en Amérique du Nord ou en Océanie, et des variations de 1 à 7 ont été rapportées entre les différents pays européens.

La France et l’Espagne sont les seuls pays européens où le risque fracturaire est moyen.

En Norvège, en Suède et au Danemark le risque est très élevé alors que la plupart des autres pays européens ont un risque qui se situe entre ces deux extrêmes. Généralement, les régions urbaines sont plus touchées que les régions rurales ce qui pourrait s’expliquer par une activité physique plus importante en région rurale.

Aux États-Unis, chez les femmes de race blanche de plus de 65 ans, un risque fracturaire plus élevé a été associé à une latitude plus nordique, un plus faible ensoleillement en janvier, de l’eau contenant moins de calcium ou plus de fluor, un niveau de pauvreté plus élevé, et une proportion plus importante de fermes par km².

En revanche, un faible degré d’activité, l’obésité, le fait de fumer, la consommation d’alcool ou une origine scandinave ne semblent pas augmenter le risque de fracture de hanche.

Le nombre de fractures de hanche par an en France est en progression et pourrait atteindre plus de 143 000 d’ici 2050.

Pour la planète, ce chiffre a été estimé à 6,26 millions.

Du fait de l’augmentation importante du nombre d’individus de plus de 65 ans, surtout dans les pays d’Amérique latine, d’Asie, du Moyen-Orient et d’Afrique, le nombre de fractures de hanches devrait surtout augmenter dans ces régions.

B – FACTEURS DE RISQUE :

1- Âge :

Le nombre de fractures de l’extrémité proximale du fémur augmente exponentiellement avec l’âge (fig 1).

Parmi les femmes blanches, Cummings et al ont évalué le risque relatif (RR) par 5 ans d’âge à 1,5 (intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] de 1,3 à 1,7).

Ce facteur important exerce son influence par le biais de différents mécanismes.

D’abord la probabilité de chutes augmente rapidement avec l’âge, ensuite la résistance osseuse diminue progressivement, ce qui rend une chute potentiellement plus dangereuse.

La fragilité du fémur proximal peut s’expliquer par une diminution de la masse osseuse, par des anormalités de l’architecture, de la matrice ou de la minéralisation de l’os, et par la présence de microfractures.

2- Ostéoporose :

La densité osseuse de la région intertrochantérienne diminue au fil du temps en moyenne de 53 % chez la femme et de 35 % chez l’homme.

Une diminution de la densité osseuse de 2 déviations standards par rapport à la moyenne de la population jeune peut être considérée comme anormale.

En utilisant cette définition, 90 % des femmes entre 50 et 59 ans ont une masse osseuse normale. Après 80 ans ce chiffre diminue à un tiers.

À côté de cette diminution « normale » de la densité osseuse, la diminution « anormale » de la densité osseuse (ostéoporose) augmente le risque de fracture de hanche de manière importante.

Pour des femmes d’âge égal, la diminution de la densité osseuse du fémur proximal d’une déviation standard augmente le risque de fracture de hanche avec un facteur de 2,6 (RR : 2,6 ; IC 95 % : 1,9 à 3,6).

3- Chutes :

Chez des personnes âgées l’ostéoporose est le facteur de risque principal de fractures de hanche.

Toutefois, les éléments qui peuvent causer une chute entrent également en jeu.

Tous les ans, un tiers des personnes non institutionnalisées de plus de 65 ans en sont victimes et 10 à 15 % de ces chutes ont des conséquences importantes (fractures, traumatismes crâniens, contusions).

En ce qui concerne les personnes vivant dans des maisons de retraite, l’incidence de chutes atteint 50 à 60 % et les conséquences sont importantes dans 15 à 20 % des cas.

Dans cette population âgée, les femmes font plus de chutes que les hommes.

En Amérique du Nord, une femme sur cinq entre 60 et 64 ans et une femme sur trois entre 80 et 84 ans font au moins une chute par an. À peu près 1 % de ces chutes donnent lieu à une fracture de hanche.

En revanche, si l’impact se produit directement sur la région trochantérienne, le risque augmente avec un facteur 13.

4- Facteurs de risque cliniques :

Jusqu’à il y a peu, la connaissance des facteurs de risque cliniques provenait essentiellement d’études cas-témoins ne prenant en compte qu’une seule catégorie de facteurs, soit ceux liés à la fragilité osseuse, soit ceux liés aux chutes.

En 1994, une vaste étude de cohorte (9 516 femmes blanches âgées de 65 ans ou plus) menée aux États-Unis a permis de mettre en évidence toute une série de facteurs augmentant le risque de fracture de hanche.

Le RR de fracture ajusté sur l’âge est plus élevé chez les femmes ayant présenté une fracture après 50 ans ou dont la mère a présenté une fracture de hanche.

Ce risque est également plus élevé chez les femmes se disant en mauvaise santé, ayant eu une hyperthyroïdie ou ayant été traitées par des benzodiazépines ou des antiépileptiques.

Des données issues de l’examen clinique ou de tests neuromusculaires et sensoriels, comme des anomalies de la perception du relief ou des contrastes, l’impossibilité de se lever d’une chaise sans s’aider des bras, ainsi que la présence d’une tachycardie, constituent également des facteurs de risque.

Tous ces facteurs se sont avérés être indépendants de la densitométrie osseuse.

La présence simultanée de plusieurs facteurs de risque permet de définir des groupes plus ou moins exposés à une fracture de hanche.

Chez les femmes ayant une densité osseuse normale pour leur âge et moins de trois facteurs de risque, l’incidence de la fracture du col du fémur est de 1,1 pour 1 000 femmes par année (RR : 1,1 ; IC 95 % : 0,5 à 1,6).

En revanche, elle est de 27 (RR : 27 ; IC 95 % : 20 à 34) pour 1 000 pour les femmes ayant plus de quatre facteurs de risque et une densité osseuse pour leur âge située dans la tertile inférieure.

À la même époque, en France, une enquête similaire portant sur 5 757 femmes âgées de 75 ans ou plus, a permis de détecter plusieurs autres facteurs cliniques augmentant le risque de fracture de hanche indépendamment de la densitométrie osseuse : troubles de la vision, troubles de l’équilibre et de la marche, dysfonctionnement des membres inférieurs et diminution de la force musculaire mesurée au mollet.

C – PROGRAMMES DE DÉPISTAGE ET DE PRÉVENTION :

Le dépistage des facteurs de risque et la prévention des fractures de hanche passent par une meilleure connaissance de ces éléments et de leur interaction.

