Fractures diaphysaires des deux os de l’avant-bras chez l’adulte (Suite)

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C – FORMES CLINIQUES :

1- Fractures simultanées des deux os :

L’existence de deux foyers de fracture explique la fréquence de l’oedème et les risques de compressions vasculaires ou nerveuses, ou de survenue d’un syndrome de loges.

Contrairement à l’enfant, les fractures sont en règle complètes chez l’adulte, voire à plusieurs fragments.

Exceptionnellement, des cas de déformation plastique chez l’adulte ont été décrits dans la littérature ; il s’agissait d’accidents d’usine en rapport avec des machines rotatives dotées de courroies de transport.

Ce type de lésion, en apparence bénin au niveau osseux, est souvent accompagné d’écrasement des parties molles à l’origine de volumineux oedèmes nécessitant une surveillance.

Le traitement de ces lésions reste difficile, car limité à des manoeuvres externes qui ne réduisent jamais parfaitement les courbures initiales.

2- Fractures isolées de l’ulna et fractures de Monteggia :

Les fractures isolées de l’ulna peuvent être divisées en deux groupes distincts :

Fractures diaphysaires des deux os de l’avant-bras chez l’adulte (Suite)

– un groupe où la tête radiale reste en place ; c’est le domaine des fractures par coup de bâton, parmi lesquelles figurent certains types à risque de non-consolidation : les fractures du tiers moyen (particulièrement celles proches de la jonction avec le tiers distal), les fractures comminutives, les fractures à grand déplacement, pour lesquelles une fixation interne est conseillée ;

– le deuxième groupe se rapporte aux fractures de l’ulna associées à une dislocation de l’articulation radio-ulnaire proximale ou à une fracture de la tête radiale ; ces lésions entrent dans le cadre des fractures de Monteggia. Rappelons que ces fractures sont classées en quatre types.

Ces différents stades répondent à des mécanismes lésionnels très différents :

– le type 1, rencontré chez des sujets plutôt jeunes ou même des enfants, associe donc luxation antérieure de la tête radiale et fracture diaphysaire de l’ulna à angulation antérieure.

Ce type semble toujours faire l’objet de discussions quant au mécanisme lésionnel.

Si historiquement les lésions résultaient d’un choc direct sur le bord ulnaire de l’avant-bras, Evans a évoqué secondairement l’hypothèse d’un traumatisme ou d’une chute sur un avant-bras en hyperpronation, faisant de ce type 1 des lésions par mécanisme indirect ; pour étayer cette hypothèse, cet auteur avançait l’argument de la rareté des traces de contusion ou d’hématome en regard du bord ulnaire de l’avant-bras.

Il semble en fait que les deux mécanismes puissent donner ce type de lésions ;

– le type 2, combinant une fracture diaphysaire à angulation postérieure de l’ulna à une luxation postérieure ou postérolatérale de la tête radiale, affecte plutôt la femme d’âge moyen, et réunit souvent plusieurs lésions : une fracture métaphysoépiphysaire comminutive du tiers proximal de l’ulna isolant un fragment de coronoïde, une luxation-fracture en coin du rebord antérieur de la tête radiale ;

– le type 3, associant fracture métaphysaire de l’ulna et luxation latérale ou antérolatérale de la tête radiale, se rencontre autant chez l’adulte que chez l’enfant, et résulterait classiquement d’un mécanisme combinant angulation et rotation, alors qu’il s’agirait selon Mullick d’un traumatisme en adduction forcée ;

– enfin, plus rare, le type 4 apparaît le plus souvent secondaire à un traumatisme violent et direct de l’avant-bras, expliquant l’association des fractures des deux os à une luxation de la tête radiale.

Ces différents types de fractures sont parfois associés à d’autres lésions : fractures du scaphoïde et du radius distal, dislocation du coude, fractures diaphysaires du radius avec disjonction de la radioulnaire distale, ou enfin paralysies notamment du nerf interosseux postérieur (en rapport avec le déplacement de la tête radiale), mais aussi des nerfs interosseux antérieur, médian et ulnaire.

