Fistules artérioveineuses durales rachidiennes

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Introduction :

Individualisées par Kendall et Merland dans les années 1980, les fistules durales rachidiennes constituent, au sein des « malformations » artérioveineuses rachimédullaires, le type pathologique le plus fréquent.

L’âge moyen d’apparition des premiers signes à partir de 50 ans permet de supposer qu’il s’agit d’une lésion acquise.

Bien que rares, elles doivent être connues car la précocité de leur traitement est le seul garant d’un bon résultat fonctionnel.

Définition – Physiopathologie :

Fistules artérioveineuses durales rachidiennesLes fistules durales rachidiennes sont constituées d’une communication artérioveineuse (ou shunt) habituellement unique et de faible calibre siégeant dans l’épaisseur de la dure-mère du rachis.

L’artère nourricière est une artère destinée à la vascularisation duremérienne.

Elle n’a donc pas la morphologie d’une artère radiculomédullaire (classique « épingle à cheveux »).

Si la communication est dure-mérienne, le drainage veineux est, lui, intradural ce qui explique qu’il soit visible sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ou la myélographie sous la forme de dilatations vasculaires périmédullaires.

Ce drainage emprunte d’abord une veine radiculaire qui rejoint les veines spinales antérieure ou postérieure.

À l’état normal, ces dernières drainent le sang veineux du parenchyme médullaire et émergent du fourreau dural de façon étagée pour rejoindre les veines épidurales.

Cette sortie épidurale manque toujours dans cette pathologie et les veines spinales artérialisées se drainent sur toute la hauteur du cordon médullaire pour rejoindre, soit vers le haut les veines de la fosse postérieure, soit vers le bas les veines hypogastriques.

La conjonction d’une communication artérioveineuse et d’une résistance au drainage veineux détermine une hyperpression dans les veines spinales et donc une gêne au drainage du parenchyme médullaire normal entraînant des phénomènes oedématoischémiques qui prédominent toujours au niveau du cône.

Cette hyperpression veineuse (finalement responsable des lésions du cône) est indépendante du siège de la fistule, ce qui explique que la clinique soit identique, que le shunt siège au niveau thoracique, lombaire ou sacré.

Clinique :

Le terrain est particulier : la moyenne d’âge est de 60 ans et les fistules durales sont exceptionnelles avant 40 ans.

Ceci supporte l’idée qu’il s’agit d’une lésion acquise. Le sex-ratio est d’environ cinq hommes pour une femme. Les signes de début sont sensitifs : radiculalgies des membres inférieurs bilatérales ou à bascule de trajet mal défini.

L’examen neurologique retrouve un déficit sensitif des membres inférieurs mal systématisé portant sur tous les types de sensibilité.

C’est à ce stade que devrait être porté le diagnostic car l’atteinte fonctionnelle est encore mineure. L’évolution est ensuite progressive sur quelques mois avec apparition d’une paraparésie puis d’une paraplégie, de troubles génitosphinctériens, d’une hypoesthésie globale des membres inférieurs.

Signalons que le délai moyen entre l’apparition des premiers signes et le diagnostic varie de 12 à 27 mois.

Fait important, ces fistules durales ne saignent jamais et, si une dégradation rapide de l’état neurologique est parfois constatée, le mécanisme hémorragique n’est pas en cause.

Signes radiologiques :

A – IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE DORSOLOMBAIRE :

Elle est habituellement le premier examen réalisé.

Elle peut faire suspecter le diagnostic à deux conditions : que l’exploration soit conduite sur une machine 1,5 T ; que sa réalisation et son interprétation ne se limitent pas à la recherche d’une cause compressive.

En effet, les deux signes évocateurs sont parfois discrets :

– des images tubulaires vides de signal, visibles autour du cordon médullaire ;

– un oedème du cône se traduisant, en séquence pondérée en T1, par un élargissement de son calibre et, en séquence pondérée en T2, par un hypersignal étendu sur toute sa hauteur.

Cette séquence doit donc être réalisée devant tout tableau du cône qui n’est pas expliqué par une cause compressive commune.

Si l’examen est réalisé avec injection de produit de contraste, un rehaussement hétérogène du cône est souvent constaté en T1.

Plus récemment, certaines équipes ont pu objectiver la fistule par une technique d’angiographie par résonance magnétique (ARM) médullaire.

B – MYÉLOGRAPHIE :

Elle est parfois réalisée de première intention devant des radiculalgies des membres inférieurs.

Là encore, cet examen peut orienter fortement le diagnostic à condition de ne pas se limiter à l’exploration du fourreau dural lombosacré, à la recherche d’une hernie discale.

Il est nécessaire de faire progresser le produit de contraste en région thoracique afin de retrouver les empreintes vasculaires traduisant l’existence d’une lésion artérioveineuse.

L’étude du liquide céphalorachidien (LCR) prélevé, le cas échéant, lors de cet examen peut retrouver une dissociation albuminocytologique trompeuse.

Des cas d’aggravation brutale de l’état neurologique ayant été rapportés après myélographie, cet examen ne doit pas être réalisé si l’IRM est positive.

C – ARTÉRIOGRAPHIE MÉDULLAIRE :

Elle est indispensable au diagnostic et au bilan préthérapeutique. Réalisée par une équipe entraînée, cet examen est sans danger.