Un dépistage ne devrait être pratiqué que s’il permet des interventions curatives ou préventives.

De plus, avant la prescription d’un traitement préventif, médicamenteux ou d’autre nature, il est impératif de répondre à la question suivante : « chez une personne à risque, le bénéfice apporté par un traitement préventif est-il établi avec suffisamment de fiabilité et est-il cliniquement assez pertinent pour justifier son utilisation en pratique ? ».

C’est seulement dans l’affirmative qu’un traitement préventif doit être envisagé.

1- Prévention et dépistage de l’ostéoporose :

L’ostéodensitométrie a une bonne valeur diagnostique de la fragilité osseuse.

Toutefois, son coût limite sa diffusion, et il n’existe pas encore de consensus en faveur de l’utilisation d’une mesure radiologique de densitométrie osseuse pour un dépistage systématique au moment de la ménopause.

D’autre part, le fait de garder une densité osseuse suffisante ne permet pas de prévenir toutes les fractures et ne doit donc pas être l’unique moyen mis en oeuvre en matière de prévention.

L’effet d’un traitement préventif peut être évalué par différents « critères de jugement » (outcome ou endpoint en anglais).

La diminution de la densité osseuse est avant tout un marqueur d’un état de risque facturaire accru.

Bien qu’il existe une relation entre la diminution du contenu minéral de l’os, sa résistance mécanique et le risque fracturaire, une multitude d’autres facteurs entrent également en jeu.

Dans la prévention des fractures sur os ostéoporotique, l’augmentation de la densité minérale osseuse n’est pas la finalité du traitement, mais, probablement, l’intermédiaire par lequel le but recherché peut être atteint, le but final étant la diminution du risque fracturaire pour la hanche.

Dès lors, cette revue de la littérature prend comme indicateur de résultat plutôt la prévention des fractures du col fémoral sur os ostéoporotique (critère de jugement clinique) que l’augmentation de la masse osseuse (critère de jugement intermédiaire).

De plus, nous faisons référence essentiellement aux études cliniques dont les résultats ont été confirmés par des essais randomisés.

* OEstrogènes :

Un traitement hormonal de substitution avec des oestrogènes est envisagé en premier lieu pour soulager les symptômes liés à la ménopause.

Ce traitement préventif doit être maintenu pendant une période prolongée afin de produire un effet sur la masse osseuse.

Mais l’effet protecteur contre les fractures sur l’os ostéoporotique de la hanche est important (RR : 0,43 ; IC 95 % : 0,3 à 0,6).

Malheureusement, cet effet s’atténue avec l’âge, ainsi qu’après l’arrêt du traitement (RR : 0,70 ; IC 95 % : 0,49 à 1,02).

De plus, un traitement hormonal de substitution comporte certains risques, notamment d’accidents thromboemboliques veineux.

Il faut donc peser le pour et le contre pour chaque femme en âge de ménopause.

Évidemment, ce traitement préventif n’a pas d’application chez les hommes.

Ni le calcium, ni la vitamine D, ni l’exercice physique pris isolément ne peuvent être considérés comme une prévention efficace de la perte osseuse liée à la ménopause.

* Calcium et vitamine D :

L’apport de vitamine D est souvent insuffisant chez les personnes âgées, surtout en institution, à cause du manque d’exposition au soleil et à cause de la perte d’efficacité du mécanisme d’absorption de vitamine D par la peau.

Dans cette population à risque, il faut donc s’assurer que l’apport en calcium et en vitamine D reste suffisant.

Chapuy et al démontrent, dans un des premiers essais randomisés, réalisé en double aveugle et utilisant un critère de jugement clinique, l’efficacité de l’apport en calcium et en vitamine D (RR : 0,74 ; IC 95 % : 0,55 à 0,99).

Pour des personnes âgées institutionnalisées, l’administration de suppléments de calcium (500 à 1 200 mg/j, pour arriver à une ingestion effective de 1 500 mg/j) et de vitamine D (800 IU/j) peut donc être recommandée.

* Biphosphonates :

Pour les personnes déjà atteintes d’ostéoporose, les biphosphonates peuvent être conseillés.

Leur effet en matière de prévention de la résorption postménopausique d’os trabéculaire a été démontré et il semble bien qu’ils soient efficaces dans la prévention de fractures (RR : 0,6 ; IC 95 % : 0,4 à 0,9).

Toutefois il n’existe pas de consensus sur l’efficacité des biphosphonates pour la prévention des fractures chez des personnes ayant des facteurs de risque cliniques mais une densité osseuse normale pour leur âge.

* Autres traitements médicamenteux :

L’administration de sels de fluor ou de calcitonine de saumon (administration intranasale) augmente la densité osseuse, même chez des personnes âgées, mais l’impact de ces traitements sur l’incidence des fractures de hanche reste à prouver.

En effet, rien ne démontre que les qualités mécaniques de l’os néoformé restent semblables.

Les anabolisants augmentent la masse musculaire mais leur efficacité en termes de prévention d’événements fracturaires n’a pas été clairement établie.

En outre, des signes de virilisation apparaissent après 1 an de traitement dans la moitié des cas.

* Activité physique :

Un degré d’activité soutenu pendant la jeunesse, la vie active et même à un âge plus avancé peut augmenter la masse osseuse maximale, limiter l’ostéoporose chez la femme pré- et postménopausée et améliorer l’équilibre et les capacités de marche chez le vieillard.

De ce fait, Gregg et al démontrent une diminution de 36 % du nombre de fractures de hanche chez les femmes physiquement très actives de plus de 65 ans (RR : 0,64 ; IC 95 % : 0,45 à 0,89).

2- Prévention des chutes :

Les facteurs de risque de chutes chez les personnes âgées peuvent être répartis en deux groupes : les facteurs intrinsèques (liés à l’individu même) et les facteurs extrinsèques (liés à l’environnement). Plus l’âge avance et plus les facteurs intrinsèques deviennent importants par rapport aux facteurs extrinsèques.

La plupart des facteurs de risque extrinsèques peuvent facilement être éliminés ou modifiés.

L’effet de ces modifications est difficile à évaluer mais les programmes qui associent des visites à domicile et qui réalisent les modifications nécessaires semblent plus efficaces que les programmes qui ne fournissent que des conseils.