Indépendamment des types lésionnels, les fractures dites de Monteggia ont une symptomatologie commune associant des douleurs du coude et un blocage de la pronosupination.

Les déformations observées cliniquement restent bien sûr dépendantes du type d’angulation de la fracture et de luxation de la tête radiale (antérieure, postérieure, latéralisée…).

3- Fractures isolées du radius et de Galeazzi :

Les fractures isolées du radius peuvent se répartir en trois groupes, selon qu’elles affectent le tiers proximal, le tiers moyen ou le tiers distal de la diaphyse.

Ces groupes partagent en commun une association lésionnelle possible : la dislocation de l’une des articulations radio-ulnaires.

* Fractures du tiers proximal :

Les fractures isolées du tiers proximal du radius semblent rares et plus volontiers associées à une fracture diaphysaire de l’ulna au même niveau, ou à une dislocation de l’une ou l’autre des radio-ulnaires.

* Fractures des tiers moyen et distal :

En dehors des exceptionnelles fractures isolées médiodiaphysaires et diaphysométaphysaires distales du radius, les fractures du tiers moyen ou du tiers distal sont plus volontiers associées à une dislocation de l’articulation radio-ulnaire distale, mais en gardant tout de même à l’esprit la relative rareté de ces associations lésionnelles qui ne représenteraient que 3 à 7% des fractures de l’avant-bras.

Galeazzi ayant été le premier auteur à avoir publié une série de 18 observations, son nom est resté depuis associé à ce type de lésions.

Le mécanisme initial communément admis est un choc direct dorsoradial sur un avant-bras en pronation forcée, et un poignet en extension.

Ces contraintes seraient même essentielles pour créer une dislocation de la radio-ulnaire distale, dont la première étape est réalisée par la rupture du ligament triangulaire.

Fracture radiale et lésions ligamentaires de la radio-ulnaire distale sont liées entre elles : en effet, inférieur à 5 mm, le raccourcissement du radius n’a aucune conséquence sur la radio-ulnaire ; en revanche, dès qu’il excède 10 mm, membrane interosseuse et ligament triangulaire sont obligatoirement rompus.

L’aspect clinique varie selon la violence du traumatisme initial et l’importance du déplacement lié à la fracture.

Si l’on note parfois des traces de contusion cutanée en cas de choc direct, l’oedème et la douleur périfracturaires demeurent des signes constants.

La saillie de la tête de l’ulna sous la peau laisse augurer une atteinte de la radio-ulnaire distale.

Mudgal et Jupiter ont bien décrit les différentes images radiologiques des fractures de Galeazzi associant à des degrés divers : un raccourcissement du radius par rapport à l’extrémité distale de l’ulna et un diastasis de l’articulation radio-ulnaire distale bien visibles sur l’incidence de face, alors que sont notés sur le profil une fracture oblique courte du radius associée à un déplacement postérieur de l’ulna par rapport au radius.

La fracture de la base de la styloïde ulnaire, visible sur les deux incidences, est toujours le témoin d’une désinsertion du sommet du ligament triangulaire.

Tous ces signes au complet traduisent une dislocation de l’articulation radio-ulnaire distale.

En dehors des complications habituelles vues plus haut, la séquelle majeure propre aux fractures de Galeazzi, posant parfois des problèmes thérapeutiques difficiles, est la persistance de perturbations fonctionnelles de la radio-ulnaire distale, qu’il s’agisse d’instabilité ou de raideurs à l’origine de dysfonctionnements de l’articulation.

4- Fracture-dislocation bipolaire de l’avant-bras :

Décrite initialement par Odena, cette lésion grave secondaire à un traumatisme violent a été également analysée par Jupiter qui la dénommait « diaphyse radiale flottante ».

Il s’agit en réalité de la combinaison d’une fracture de Monteggia à une fracture de Galeazzi.

L’importance des dégâts des parties molles associés à de telles lésions osseuses est à l’origine des 30 % de mauvais résultats à terme.

