Exacerbations aiguës de BPCO

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Introduction :

Exacerbations aiguës de BPCOLes exacerbations aiguës (EA) de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) ont longtemps été considérées comme inévitables et sans répercussion majeure sur l’histoire naturelle de la maladie. Des données récentes montrent qu’elles ont en fait un impact défavorable sur le pronostic et la qualité de vie des patients. Les EA sont aussi responsables d’une morbi-mortalité importante et de coûts médico-sociaux considérables. Enfin, elles accélèrent le déclin du volume expiratoire maximal en une seconde (VEMS).

La Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF) a précisé en 2003 les termes d’exacerbation et de décompensation : « Une exacerbation est la majoration ou l’apparition d’un ou plusieurs des symptômes de la maladie (toux, expectoration, dyspnée), sans préjuger de la gravité de l’épisode. Une décompensation est une exacerbation engageant le pronostic vital ». En 2005, le ministère de la santé et des solidarités a mis en place, pour 5 ans, un programme d’actions en faveur de la BPCO « Connaître, prévenir et mieux prendre en charge la BPCO ». Les objectifs généraux de ce plan sont de diminuer la fréquence de la BPCO en population générale en 2010, la mortalité évitable ainsi que les hospitalisations par une prise en charge adaptée. Il se décline en 6 axes stratégiques. L’axe 5, consacré à l’amélioration de l’accès aux soins et à la qualité de la prise en charge des malades, contient un chapitre spécifique à la prise en charge des EA de BPCO.

Dans ce contexte, le présent projet a pour objet d’améliorer les connaissances épidémiologiques sur les EA de BPCO. Un travail prospectif « Urgences-BPCO 2003 » a été réalisé en 2003-2004 en France concernant le devenir des EA prises en charge en urgence à l’hôpital. Ses résultats sont en attente de publication. Cette étude ne comportait pas de suivi après la sortie de l’hôpital. Notre travail propose un suivi à distance des EA hospitalisées dans un service de pneumologie en centre hospitalier général (CHG), avec deux volets : un à court terme (3 mois) et un à long terme (3 ans).

À 3 mois, c’est-à-dire après retour à l’état de base, l’étude cherchera à évaluer les caractéristiques des patients et leurs traitements, en particulier les thérapeutiques lourdes comme l’oxygénothérapie et la ventilation non invasive (VNI) à domicile. Un des intérêts de cette étude sera ainsi de lier l’hospitalisation, le suivi à 3 mois et la mise en route des traitements d’assistance respiratoire. Les résultats permettront aussi de déterminer la proportion d’EA inaugurales (faisant découvrir la maladie) et de décrire les caractéristiques de ces patients en comparaison avec ceux dont la BPCO était déjà connue. Enfin, le taux de survie à 3 ans de cette population sera étudié. Parmi les études récentes concernant la mortalité des patients atteints de BPCO après EA, la plupart concernent les patients les plus sévèrement atteints et portent sur de petits effectifs de patients ayant été hospitalisés en réanimation. L’étude de l’équipe de Schols et Wouters aux Pays-Bas est celle qui se rapproche le plus de notre projet. Les auteurs ont étudié à un an le taux de survie de 171 patients hospitalisés pour EA de BPCO, avec ou sans hospitalisation en réanimation.

Le taux de mortalité intra-hospitalière était de 8 %, atteignant 23 % à un an chez les patients n’ayant pas séjourné en réanimation et 35 % pour les patients hospitalisés en réanimation

. Le pronostic à distance des EA de BPCO est donc mauvais et leur gravité est très largement sous-estimée, aussi bien par les médecins que par les patients eux-mêmes.

Ainsi, une étude réalisée en 2004 auprès de médecins urgentistes français a relevé une grande disparité des pratiques de prises en charge des EA de BPCO à l’hôpital. Enfin, une équipe française s’est intéressée au taux de mortalité au cours de la BPCO indépendamment des EA à partir des données obtenues par l’intermédiaire des certificats de décès. En 2000-2002, le taux de décès était de 84 pour 100 000 chez les hommes et de 19 pour 100 000 chez les femmes avec une augmentation de ce taux uniquement pour ces dernières. (+ 1,7 % par an).

Matériels et méthodes :

Il s’agit d’une étude observationnelle d’une cohorte de patients atteints de BPCO et hospitalisés pour un épisode d’EA dans un service de pneumologie d’un CHG. La définition retenue de l’EA est celle de la SPLF : l’EA de BPCO est la majoration ou l’apparition d’un ou plusieurs symptômes de la maladie (toux, expectorations, dyspnée) sans préjuger de la gravité de l’épisode. Une décompensation est une EA susceptible d’engager le pronostic vital.

Objectifs :

L’objectif principal est d’étudier les facteurs prédictifs de mortalité à 3 ans (toutes causes confondues et par maladies respiratoires).

Les objectifs secondaires consistent à étudier les caractéristiques des patients à 3 mois et leurs traitements, en particulier la mise sous oxygénothérapie de longue durée (OLD) et/ou sous VNI ; les facteurs associés à ces deux modalités thérapeutiques seront analysés. Le délai de 3 mois choisi pour revoir les patients est lié à l’obligation de renouveler à cette date la demande de prise en charge pour l’OLD. Cela correspond à une pratique systématique pour les pneumologues. Il s’agira aussi de décrire les caractéristiques de la BPCO antérieurement à l’épisode d’EA et la prise en charge en hospitalisation (thérapeutique, caractéristiques des patients, suivi, etc.).