Ainsi un programme qui optimalise aussi bien des facteurs intrinsèques (traitement médicamenteux, physiothérapie, correction des déficiences sensorielles) qu’extrinsèques (environnement dangereux, éducation des patients) est parvenu à diminuer de 40 % l’incidence des fractures de hanche (IC 95 % : 0,4 à 0,9).

L’efficacité de la prévention des chutes peut encore être optimalisée en ciblant plus particulièrement des sous-groupes (personnes institutionnalisées) ou certaines périodes plus à risque (déplacements nocturnes).

Une autre étude démontre qu’un programme de prévention des chutes est également efficace chez des patients qui se présentent au service d’urgence à la suite d’une chute. Dans ce groupe le risque de rechute a pu être réduit de 67 % dans les 12 mois suivants (IC 95 % : 0,16 à 0,68).

3- Réduction des conséquences de chutes :

Les chutes chez les personnes âgées ne sont pas toutes évitables, toutefois un système qui absorbe l’énergie de l’impact peut réduire leurs conséquences.

Plusieurs systèmes de protection ou de rembourrage ont fait l’objet d’études.

En 1992, Lauritzen et al ont démontré l’efficacité du port de protège-hanches pour les personnes à haut risque (RR : 0,4 ; IC 95 % : 0,2 à 0,8).

Même si cet essai randomisé constitue un pas important dans la prévention des fractures de hanche, il ne concerne que les personnes institutionnalisées de plus de 65 ans.

Il n’est pas sûr que des résultats identiques soient observés dans d’autres populations, vivant dans un autre environnement.

Actuellement, il n’existe pas de consensus sur l’efficacité de protège-hanches dans la prévention des fractures chez des personnes vivant à domicile, sauf peut-être si elles souffrent d’une diminution de la vue.

Toutefois toutes les études s’accordent à dire que les protège-hanches sont rentables pour les personnes institutionnalisées et probablement aussi pour les patients à risque vivant à domicile.

Le plus gros problème est le faible degré de coopération des patients (24 à 91 %).

Il est donc essentiel que les systèmes proposés soient aussi bien confortables que pratiques.

Aspects socioéconomiques :

A – COÛT D’UNE FRACTURE DE HANCHE :

En Belgique en 1996, le coût moyen d’une hospitalisation pour fracture de hanche est estimé à 8 667 euros.

Près de la moitié de cette somme sert à couvrir les frais liés à l’hospitalisation, un quart les honoraires médicaux, et un quart le matériel chirurgical et les médicaments.

En France, le coût d’une hospitalisation pour fracture de hanche est estimé à 9 296 euros.

En Angleterre il est estimé à 7 685 euros pour une prothèse et à 7 028 euros pour une ostéosynthèse.

Aux États-Unis, le coût direct d’une hospitalisation pour fracture de hanche est encore plus élevé (10 436 euros).

Un nombre considérable de facteurs augmentent le coût moyen d’une hospitalisation pour fracture de hanche.

Ce coût est plus élevé pour les hommes, pour les patients plus âgés, institutionnalisés, ou souffrant de plusieurs pathologies concomitantes ainsi qu’en cas de complications.

Toutefois, c’est surtout la durée d’hospitalisation qui détermine le coût.

Ici aussi un âge plus élevé et un retour en institution sont associés à une hospitalisation plus longue et donc plus coûteuse.

Le meilleur moyen de limiter les coûts provoqués par les fractures sur os ostéoporotique consiste en une gestion plus efficace de l’hospitalisation.

Il faut en effet limiter au maximum les séjours dans les unités chères et hautement spécialisées en transférant rapidement les patients vers des lits plus appropriés à la rééducation.

La plupart des données concernant le coût des fractures de hanche se limitent aux frais de l’hospitalisation en soi, et ne tiennent pas compte des coûts à long terme.

De plus, il est difficile de déterminer quels frais sont liés à la fracture elle-même et quels frais sont liés à des problèmes de santé préexistants.

Ce surcoût, c’est-à-dire les frais spécifiques liés à la fracture, a été décrit récemment dans trois études.

Malheureusement, dans deux de ces études, une partie des données ont été déterminées de manière rétrospective.

En revanche, la troisième étude, réalisée en Belgique, a suivi pendant 1 an de manière prospective les patientes victimes d’une fracture ainsi qu’une population-contrôle.

Tous les frais en matière de soins de santé (visites de médecin, soins infirmiers et kinésithérapeutiques, hospitalisations et séjours en maison de repos ou de rééducation) ont été notés dans les deux groupes.

Au cours de l’année qui a suivi l’hospitalisation initiale, le système de soins de santé a constamment déboursé plus dans le groupe « fracture ».

Pendant cette année, le coût total était de 12 254 euros par patiente victime d’une fracture de hanche et de 5 609 euros par contrôle.

Le surcoût de 6 636 euros est essentiellement imputable au séjour des patientes dans des centres de rééducation (31 % du surcoût) ou dans une maison de repos (également 31 % du surcoût).

Les maladies neuropsychiatriques, comme la démence et la dépression, étaient sensiblement plus fréquentes dans le groupe de fracture (13 % contre 3 % dans le groupe-contrôle).

Bien que ceci puisse expliquer, en partie du moins, le surcoût important dans le groupe fracture, une correction de ce facteur n’a pas modifié fondamentalement les données.

Une analyse plus détaillée a mis en évidence une relation très nette entre le coût en matière de soins de santé et l’âge, et cela aussi bien chez les patientes victimes d’une fracture de hanche que dans la population-contrôle.

Au-delà de 81 ans, le coût total était de 14 509 euros par patiente victime d’une fracture de hanche et de 7 738 euros par patiente-contrôle.

En dessous de 81 ans, le coût total des soins pendant les 12 mois de suivi n’était que de 9 803 euros par patiente et de 3 548 euros par patiente-contrôle.

En revanche, le surcoût au cours des 12 mois de suivi n’est pas fondamentalement influencé par l’âge.

B – CONSÉQUENCES POUR LE SYSTÈME DE SANTÉ :

En France, ont été dénombrées chaque année près de 50 000 fractures de hanche sur os ostéoporotique, dont le coût d’hospitalisation s’élève à 470 millions d’euros par an.

En Belgique, une estimation prudente évalue le nombre de fractures de hanche à plus de 12 000, ce qui coûte environ 200 millions d’euros par an (coût global). Une grande partie de ces frais s’expliquent par une perte importante d’indépendance d’un grand nombre de patients victimes d’une fracture de hanche.

En Belgique le nombre d’admissions pour fracture de hanche a augmenté de 9 % en 5 ans.