Traitement :

Les fractures des deux os de l’avant-bras font appel à des méthodes thérapeutiques différentes selon leurs types, leur gravité et leurs associations lésionnelles.

Il est classique d’opposer les traitements non opératoires, dits orthopédiques ou conservateurs des Anglo-Saxons, aux traitements chirurgicaux, ces derniers ayant une place prépondérante dans ce chapitre, du fait de la nécessité d’obtenir une réduction précise, qui est a priori le meilleur garant d’une bonne amplitude de la pronosupination.

A – TRAITEMENT DES FRACTURES RÉCENTES :

1- Traitement des fractures non compliquées des deux os :

* Traitements non chirurgicaux :

Les différents traitements non opératoires ont habituellement, au travers de la littérature, la réputation de n’aboutir qu’à des résultats fonctionnels assez médiocres (à l’exception de rares cas de fractures non déplacées ou stables) ; ils ont même été accusés, par Charnley en 1961 puis par McLaughlin en 1965, d’être pourvoyeurs de plus de 27 % de cals vicieux, de pseudarthroses ou de synostoses.

Ce sont ces travaux qui ont été depuis à l’origine d’une tendance assez généralisée au choix de la fixation interne par plaques vissées, malgré la conception d’une solution fonctionnelle et non opératoire proposée par Sarmiento dans les années 1970.

Toujours largement utilisée chez l’enfant, l’immobilisation plâtrée, au sens strict du terme selon Boehler, c’est-à-dire bloquant les articulations sus- et sous-jacentes jusqu’à consolidation, n’a pratiquement pas d’indication chez l’adulte à l’heure actuelle.

En effet, des fractures diaphysaires non déplacées pourront certes consolider dans de telles conditions, mais le blocage prolongé du coude et du poignet rend plus longue et plus pénible la récupération fonctionnelle à terme.

Par ailleurs, Sarmiento admet lui-même, qu’appliquée aux fractures combinées des deux os, sa méthode ne peut concerner que des fractures très peu déplacées.

Rappelons qu’il immobilise initialement, en moyenne une quinzaine de jours, les foyers fracturaires dans un plâtre traditionnel brachio-antibrachio-palmaire jusqu’à la fonte de l’oedème et la disparition des douleurs ; ce n’est qu’à ce moment qu’une attelle moulée sur un avant-bras en position de supination peut être confectionnée, le coude et le poignet gardant dès lors une certaine liberté de mouvements.

Cette technique demande une surveillance radiologique régulière (un contrôle hebdomadaire durant les quatre premières semaines) qui peut inciter à reprendre une réduction sous anesthésie devant une diminution de l’espace interosseux, une angulation de plus de 10°, ou a fortiori un chevauchement des fragments.

* Traitements chirurgicaux :

Il existe à travers la littérature un consensus sur la nécessité d’une réduction chirurgicale des fractures déplacées ou instables.

Les fractures non compliquées restent du domaine de la fixation interne, la fixation externe n’ayant a priori pas de place dans ce chapitre.

+ Ostéosynthèse par plaques vissées :

Le moyen le plus couramment utilisé est indéniablement l’ostéosynthèse par plaques vissées, prônée par l’AO suisse et nécessitant un abord direct des foyers de fractures ; c’est l’open reduction and internal fixation (ORIF) des Anglo-Saxons.

La technique d’ostéosynthèse par plaques obéit à des règles maintenant connues, et qui pourraient se résumer ainsi : abord a minima et réduction anatomique.

Les plaques actuellement disponibles permettent de limiter l’exposition de l’os et d’éviter des décollements extensifs du périoste.

Le choix des voies d’abord, en règle séparées pour chaque os, doit tenir compte du siège des foyers de fractures et des risques anatomiques encourus, surtout pour les abords du radius.

Ainsi, doit-on vérifier que l’extrémité supérieure d’une plaque, pontant une fracture proximale du radius et atteignant le col ou la tête du radius, ne vienne pas comprimer le nerf interosseux postérieur ; pour des abords plus distaux, penser à contrôler la branche superficielle du nerf radial.