La recherche de la fistule suppose l’opacification de tous les pédicules participant à la vascularisation dure-mérienne sans a priori de niveau puisque, répétons-le, le tableau clinique est indépendant de l’étage de la fistule.

Néanmoins, par ordre de fréquence décroissant, les fistules sont de siège thoracique, lombaire, sacré.

La localisation cervicale est rarissime.

La fistule est reconnue grâce à l’injection de la veine spinale par l’intermédiaire d’un pédicule artériel peu ou pas dilaté qui n’a pas la morphologie d’une artère radiculomédullaire.

La (ou les) veine(s) spinale(s) circule(nt) lentement sur toute la hauteur du cordon médullaire et il n’est pas rare de voir leur abouchement dans un sinus de la base du crâne.

Le bilan angiographique doit être complété par l’opacification de la fistule de profil et la recherche de l’artère spinale antérieure, car ces éléments anatomiques interviennent dans le choix du traitement.

Sur le profil, le siège de la fistule est le plus souvent postérolatéral, rarement antérieur.

L’artère spinale antérieure est le plus souvent grêle et son faible débit n’autorise pas l’opacification normale du retour veineux du cône, ce qui constitue un signe indirect de fistule durale rachidienne.

Forme clinique : fistules durales intracrâniennes à drainage périmédullaire

Les fistules artérioveineuses de la dure-mère intracrânienne ont parfois un drainage descendant vers les veines spinales.

Si celles-ci ont perdu leur sortie épidurale, le shunt artérioveineux induit une hyperpression veineuse médullaire, selon un schéma physiopathologique superposable à celui des fistules durales rachidiennes.

Le tableau clinique est celui d’une myélopathie ascendante progressive, mais la paraparésie initiale évolue vers une tétraparésie si le diagnostic est tardif.

L’IRM en T2 retrouve un hypersignal du cordon médullaire atteignant la partie haute de la moelle cervicale et le bulbe.

L’artériographie médullaire est négative et il faut la compléter par une artériographie cérébrale opacifiant les artères carotides, internes et externes, et les deux artères vertébrales car la fistule peut être alimentée exclusivement par l’une de ces six artères.

Diagnostic différentiel :

A – DEVANT UN SYNDROME RADICULOMÉDULLAIRE :

Le problème est de penser à une fistule durale et de ne pas se contenter du diagnostic de sclérose en plaques ou de canal lombaire étroit (les deux diagnostics le plus souvent à l’origine du retard diagnostique).

B – DEVANT UNE ANOMALIE DE SIGNAL DU CÔNE :

Il faut savoir demander une artériographie médullaire si l’image n’est pas caractéristique de tumeur, afin d’éviter une intervention chirurgicale inadéquate.

C – DEVANT DES DILATATIONS VASCULAIRES INTRADURALES :

Les autres lésions artérioveineuses intracanalaires peuvent être discutées : malformations artérioveineuses intramédullaires ou fistules artérioveineuses périmédullaires. Leur diagnostic est fait par l’artériographie médullaire qui montre la participation d’une ou plusieurs artères spinales à la vascularisation de la lésion.

Traitement :

Le traitement d’une fistule durale rachidienne est toujours indiqué car, du fait de son caractère extramédullaire, l’accès à la fistule est facile et sans risque fonctionnel.

Le traitement peut être chirurgical ou endovasculaire mais, dans les deux cas, il a pour but d’occlure le premier centimètre de la veine de drainage de façon à déconnecter la fistule des veines spinales.

L’intervention chirurgicale est réalisée au travers d’une laminectomie limitée à l’étage fistuleux.

La duremère est incisée et la veine radiculaire efférente à la fistule est coagulée ou « clippée ».

Cette voie d’abord postérieure autorise un accès facile aux fistules de siège postérolatéral, mais pas aux fistules de siège antérieur qui sont donc traitées en première intention par voie endovasculaire.

Le traitement consiste ici à cathétériser l’artère alimentant la fistule puis à l’occlure à l’aide d’une colle cyanoacrylique, seul matériel susceptible d’induire une occlusion durable de la fistule.

La voie endovasculaire peut être proposée de principe devant toute fistule durale, mais elle est formellement contre-indiquée lorsque la fistule naît du même pédicule que l’artère spinale antérieure car cette dernière pourrait être occluse par une migration erratique du matériel d’embolisation.

Nous recommandons, quelques mois après le traitement, la réalisation systématique d’une IRM médullaire à la recherche d’une disparition de l’hypersignal du cône et d’une artériographie afin de s’assurer de la stabilité de l’exclusion de la fistule.

Le pronostic fonctionnel dépend de l’état neurologique avant traitement (c’est-à-dire de la précocité ou du retard au diagnostic) : si une stabilisation des troubles est toujours obtenue, une amélioration n’est constatée que dans la moitié des cas.

Quant au retour à un état normal, il n’est pratiquement jamais obtenu.

Conclusion :

Le pronostic fonctionnel des fistules durales rachidiennes reste sombre, pas tant à cause de difficulté thérapeutique qu’en raison du retard pris pour poser le diagnostic.

Il faut évoquer cette pathologie devant tout syndrome du cône ou de la queue-de-cheval chez un patient de la cinquantaine lorsque l’IRM n’a pas mis en évidence de pathologie compressive.

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