Toutefois, la durée médiane du séjour en hôpital est passée de 25 jours en 1991 à 21 jours en 1995 et la moyenne est passée de 34,3 jours en 1991 à 27,5 jours en 1996. Cette diminution a sans doute permis de comprimer les frais.

En revanche, la durée de séjour a diminué pour l’ensemble des hospitalisations, et la part qu’y prennent les fractures de la hanche est restée la même.

En outre, le nombre de fractures de hanche augmente plus rapidement que le vieillissement de la population ne le laisse supposer.

C’est surtout le nombre de fractures extracapsulaires chez les patients de plus de 80 ans qui semble en progression.

En revanche, dans certains pays tels que la Suède, le Royaume-Uni et les États-Unis, l’incidence semble se stabiliser. Bien que le rôle qu’y jouent les programmes de prévention ne soit pas très clair, c’est là, qu’à terme, il y a le plus de potentiel pour réduire le nombre de fractures de hanche et ainsi éviter une faillite de bon nombre de systèmes de santé publique.

Diagnostic :

Classiquement une fracture de hanche se caractérise par une rotation externe et un raccourcissement du membre inférieur associés à une douleur inguinale et l’impossibilité de prendre appui.

Toutefois, les factures du col fémoral impactées ou non déplacées ainsi que les fractures isolées du petit ou du grand trochanter peuvent se présenter sous forme de douleurs inguinales ou trochantériennes sans déformation apparente et sans impotence fonctionnelle majeure.

Lors de l’anamnèse il est important de s’interroger sur les circonstances de l’accident ou de la chute afin de diagnostiquer d’emblée une origine pathologique sous-jacente.

Les antécédents, l’état général ainsi que l’état ambulatoire et le mode de vie du patient sont également des éléments essentiels qui influenceront les décisions thérapeutiques. Un bilan radiographique, comprenant des clichés de face et de profil centrés sur l’articulation de la hanche ainsi qu’une radiographie du bassin de face, permet de poser le diagnostic dans la vaste majorité des cas.

La radiographie de face du bassin nous paraît essentielle car la fracture d’une des branches pubiennes peut facilement se projeter en dehors d’un cliché centré sur la hanche.

Si l’examen clinique est suspect (douleurs inguinales lors de la mobilisation de la hanche sans cause apparente) mais que le bilan radiographique est négatif, une scintigraphie osseuse après 48 heures et/ou un CT scanner, voire une résonance magnétique nucléaire, permettent de préciser le diagnostic.

En cas de polytraumatisme, et surtout si une fracture de la diaphyse fémorale est présente, il y a lieu de rechercher activement une fracture de hanche associée.

Dans ce cas, nous recommandons de réaliser d’office au moins une radiographie de bassin de bonne qualité.

Classification :

Il existe un grand nombre de classifications des fractures de l’extrémité supérieure du fémur, dite « fractures de hanche ».

La classification AO (Arbeidsgemeinshaft für Osteosynthese fragen) range ces fractures parmi d’autres en un système logique et universel.

Cette classification distingue trois groupes.

– A. Fractures extracapsulaires.

– B. Fractures du col fémoral.

– C. Fractures de la tête fémorale.

Chacun de ces groupes est divisé en trois sous-groupes et chacun de ces sous-groupes est à son tour divisé en trois sous-sous-groupes.

Malgré 27 groupes au total, cette classification ne permet pas de bien différencier les fractures en région trochantérienne et soustrochantérienne.

De plus, la classification AO est peu reproductible, peu pratique et ne permet pas d’orienter le traitement de manière efficace.

Nous préférons l’utilisation d’une classification simple selon la région atteinte (tête fémorale, col fémoral, région trochantérienne et sous-trochantérienne).

Dans chacune de ces quatre régions, on adopte une classification plus spécifique et mieux adaptée.

Si une fracture s’étend à plusieurs régions, il est possible de la décrire à l’aide de la localisation de ses différents composants.

Chacun de ces composants est alors classé selon une systématique spécifique pour la région atteinte.

A – CLASSIFICATION DES FRACTURES DU COL FÉMORAL :

Le col fémoral s’étend d’une zone juste sous le cartilage de la tête fémorale jusqu’à sa base d’implantation en dedans de la fossette digitale et du bord supérieur du petit trochanter.

Il s’agit de fractures intra-articulaires car situées en dedans de l’insertion fémorale de la capsule.

De manière assez artificielle il est possible de distinguer des fractures sous-capitales (situées sous le cartilage de la tête fémorale), des fractures transcervicales (situées dans la partie moyenne du col) et des fractures basicervicales (situées à la base d’implantation du col).

Il est souvent difficile de faire cette distinction de manière précise car la plupart des traits de fracture se prolongent dans plusieurs zones, soit dans le plan frontal soit dans le plan transversal.

En pratique les termes « sous-capitale » et « transcervicale » sont souvent utilisés comme synonymes.

Le terme « basicervicale » est utilisé pour une fracture qui se situe dans la zone de transition entre le col fémoral et la région trochantérienne. Bien que son parcours se situe à l’insertion capsulaire, cette fracture a beaucoup de points communs avec les fractures trochantériennes.

1- Classification de Garden :

La classification de Garden date de 1961 et répartit les fractures du col du fémur en quatre groupes selon leur degré de déplacement sur un cliché de face :

– type I : fracture du col impactée en valgus.

La fracture n’est quasi pas déplacée mais les travées spongieuses de sustension céphaliques sont verticalisées par rapport à celles du col fémoral ;

– type II : fracture du col strictement non déplacée. Les travées spongieuses de sustension du col fémoral sont interrompues mais pas déplacées ;

– type III : fracture du col fémoral déplacée en varus.

La tête fémorale est basculée mais garde une charnière inférieure ou inféropostérieure.

Les travées spongieuses de sustension céphaliques sont horizontalisées par rapport à celles du col fémoral ;

– type IV : fracture du col fémoral complètement déplacée.

La tête fémorale est tout à fait séparée du col.

Les travées spongieuses de sustension céphaliques ne sont pas en continuité avec celles du col mais elles conservent souvent leur orientation.

La classification de Garden présente une grande variabilité d’interprétations selon l’observateur.

Les fractures de type I sont généralement peu déplacées et se distinguent mal des fractures de type II.

De plus, il n’y a pas de grandes différences entre le nombre de complications liées aux fractures de type III et IV.