Il ne faut pas hésiter à donner une courbure à une plaque radiale si celle-ci ne s’adapte pas à l’anatomie de l’os, à condition de réaliser ce geste de façon douce et progressive pour éviter l’écrouissage de l’alliage de l’implant.

Il est communément admis d’utiliser des plaques rigides pour membre supérieur, types DCP ou LC-DCP à au moins sept trous de 3,5 mm, et d’avoir au minimum trois vis à corticale de 3,5 mm de part et d’autre du foyer de fracture.

Il est préférable d’éviter les plaques standards pour vis de 4,5 mm (exceptionnellement indiquées pour de gros os), et les plaques tubulaires dont la résistance en torsion est insuffisante.

Parfois indiquée de première intention en cas de vitalité osseuse douteuse, la greffe d’os autologue ne doit jamais déborder l’espace interosseux afin d’éviter le risque de synostose ; pour les mêmes raisons, il est préférable de ne pas laisser en place des vis trop longues.

+ Ostéosynthèses endomédullaires :

Les autres ostéosynthèses internes sont représentées par les implants endomédullaires qui présentent en théorie l’avantage de ne pas ouvrir les sites fracturaires pour leur mise en place ; c’est la philosophie dite du foyer fermé, qui a fait la preuve de son efficacité en traumatologie diaphysaire du membre inférieur.

L’étroitesse des canaux médullaires du radius et de l’ulna a fait utiliser par certains des broches centromédullaires, par analogie aux techniques utilisées avec succès chez l’enfant.

Mais, en raison de canaux tout de même plus larges chez l’adulte, l’ostéosynthèse par broches ne donne pas des résultats aussi constants, du fait d’un contrôle insuffisant de la rotation, et ne peut donc être appliquée que pour des canaux médullaires étroits, tels qu’on peut en rencontrer chez certains adultes jeunes et plus volontiers chez la femme.

Par ailleurs, la nécessité d’avoir recours la plupart du temps à une immobilisation plâtrée complémentaire rend cette méthode plus contraignante pour le patient.

C’est la raison pour laquelle de nombreux auteurs ont proposé des implants centromédullaires plus volumineux que des broches, afin d’obtenir un meilleur contrôle de la rotation des fragments osseux, tout en se passant d’une immobilisation complémentaire.

Parmi les solutions proposées, on peut mentionner des implants de sections angulaires, des implants vissés dans le canal, des systèmes de blocages extracorticaux, ou de verrouillages avec possibilités de mise en compression du foyer de fracture.

Les avantages théoriques de l’enclouage centromédullaire verrouillé à foyer fermé sont indéniables et leurs résultats cliniques satisfaisants.

De Pedro et Taller soulignent les avantages de l’enclouage par rapport à la plaque vissée : technique simple, intervention courte, pertes sanguines limitées, peu de risque d’infection, délais de consolidation plus rapides, ablation de matériel plus simple, et faible taux de complications.

Il faut cependant admettre que la réalisation d’un enclouage à foyer fermé d’un avant-bras demande un matériel approprié, comme pour tout enclouage du membre inférieur.

Ainsi, pour éviter une irradiation peropératoire excessive, il est utile de disposer d’un système stabilisant la réduction des fractures avant et pendant l’intervention, véritable « table orthopédique » adaptée au membre supérieur.

Par ailleurs, il est absolument indispensable d’utiliser des aléseurs souples montés sur guides ; sans ce type de matériel, l’alésage de ces canaux médullaires étroits, entourés d’une corticale épaisse, peut s’avérer d’une réelle difficulté, notamment pour l’ulna.

2- Traitement des fractures isolées de l’ulna et de Monteggia :

Du fait de leur fréquence, le traitement des fractures isolées de l’ulna a fait l’objet de très nombreuses publications.

Toutes les attitudes sont retrouvées dans la littérature.

Ainsi certains auteurs s’abstiennent de traiter les fractures ulnaires isolées peu ou pas déplacées et stables, et prônent même une mobilisation immédiate ou précoce après une très courte période d’immobilisation par manchette plâtrée.

Cette technique offre l’avantage d’être simple, de donner un taux élevé de consolidation (les pseudarthroses seraient même moins fréquentes qu’avec une immobilisation stricte), parfois au prix de cals exubérants limitant les rotations, mais tolérables pour le patient.

Le résultat des traitements par immobilisation plâtrée simple ne semble pas être influencé par les types de plâtres.

Les résultats demeurant comparables, il n’est pas indispensable d’avoir recours à un plâtre brachio-antibrachio-palmaire ; une simple immobilisation par manchette de 8 semaines apparaît suffisante et d’un meilleur confort pour le patient.

Autre conception, la méthode fonctionnelle de Sarmiento trouve ici une de ses meilleures indications.

Il faut classiquement bien mouler l’appareillage le long du bord ulnaire de l’avant-bras, autour de l’épiphyse humérale distale, tout en donnant une forme aplatie d’avant en arrière à l’attelle pour assurer un meilleur contrôle des rotations ; mais paradoxalement, la méthode réalisée avec des attelles préfabriquées semble donner des résultats comparables.

Les fractures distales se prêtent mieux à la méthode que les fractures du tiers proximal, toujours plus longues à consolider en raison du volume des masses musculaires, et justifiant plutôt une ostéosynthèse.

Pour Sarmiento, les indications de sa méthode fonctionnelle se limitent aux fractures diaphysaires isolées et peu déplacées, aux types I et II de Gustilo, aux fractures sans luxation associée de la tête radiale, et aux fractures fermées bilatérales de l’ulna.

Des fractures isolées mais déplacées de l’ulna justifient une solution chirurgicale pour beaucoup d’auteurs.

Si la plaque vissée tient habituellement une place prépondérante sous l’influence de l’AO, Labbe insiste sur le taux de complications de cette méthode pour faire valoir l’intérêt de l’ostéosynthèse endomédullaire par broche qui assure un contrôle satisfaisant de la rotation, tout en gardant les avantages d’une chirurgie à foyer fermé.

De façon unanime, la moindre instabilité, un déplacement important, des lésions étendues, une rupture de la membrane interosseuse, ou l’association à une luxation de la tête radiale, justifient pour tous les auteurs une solution chirurgicale.

En restituant la longueur de l’ulna par la mise en compression du foyer de fracture, soit par plaque, soit par clou verrouillé à compression, l’ostéosynthèse va favoriser la stabilité de l’articulation huméroulnaire en restituant automatiquement la congruence entre la cupule de la tête radiale et le capitulum de l’humérus.

Cette stabilité doit toujours être testée en pronation et en supination, au besoin en s’aidant de l’amplificateur de brillance.

La persistance d’une instabilité conduit à une exploration et à une réparation ligamentaire complémentaire, notamment du ligament annulaire.

3- Traitement des fractures isolées du radius et de Galeazzi :

Les fractures diaphysaires distales du radius nécessitent presque toujours une stabilisation par plaque vissée à foyer ouvert.

Si parfois un embrochage multiple à foyer fermé peut résoudre le problème, l’enclouage n’a pas de place dans ce type de fracture : en effet, le siège souvent distal, pratiquement métaphysaire du foyer de fracture, fait du clou un tuteur inefficace, sans contact avec les corticales, et sans action véritable sur la réduction du foyer.

Il ne faut pas hésiter à ajouter à la réduction anatomique de la fracture radiale, qui entraîne en règle une réduction de la dislocation de la radio-ulnaire distale, une immobilisation plâtrée complémentaire en supination complète pour favoriser une cicatrisation ligamentaire correcte de l’articulation.

La moindre constatation d’une instabilité de cette dernière nécessite au minimum un embrochage ulnoradial temporaire de 3 à 6 semaines, voire pour certains une exploration de l’articulation suivie d’une réparation ligamentaire ou d’une ostéosynthèse par minihauban d’une styloïde ulnaire.