De ce fait il est préférable de parler de fractures « stables et peu déplacées » en groupant les fractures de type Garden I et II et de parler de fractures « instables et déplacées » en groupant les fractures de type Garden III et IV.

Cette distinction est simple, pratique et permet d’orienter le traitement et d’établir un pronostic dans la majorité des cas.

2- Classification de Pauwels :

La classification de Pauwels date de 1935 et répartit les fractures du col fémoral selon leur orientation par rapport au plan horizontal sur une radiographie postopératoire de face avec 10° de rotation interne.

On distingue trois types de fractures :

– type I : angle de Pauwels de moins de 30° ;

– type II : angle de Pauwels entre 30° et 50° ;

– type III : angle de Pauwels de plus de 50°.

La classification de Pauwels présente une grande variabilité d’interprétations selon l’observateur.

Pour les fractures non déplacées traitées de manière conservatrice, l’utilité de la classification de Pauwels est discutable.

En revanche, elle a une mauvaise valeur prédictive des complications des fractures traitées par ostéosynthèse, ce qui la rend peu utile en pratique clinique.

B – CLASSIFICATION DES FRACTURES DE LA RÉGION TROCHANTÉRIENNE :

La région trochantérienne s’étend de la base d’implantation du col fémoral (au niveau d’une ligne qui relie la fossette digitale et le bord supérieur du petit trochanter) à une ligne horizontale au niveau du bord inférieur du petit trochanter.

Ici aussi il existe de nombreuses classifications plus ou moins complexes (Evans, AO, Kyle, Ender).

Vu la diversité des traits de fractures ainsi que la comminution parfois importante dans cette région, il est difficile de trouver une seule classification qui soit à la fois simple, reproductible et pratique.

Afin d’orienter le traitement, il est important que la classification choisie permette de distinguer les fractures pertrochantériennes stables des fractures instables.

Le degré de stabilité de la fracture en varus dépend de la comminution du calcar et du petit trochanter ainsi que de l’extension du trait de fracture en région soustrochantérienne, notamment à la partie interne du fémur.

Le degré d’instabilité dû à l’impaction du col fémoral sur la métaphyse est lié à la comminution de la région métaphysaire, du grand trochanter et de la face externe du fémur proximal.

Un éventuel trait de refend sous-trochantérien qui s’étend du petit trochanter vers la partie externe du fémur (fracture trochantérienne inversée) est également un facteur d’instabilité.

La classification AO des fractures pertrochantériennes semble reproductible pour autant qu’on se limite aux sous-groupes A1, A2 et A3.

En revanche, la classification des fractures selon leur degré de comminution dans ces trois sous-groupes rend la classification AO peu fiable.

De plus, cette classification ne tient pas compte de la comminution du grand trochanter ou de la face externe du fémur proximal.

De ce fait elle ne nous paraît pas très utile pour orienter le traitement.

Pour mémoire, nous rapportons la classification d’Ender, qui répartit les fractures pertrochantériennes en huit groupes.

– Type I : fractures cervicotrochantériennes simples juste sous l’insertion capsulaire.

Ces fractures se distinguent difficilement des fractures basicervicales intracapsulaires décrites précédemment.

– Types II et III : fractures pertrochantériennes en varus avec comminution du petit trochanter.

Les fractures de type III sont déplacées distalement par rapport au type II.

Cette distinction paraît artificielle car une fracture de type III devient souvent un type II par simple traction.

– Types IV et V : fractures cervicotrochantériennes avec impaction du col dans la métaphyse proximale.

Les fractures de type V sont déplacées en varus par rapport au type IV.

Cette distinction paraît également artificielle car une fracture de type V devient souvent un type IV par simple traction.

– Type VI : fractures pertrochantériennes avec comminution du grand trochanter.

– Type VII : fractures pertrochantériennes avec arrachement du petit trochanter et trait de refend en région sous-trochantérienne.

Ces fractures sont réparties en deux sous-groupes : avec ou sans comminution du grand trochanter.

– Type VIII : fractures essentiellement sous-trochantériennes.

Ces fractures sont réparties en deux sous-groupes selon l’obliquité du trait de fracture.

Cette classification paraît intéressante car elle permet de grouper les fractures stables (type I), les fractures à instabilité modérée en varus (types II et III) et en impaction (types IV et V) ainsi que les fractures instables à refend trochantérien (type VI) ou sous-trochantérien (type VII).

Les fractures de type VIII sont en fait des fractures essentiellement sous-trochantériennes.

C – CLASSIFICATION DES FRACTURES SOUS-TROCHANTÉRIENNES :

La région sous-trochantérienne débute au niveau d’une ligne horizontale juste sous le petit trochanter.

La limite inférieure de cette région n’est pas clairement définie. D’un point de vue mécanique et pratique, limiter cette région au tiers supérieur du fémur paraît judicieux.

Plusieurs classifications des fractures sous-trochantériennes existent (Russel-Taylor, Seinsheimer).

Toutefois, la fiabilité d’aucune de ces classifications n’a été évaluée et, à part dans des études cliniques, aucune ne semble être utilisée en pratique courante.

Nous rapportons la classification de Seinsheimer.

– Type I : fracture sous-trochantérienne non ou très peu déplacée (maximum 2 mm) indépendamment de l’orientation du trait de facture.

– Type II : fracture sous-trochantérienne simple.

Ce type de fracture est réparti en trois sous-groupes selon l’orientation du trait de fracture.

– Type III : fracture sous-trochantérienne à trois fragments.

Ces fractures sont réparties en deux sous-groupes selon que le troisième fragment se situe au petit trochanter ou sur la corticale externe.

– Type IV : fracture comminutive de la région sous-trochantérienne sans trait de refend en région trochantérienne.

– Type V : fracture comminutive de la région sous-trochantérienne avec trait de refend en région trochantérienne.

Cette classification paraît intéressante car elle distingue les fractures sous-trochantériennes dont la fixation à foyer ouvert en position anatomique est probable (types I et II), possible (type III) ou utopique (types IV et V).

Cette distinction permet dans certains cas d’orienter le traitement.

Traitement : généralités

Non seulement du point de vue individuel, mais également du point de vue socioéconomique, il est impératif que le traitement d’une fracture de hanche soit le mieux adapté possible.

Ce traitement doit permettre au patient de retrouver une fonction préfracturaire et de rentrer au domicile dans le plus bref délai et ce, avec une dépendance minimale vis-à-vis de tiers.

De plus, et afin d’éviter bon nombre de complications, le traitement doit être le moins agressif possible et permettre une mobilisation précoce, de préférence avec prise d’appui immédiate.