4- Traitement des fractures ouvertes :

Les fractures ouvertes de l’avant-bras posent un problème de stratégie thérapeutique : faut-il traiter toutes les lésions en urgence, ou bien stabiliser le plan osseux, revasculariser et couvrir une perte de substance cutanée, puis traiter secondairement une perte de substance osseuse, tendineuse et/ou nerveuse ?

Au membre supérieur, vu l’importance fonctionnelle de la main, la tendance actuelle est à la reconstruction pluritissulaire en un temps et en urgence, ou en urgence différée dans les 48 premières heures.

L’intervention initiale débute obligatoirement par un parage très soigneux, méthodique, et surtout complet, dont on ne répète jamais assez le caractère primordial. Dans un but de décontamination, les excisions tissulaires sont alternées avec des lavages pulsés avec matériel approprié, jusqu’à obtenir une plaie parfaitement propre, exempte de tout tissu lésé, nécrotique ou douteux.

L’ostéosynthèse des foyers de fracture est un préambule indispensable à tout geste ultérieur, qu’il soit immédiat ou secondaire ; en stabilisant les lésions osseuses, l’ostéosynthèse (parfois intentionnellement raccourcissante) va en effet faciliter les temps suivants.

Si les fixateurs externes monoplans restent souvent utiles pour l’alignement et la stabilisation de lésions ulnaires étendues, l’ostéosynthèse interne par plaques ou même par clous semble actuellement volontiers utilisée, peut-être un peu au détriment du fixateur externe, pourtant longtemps prôné dans le passé, mais quelquefois difficile à poser, et obligeant à résoudre simultanément deux difficultés : tout en étant stable, le montage doit en effet absolument éviter de gêner les gestes de réparation des parties molles.

L’existence d’une perte de substance osseuse peut se résoudre de plusieurs manières, selon les conditions locales. Si celles-ci sont favorables, (pas de contamination majeure, contusion modérée) et la perte de substance modérée, on peut utiliser en urgence une greffe classique corticospongieuse iliaque.

Si les conditions locales restent favorables, mais la perte de substance importante, il est préférable d’avoir recours secondairement à une greffe d’os vascularisé (fibula essentiellement).

Soit enfin les conditions locales sont mauvaises (fracas osseux, contamination majeure…), la reconstruction est alors secondaire, avec, selon l’étendue de la perte de substance, une greffe corticospongieuse iliaque classique, voire une greffe de fibula vascularisée.

En cas d’ischémie, la revascularisation de la main est assurée, soit par suture directe après recoupe économique des berges vasculaires en l’absence de defect tissulaire, soit par pontage dans le cas contraire, des artères radiale et/ou ulnaire.

Peuvent être utilisés un greffon veineux sural inversé sur chaque artère lésée, ou mieux un pontage inversé en Y, dont l’extrémité proximale est branchée sur la plus saine des deux artères, et les extrémités distales sur la radiale et l’ulnaire.

En cas de perte de substance cutanée associée, la réalisation d’un lambeau-pontage permet de traiter dans le même temps les deux pertes de substance, vasculaire et cutanée (lambeau chinois ou lambeau musculaire de grand dorsal).

Si le retour veineux dorsal est compromis, il est possible de l’améliorer grâce à des sutures ou à des pontages d’une ou deux veines superficielles de l’avant-bras en utilisant le même type de greffon.

En fonction de l’étendue du defect laissé après les excisions musculaires, peuvent être discutées une suture ou une réinsertion des masses musculaires saines si l’atteinte est limitée ; dans le cas contraire, si le capital musculaire apparaît suffisant, peut se poser la question d’une réanimation d’emblée, par transferts musculotendineux de l’avant-bras ou par transfert musculaire libre neurotisé de grand dorsal ou de gracile.

Les lésions tendineuses sont traitées, soit par suture directe, soit par suture latérale à un tendon sain voisin, soit par greffe tendineuse ou transfert tendineux de l’avant-bras, dont les modalités restent multiples.

Les lésions nerveuses méritent une attention particulière.

En cas de section franche ou de perte de substance très modérée, un avancement du nerf, grâce à une dissection au large de celui-ci, permet de gagner quelques millimètres et de réaliser ainsi une suture sans tension.

La conduite thérapeutique demeure en revanche difficile devant un nerf étiré, contus avec ecchymose, voire brûlé.

Dans ce type de situation, ou lorsque le devenir du membre semble incertain, il est préférable de reporter la greffe à 45 jours ou 2 mois de l’accident, pour être dans de meilleures conditions.

Mais dans les autres cas et chaque fois que possible, la lésion nerveuse est traitée en urgence par suture ou greffe à partir d’un nerf sural.

La couverture cutanée est le dernier temps primordial de l’intervention.

Si la fermeture cutanée s’avère d’emblée impossible, de nombreuses pertes de substance peuvent néanmoins être traitées par cicatrisation dirigée, suivie éventuellement d’une greffe cutanée, car les deux tiers proximaux de l’avant-bras sont constitués de masses musculaires répondant bien à ce type de traitement.

Mais un lambeau peut être indiqué chaque fois que sont exposés le radius et/ou l’ulna, des structures vasculonerveuses ou des tendons, notamment au tiers distal de l’avant-bras.

Le lambeau peut aussi être proposé de principe chaque fois qu’une chirurgie secondaire nécessitant un plan de glissement (telle une réparation tendineuse), ou un environnement bien vascularisé (telle une greffe nerveuse), doit être entreprise.

Les lambeaux in situ, tels le fléchisseur ulnaire du carpe ou le brachioradial, ne peuvent pas toujours être utilisés, car ces muscles peuvent parfois être eux-mêmes traumatisés ou contus, ce qui augmenterait le risque d’échec.

Ainsi, les lambeaux libres, cutanés ou plutôt musculaires, représentent à l’avant-bras une solution de choix.

En cas de pertes de substance cutanée pure, on peut utiliser volontiers un lambeau de grand dorsal libre, en gardant au tiers proximal de l’avant-bras une place au lambeau musculocutané de grand dorsal pédiculé.

En cas de pertes de substance cutanée et vasculaire, on a recours au lambeau-pontage chinois controlatéral (artère radiale) ou au lambeau de grand dorsal (artère du dentelé antérieur).

Enfin, les pertes de substance cutanée et tendinomusculaire peuvent être recouvertes par un lambeau de grand dorsal ou de gracile neurotisé.

La prise en charge de toutes les lésions tissulaires dans les meilleurs délais est le seul moyen de diminuer le taux de complications immédiates (sepsis, nécrose évolutive…) ou secondaires (raideur, pseudarthrose, synostose…), et donc de séquelles tant à l’avant-bras qu’à la main.

B – TRAITEMENT DES INFECTIONS SECONDAIRES :

L’infection secondaire sur matériel complique toujours le traitement et alourdit souvent le pronostic.

Deux cas de figures sont à distinguer ici : l’infection sur plaque vissée nécessite une réouverture du foyer avec abord de la plaque, suivie d’un parage, de lavages répétés, et d’une antibiothérapie en postopératoire ; à ce stade de l’évolution, le matériel peut être laissé en place.

L’infection sur implant centromédullaire obéit aux mêmes principes, mais le risque de pandiaphysite impose un alésage de tout le canal médullaire ; le geste apparaît certes plus lourd, mais il convient de rappeler que cette complication est beaucoup plus rare que pour les ostéosynthèses à foyer ouvert.

C – TRAITEMENT DES COMPLICATIONS TARDIVES :

1- Traitement des pseudarthroses :

Les pseudarthroses atrophiques justifient une solution chirurgicale, associant classiquement un abord du foyer avec avivement des extrémités, décortication, éventuellement un apport d’os spongieux autologue, et surtout un montage par plaque vissée, qui doit impérativement être stable et ponter à distance la pseudarthrose.

Les pseudarthroses hypertrophiques ne nécessitent qu’un avivement des extrémités et la mise en place d’une plaque autocompressive.