Inutile de dire que dans bon nombre de cas, combiner ces impératifs est illusoire.

Les sections suivantes présentent les différentes options thérapeutiques communes à la majorité des fractures de hanche.

A – TRAITEMENT CONSERVATEUR :

En règle générale, le traitement conservateur d’une fracture de l’extrémité supérieure du fémur chez l’adulte a été abandonné dans la plupart des pays industrialisés.

Toutefois, dans certains pays qui ne disposent pas des ressources médicales requises, le traitement conservateur (notamment par traction) de certaines fractures est préférable à une intervention effectuée dans de moins bonnes conditions.

Même dans les pays qui disposent des ressources nécessaires il persiste certaines indications de traitement non opératoire.

1- Traitement antalgique :

Le traitement antalgique d’une fracture de hanche consiste, soit en l’administration d’antidouleurs par voie orale ou parentérale, soit en la mise en place de blocs nerveux ou épidurales.

En période préet postopératoire les blocs nerveux (nerf sous-costal, nerf cutané latéral, nerf fémoral, nerf psoas ou triple bloc) ne semblent pas être associés à des risques majeurs et peuvent diminuer la prise d’antalgiques.

Le bénéfice net pour le patient n’est toutefois pas encore démontré. Un traitement purement antalgique comme seul traitement d’une fracture de hanche peut être envisagé en trois circonstances.

D’abord s’il s’agit de fractures sous-capitales stables ; ensuite, si le pronostic à court terme du patient est si funeste que toute chirurgie ne pourrait qu’aggraver la situation ; enfin si le patient est dément et ne marchait plus avant sa fracture de hanche.

Dans le dernier cas il paraît important que la décision d’abstention thérapeutique soit prise par un thérapeute qui connaît bien le patient ainsi que sa fonction ambulatoire, qui n’a pas d’intérêt économique à opérer, et qui connaît les alternatives thérapeutiques ainsi que leurs avantages et désavantages.

De plus il est primordial de pouvoir disposer d’un nursing de toute première qualité.

2- Traction :

La mise en traction jusqu’à guérison d’une fracture de l’extrémité supérieure du fémur peut donner lieu à de nombreuses complications, surtout chez le sujet âgé.

Ces complications (thromboses veineuses profondes, embolies ou infections pulmonaires, escarres, etc) sont liées à de longues périodes d’alitement et d’immobilisation.

De plus, les résultats fonctionnels, le désagrément ainsi que le coût de ce traitement ne sont plus acceptables dans la plupart des cas.

La mise en traction par broche transtibiale, transcondylienne ou par traction collée comme traitement d’attente avant une intervention chirurgicale est pratique courante.

Elle permet l’alignement et le maintien de la longueur du membre fracturé.

Toutefois, l’utilité de ce geste ainsi que son effet antalgique ne sont pas du tout démontrés.

De plus, la mise en traction, même pour une courte durée, n’est pas dénuée de risques (déréduction de fractures impactées ou non déplacées, ischémie par compression, complications nerveuses, infectieuses ou cutanées).

Surtout en cas de fracture « stable » du col fémoral, ce traitement nous paraît contre-indiqué.

B – DÉLAI OPÉRATOIRE :

En ce qui concerne les fractures du col fémoral, il semble que l’ostéosynthèse dans les 6 heures améliore le pronostic.

Surtout chez le sujet jeune, pour qui la survie de la tête fémorale est essentielle, il semble préférable d’opérer ce type de fracture en urgence.

Chez le sujet âgé, ainsi que pour tous les autres types de fractures, une intervention en urgence ne semble pas justifiée.

Toutefois, pour certains auteurs une opération dans les 24 heures améliore le pronostic, alors que pour d’autres ce facteur a peu d’influence.

Un troisième groupe d’auteurs préconisent même un délai de 1 à 3 ou 4 jours afin de corriger préalablement les altérations physiologiques s’il y a lieu.

En pratique, des considérations telles que l’organisation des soins de santé au niveau national ou des services d’urgences au niveau local (surtout la disponibilité des équipes chirurgicales), jouent un rôle important dans le délai opératoire.

Traitement en fonction du type de fracture :

Les sections suivantes présentent les différentes options thérapeutiques.

Les priorités variant selon l’âge des patients, leur espérance de vie et leur fonction préfracturaire, les options thérapeutiques sont discutées en fonction de ces paramètres.

A – TRAITEMENT DES FRACTURES DU COL FÉMORAL ET DE LEURS COMPLICATIONS :

1- Options thérapeutiques :

En ce qui concerne les fractures du col fémoral, trois possibilités peuvent être retenues : le traitement conservateur, l’ostéosynthèse et le remplacement prothétique.

* Traitement conservateur :

Cette approche thérapeutique reste controversée.

Elle consiste en un repos antalgique de courte durée suivi d’une mobilisation.

Généralement, la marche avec appui partiel est précoce.

En revanche, la mise en charge complète n’est autorisée qu’après 2 mois.

Ce traitement peut être envisagé pour des fractures impactées en valgus (Garden I) ou non déplacées sur le cliché de face (Garden II), avec ou sans déplacement sur le cliché de profil.

Le taux de déplacement secondaire ou de pseudarthrose après traitement conservateur varie de 14 à 42 %.

Les patients de moins de 70 ans en bonne condition physique ont un meilleur pronostic.

En cas de déplacement secondaire ou de pseudarthrose il y a moyen de réaliser soit une ostéosynthèse combinée ou non avec une ostéotomie de valgisation, soit un remplacement prothétique.

À part un délai thérapeutique plus important, le traitement conservateur préalable ne semble pas avoir d’effet néfaste.

Les taux de nécrose de la tête fémorale après consolidation d’une fracture stable du col traitée conservativement varient entre 5,6 et 11 %.

Ces taux sont comparables à ceux rencontrés après ostéosynthèse.

* Ostéosynthèse :

Si le calcar est intact, l’ostéosynthèse peut être réalisée après réduction à l’aide de vis ou de broches bien positionnées.

Il faut veiller à ce qu’un des implants prenne appui sur le calcar afin de neutraliser la tendance à la translation verticale. Un autre prend appui sur la partie postérieure du col afin de neutraliser la tendance à la rétroversion.

À la tête fémorale, il est préférable de placer les implants dans l’os sous-chondral afin d’en améliorer la tenue.