Qu’elles soient atrophiques ou hypertrophiques, les pseudarthroses de l’ulna peuvent être traitées par enclouage (à foyer fermé après traitement conservateur, ou après ablation d’un matériel d’ostéosynthèse préexistant).

Les résultats cliniques obtenus par enclouage avec alésage, et si possible mise en compression du foyer de pseudarthrose, font de la méthode une de ses meilleures indications.

2- Traitement des cals vicieux :

Les cals vicieux les plus graves, et en même temps les plus difficiles à traiter, concernent le radius.

La courbure pronatrice du radius tolère en effet moins de défaut angulaire que l’ulna, surtout au tiers moyen de la diaphyse. L’indication d’une ostéotomie doit être réfléchie et discutée avec le patient.

En effet, la fibrose des parties molles environnantes rend souvent difficile la réalisation d’une ostéotomie correctrice ; pour éviter cet écueil, il est conseillé de proposer l’intervention avant le douzième mois.

Il faut savoir par ailleurs que ce geste n’est pas exempt de complications : retard de consolidation, infection, ossifications hétérotopiques le long de la membrane interosseuse, douleurs, dysesthésies, subluxation des têtes radiale ou ulnaire, raideurs, et instabilité ont été décrits.

3- Traitement des synostoses :

Si la résection chirurgicale de la synostose supprime le pont osseux, elle ne doit pas cependant résumer à elle seule le traitement.

Le risque de récidive étant en effet évalué à 30 %, il est conseillé d’attendre la maturation de la synostose en s’aidant de la scintigraphie osseuse avant d’intervenir, mais en sachant aussi ne pas trop attendre, du fait de la fibrose et de la rétraction évolutives des parties molles, qui finissent par rendre difficile la récupération fonctionnelle à terme.

Une fois le geste osseux réalisé, il est préférable d’interposer dans l’espace interosseux, soit une feuille de Silastict, soit du muscle, ou encore un lambeau graisseux.

L’analogie mentionnée plus haut entre synostoses et ossifications hétérotopiques justifie pour certains des traitements adjuvants (parfois même associés en cas de risque élevé) que sont les antiinflammatoires et la radiothérapie.

Il semble enfin que le meilleur moyen de prévenir la synostose soit d’associer à une fixation interne stable une mobilisation précoce.

4- Traitement des séquelles articulaires :

L’importance des lésions articulaires associées du coude ou du poignet explique la possibilité de survenue de raideurs et de douleurs articulaires, même après traitement a priori correct.

Ces séquelles fonctionnelles sont parfois malheureusement la conséquence de lésions passées inaperçues lors du bilan initial ; c’est rappeler ici l’intérêt de toujours vérifier radiographiquement les interlignes articulaires du coude et du poignet.

Une luxation invétérée de la tête radiale reste généralement très difficile à réduire, malgré une reconstruction du ligament annulaire associée ; la seule solution se résume alors à une résection de la tête radiale.

De la même façon, si une plastie stabilisatrice d’une dislocation ancienne de la radio-ulnaire distale ne parvient pas à redonner une stabilité au poignet, il faut se résoudre à proposer au patient une intervention de Sauvé-Kapandji.

Ces dislocations articulaires tardives ont toujours un mauvais résultat fonctionnel à terme, du fait de la complexité des lésions.

Conclusion :

Au travers de leur polymorphisme clinique, les fractures diaphysaires des deux os de l’avant-bras partagent en commun un pronostic fonctionnel toujours réservé, d’autant plus s’il existe des lésions associées des parties molles périfracturaires, et a fortiori s’il existe des atteintes articulaires à distance.

Ces notions rappellent la nécessité d’un bilan initial clinique et radiologique complet si l’on veut voir diminuer la fréquence de séquelles lourdes.

Plus qu’une limitation isolée de la pronosupination, l’atteinte des articulations adjacentes du coude et du poignet peuvent constituer un handicap majeur et parfois définitif pour le patient…

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