Le plus souvent une technique percutanée est utilisée. Dans certains cas, un miniabord antérolatéral est envisagé afin de drainer l’hématome intracapsulaire.

L’utilisation de vis insérées parallèlement semble préférable à celle de broches.

En revanche, le nombre idéal d’implants à utiliser (deux, trois ou plus) reste controversé.

Si le calcar est comminutif, il n’est pas possible de neutraliser par une simple vis la translation inférieure de la tête fémorale.

Dans ce cas nous préconisons soit de recourir à une ostéosynthèse intrinsèquement plus stable (vis-plaque dynamique ou clou trochantérien), soit d’envisager le remplacement prothétique chez le sujet plus âgé.

La mise en appui total après ostéosynthèse d’une fracture du col fémoral est généralement recommandée.

Toutefois, chez le sujet jeune, pour qui la préservation de la tête fémorale est particulièrement importante, un appui partiel pendant 6 à 8 semaines est à conseiller.

Le drainage de l’hématome intracapsulaire lors de l’ostéosynthèse d’une fracture du col fémoral paraît logique, surtout si la fracture est peu déplacée et que l’on suspecte que la capsule articulaire est intacte.

Ce geste diminue la pression intra-articulaire et améliore la vascularisation de la tête fémorale, comme le démontre une étude scintigraphique.

L’importance clinique n’en est toutefois pas démontrée.

Le délai opératoire d’une fracture du col fémoral reste également un sujet controversé.

Pour certains auteurs un délai de moins de 6 heures aurait un effet bénéfique sur le taux de pseudarthrose et d’affaissement secondaire de la tête fémorale.

En revanche, un délai de 24 heures à 1 semaine ne semble pas avoir plus d’effet néfaste qu’un délai de 6 à 24 heures.

+ Contre-indications à l’ostéosynthèse :

Les fractures du col fémoral pathologiques (métastase, tumeur primaire, insuffisance rénale, maladie de Paget, affections métaboliques) ainsi que les fractures sur hanche arthrosique ou rhumatoïde sont des contre-indications à l’ostéosynthèse.

Le sexe, le degré d’ostéoporose, le poids, l’état mental et des affections neurologiques ou musculaires concomitantes n’influencent pas le taux de consolidation et ne constituent pas de contre-indications en soi.

+ Complications de l’ostéosynthèse :

Le taux de déplacement secondaire ou de pseudarthrose dans les 2 ans après ostéosynthèse d’une fracture déplacée du col fémoral est estimé entre 5 et 37 %.

Il est estimé entre 5 et 15 % chez le patient jeune et entre 25 et 30 % chez le sujet de plus de 80 ans.

Le taux de nécrose de la tête fémorale dans les 2 ans après ostéosynthèse d’une fracture déplacée du col fémoral est estimé entre 7 et 24 %.

Une fracture instable, une réduction imparfaite, le sexe féminin, un âge inférieur à 75 ans chez la femme, un surplus pondéral et un taux d’activité préfracturaire plus élevé sont des facteurs de risque de nécrose secondaire.

Le taux de réopération, pour quelque raison que ce soit, varie entre 20 et 36 %.

Chez le sujet âgé, si l’état général le permet, le déplacement secondaire ou la pseudarthrose ainsi que la nécrose de la tête fémorale sont généralement traités par une prothèse de hanche.

Les résultats d’une prothèse totale de hanche réalisée dans ces conditions sont comparables à ceux de la chirurgie primaire et, à long terme, meilleurs que ceux obtenus après hémiarthroplastie céphalique primaire.

Chez le sujet jeune, si la tête fémorale est viable, il est préférable de tenter d’obtenir la consolidation fracturaire dans la position la plus anatomique possible.

Afin d’horizontaliser le trait de fracture et de diminuer ainsi les contraintes en cisaillement, une ostéotomie de valgisation est réalisée.

De plus, en cas d’impaction du col fémoral, cette technique permet de gagner un peu de longueur du membre inférieur et d’améliorer la fonction des muscles fessiers.

Si la tête fémorale est nécrosée ou déformée et que les répercussions cliniques sont importantes, le remplacement prothétique peut être envisagé même chez le sujet jeune.

* Remplacement prothétique :

La mise en place d’une prothèse de hanche comme traitement d’une fracture du col fémoral résout d’emblée les problèmes liés à l’ostéosynthèse (déplacement secondaire, pseudarthrose, nécrose).

Surtout chez le sujet âgé, la mobilisation avec mise en charge immédiate ainsi qu’un taux de réopération moins élevé font en sorte que ce traitement gagne en popularité.

De plus, il permet de traiter par la même occasion une éventuelle affection de hanche concomitante.

+ Hémiprothèse céphalique :

L’hémiprothèse céphalique ou unipolaire est utilisée depuis les années 1950 comme traitement de certaines fractures du col fémoral.

Initialement, il s’agissait de prothèses monoblocs de type Thompson ou Moore fixées avec ou sans ciment acrylique.

Ce type de prothèse donne souvent lieu à des douleurs inguinales ainsi qu’à des protrusions cotyloïdiennes chez les patients encore actifs.

Au contact d’une prothèse céphalique, le cartilage cotyloïdien dégénère rapidement et pourrait disparaître dans les 5 ans.

Ceci entraîne, à court terme, des douleurs inguinales modérées à importantes dans 10 à 35 % des cas.

Si une prothèse de Moore non cimentée est utilisée, le résultat fonctionnel est peu satisfaisant dans près de deux tiers des cas.

Le risque d’impaction intrafémorale est important et une protrusion cotyloïdienne de plus de 5 mm a été décrite dans 5 % des cas.

Le taux de révision de ce type de prothèse est élevé (37 % à 2 ans, 23 % à 8 ans).

À cause de résultats peu encourageants et de risques de complications élevés, l’hémiprothèse céphalique est de moins en moins utilisée.

Son seul avantage est son prix réduit.

Son indication, si elle existe encore, est la fracture du col fémoral dont l’ostéosynthèse est illusoire, chez un patient âgé qui ne se déplace presque plus et dont l’espérance de vie est réduite.

À cette fin, il existe des têtes unipolaires modulaires qui s’adaptent sur la plupart des tiges fémorales et qui peuvent être converties plus facilement en prothèses totales de hanche en cas de complication.

+ Hémiprothèse biarticulée :

L’hémiprothèse biarticulée, bipolaire ou intermédiaire a été introduite afin de tenter de réduire la détérioration du cartilage cotyloïdien rencontrée fréquemment après mise en place de prothèses céphaliques.

Ce type de prothèse comporte une tête de faible diamètre (22, 28 ou 32 mm) reliée à la tige fémorale.

Cette « petite tête » s’articule dans une « grosse tête » dont le diamètre correspond au diamètre interne du cotyle.

L’insertion d’une épaisseur de polyéthylène entre les deux composants permet à une partie des mouvements de se faire à ce niveau et réduit ainsi le frottement entre la tête et le cotyle.

Ceci pourrait prolonger la longévité du cartilage cotyloïdien et éviter les douleurs inguinales dans bon nombre de cas.

Dans la plupart des séries, les résultats fonctionnels d’une prothèse bipolaire sont supérieurs à ceux obtenus après hémiprothèse céphalique.

Toutefois certaines séries à court terme rapportent des résultats comparables chez des patients âgés et peu actifs.

Contrairement aux prothèses céphaliques, les prothèses biarticulées ne présentent que rarement une protrusion cotyloïdienne de plus de 5 mm.

Wetherell et al rapportent quatre cas sur 243 (1,6 %). Un de ces cas était infecté et un autre s’est produit chez un patient atteint de la maladie de Paget du bassin.

Le taux de révision à 5 ans est estimé à 2,5 % pour les hémiprothèses bipolaires et de 12,6 % pour les hémiprothèses céphaliques.

À 9 ans, ce taux passe à 17,5 % pour les hémiprothèses biarticulées.

Les prothèses céphaliques comme les bipolaires ont un taux de survie supérieur chez les patients de plus de 75 ans et les sujets moins actifs.

La conversion d’une hémiprothèse de hanche en prothèse totale donne de bons résultats et peut être envisagée en cas de douleurs inguinales ou usure cotyloïdienne.

+ Prothèse totale :

Chez le sujet encore très actif ou si le cartilage cotyloïdien est de mauvaise qualité, la prothèse totale donne des résultats plus fiables que l’hémiprothèse de hanche.

Une prothèse totale évite généralement les douleurs inguinales rencontrées parfois après hémiprothèse.

En revanche, le taux de luxation est plus élevé (5 % contre 18 % pour Dorr et al et 2,1 % contre 10,7 % pour Lu- Yao et al).

La mortalité liée à la mise en place d’une prothèse totale ou celle d’une hémiprothèse sont comparables.

Toutefois le taux de révision à 1 an et à 4 ans après prothèse totale (4 et 7 %) est inférieur à celui rencontré après hémiarthroplastie (13 %) ou ostéosynthèse (25 %).

+ Voie d’abord et mode de fixation de la tige fémorale :

Deux voies d’abord sont couramment utilisées pour la mise en place d’une prothèse de hanche suite à une fracture du col fémoral : la voie antérolatérale et la voie postérieure.

La voie antérolatérale présente l’avantage de diminuer le nombre de luxations de près de la moitié par rapport à la voie postérieure et de diminuer la mortalité à court terme de 60 %.

L’utilisation de ciment acrylique pour la fixation de la tige d’une prothèse de hanche mise en place pour une fracture du col fémoral chez le sujet âgé est associée à un risque cardiovasculaire estimé à 1 %.

En revanche, le ciment acrylique offre une fixation stable d’emblée avec un meilleur contrôle des douleurs, une meilleure fonction ambulatoire et une meilleure survie prothétique.

2- Schéma thérapeutique :

Le traitement des fractures du col fémoral reste un sujet controversé.

Déjà en 1935, Speed parlait de « fractures non résolues ».

Toutefois, à présent, une approche systématique permet d’édicter des recommandations générales en fonction du type de patient et du type de fracture.

Il est important de distinguer les patients « jeunes » et les patients « âgés » sur la base de leur âge physiologique, de leurs antécédents, de leur espérance de vie ainsi que de leur dépendance fonctionnelle.

De manière arbitraire et à titre d’exemple, nous fixons la limite à 60 ans pour les fractures du col fémoral.

* Patient « jeune » :

Chez le sujet jeune, il faut tout faire pour tenter d’éviter la prothèse de hanche.

Nous proposons donc l’ostéosynthèse par vissage quel que soit le type de fracture.

Afin d’augmenter les chances de réussite nous réalisons cette ostéosynthèse en urgence (de préférence dans les 6 heures).

Lors de l’ostéosynthèse, l’articulation est drainée et la mise en décharge est recommandée pour une période de 3 mois.

Si une nécrose ou une pseudarthrose apparaît, il est toujours possible de réaliser une ostéotomie (généralement de valgisation) ou d’implanter une prothèse de hanche.

Si le cartilage cotyloïdien est de mauvaise qualité, une prothèse totale est mise en place. Si le cartilage cotyloïdien est intact, il est possible d’implanter soit une prothèse totale de hanche (dont les résultats sont plus prédictibles), soit une prothèse biarticulée.

Cette dernière option a l’avantage de ne pas compromettre d’emblée le cotyle et peut toujours être convertie en prothèse totale si des douleurs ou une usure cotyloïdienne apparaissent.

* Patient plus âgé :

Chez le patient plus âgé, deux cas de figure se présentent.

Si la fracture du col fémoral est stable et peu déplacée (Garden I ou II), une ostéosynthèse par vissage percutané est réalisée.

Ce vissage percutané est une intervention mineure qui, si la fracture ne nécessite pas de réduction, peut se faire sous anesthésie locale au cas où l’état du patient ne permet pas un autre type d’anesthésie.

Cette intervention ne se fait pas en urgence, l’articulation n’est pas drainée et la mise en charge est immédiate.

Si une pseudarthrose ou une nécrose apparaît secondairement, il est toujours possible de mettre en place une prothèse de hanche. Si la fracture du col fémoral est instable (Garden III ou IV), notre attitude dépend de la fonction préfracturaire.

Si le patient est grabataire, la mise en place d’une prothèse de hanche ne va pas améliorer son état et présente un taux de complication élevé.

Dans ce cas une ostéosynthèse par vissage percutané à visée antalgique peut être envisagée.

Si en revanche, la fonction préfracturaire du patient est satisfaisante, il est préférable de recourir d’emblée à la mise en place d’une prothèse de hanche.

Ceci autorise une rééducation plus intensive avec mise en appui immédiate et donne le plus de chances au patient de réintégrer son habitat. Dans ce cas nous préférons une prothèse biarticulée, qui donne de bons résultats dans cette population moins active et qui est associée à un taux de complications moins élevé que la prothèse totale.

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