Investigateurs :

L’étude se déroulera, sur la base du volontariat, dans les services de pneumologie des CHG, le seul promoteur étant le collège des pneumologues des hôpitaux généraux (CPHG).

L’étude bénéficiera ainsi de l’expérience acquise lors de l’étude KBP-2000-CPHG, enquête d’observation portant sur le suivi de tous les cancers bronchiques hospitalisés en CHG au cours de l’année 2000. Une étude de survie à 2 et à 5 ans a eu lieu et les données quant à la survie à 2 ans ont été publiées en 2006. Comme l’a montré cette étude, le choix du recrutement par les hôpitaux généraux permet de garantir une répartition nationale des inclusions et une homogénéité des données. Un appel à candidature a donc été lancé lors de l’assemblée générale du CPHG en janvier 2006. La liste des centres investigateurs potentiels correspond aux 210 services de pneumologie des CHG.

Population étudiée :

Tous les patients successivement hospitalisés pour EA entre le 1er octobre 2006 et le 30 juin 2007 dans le service de pneumologie d’un CHG participant seront inclus, indépendamment de leur mode d’arrivée (urgence, consultation, admission directe, réanimation, autre service) ou de leurs pathologies associées (SAOS, syndrome obésité-hypoventilation, etc.). Sont aussi concernés les patients en décompensation, initialement admis en pneumologie et secondairement transférés en réanimation. Des items spécifiques à la réanimation ont donc été inclus dans le questionnaire (assistance ventilatoire, durée du séjour). De même, les patients déjà appareillés (OLD, VNI) seront aussi inclus afin de ne pas créer de biais d’inclusion a priori. La période d’inclusion pourra être prolongée en fonction du rythme des inclusions.

Pour disposer d’un indicateur de l’exhaustivité de l’inclusion de tous les patients éligibles, il sera demandé à chaque service d’extraire à partir de ses données PMSI le nombre d’exacerbations hospitalisées durant l’hiver 2006 afin de pouvoir le comparer aux inclusions effectuées.

Schéma de l’étude : de l’hospitalisation au bilan à trois mois

L’étude est conduite à partir d’un cahier de recueil comprenant 2 parties, dont la première est à remplir lors de l’hospitalisation et la seconde 3 mois après la sortie de l’hôpital.

La première partie comprend les données d’identification du service, les items sur les caractéristiques sociodémographiques du patient, le tabagisme, l’histoire de la BPCO si celle-ci avait déjà été diagnostiquée antérieurement à l’admission, la description de l’EA à l’admission, en réanimation lorsque l’état du patient le justifiait, durant l’hospitalisation en pneumologie et lors de la sortie.

La seconde partie comporte des items sur les principales caractéristiques de la BPCO à 3 mois de la sortie de l’hôpital (stade de la dyspnée, stade de la BPCO, données fonctionnelles, traitement, recherche d’un nouvel épisode d’EA durant les 3 mois, éventuellement date du décès). L’étude à 3 mois ne portera que sur les patients inclus du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2006.

Ces items ont été choisis de manière à pouvoir calculer le score de BODE décrit par Celli et coll. en 2004.

Ce score est composé de 4 types de données :

• données anthropométriques (indice de masse corporelle [IMC], B pour body) ;

• données fonctionnelles (VEMS, O pour obstruction) ;

• données concernant les symptômes (score de dyspnée évalué par l’échelle du Medical Research Council, D pour dyspnée) ;

• données à l’effort (test de marche de 6 minutes [TDM6], E pour exercice).

Ce score a une meilleure valeur prédictive du risque de décès que le VEMS.

Une phase de tests du questionnaire a été réalisée durant deux semaines en mars 2006 dans les services des membres du conseil scientifique de l’étude. Soixante-dix-neuf patients ont été inclus. Les retours des investigateurs et l’examen des données colligées dans les cahiers de recueil ont conduit à modifier ces derniers et à apprécier la faisabilité de l’étude, en particulier en termes d’effectif prévisible.

Schéma de l’étude à trois ans :

La constitution d’un registre des inclusions dans chaque centre participant est destinée à effectuer l’enquête de survie à 3 ans. Ce registre est constitué d’une fiche par patient.

Il reprend la même méthodologie que celle de l’enquête KBP-2000-CPHG où le taux de perdu de vue a été de moins de 4 % à 5 ans pour plus de 5 000 patients. Le recueil des données se fera au cours de l’hiver 2009, dans chaque centre, en complétant une fiche à tiroirs pour chaque patient :

• en cas de décès, le centre en communiquera la date et la cause ;

• si le centre n’a pas connaissance du décès du patient, il fournira la date du dernier contact (consultation ou autre) ;

• si le délai entre la date à laquelle l’investigateur remplit la fiche d’observation et la date du dernier contact est de moins de 4 mois, le patient sera considéré comme vivant à la date du dernier contact. Aucune recherche complémentaire ne sera effectuée ;

• si ce délai est de plus de 4 mois, des recherches complémentaires seront entreprises. Le centre sera alors chargé de joindre le patient ou sa famille et/ou de communiquer l’état civil complet du patient ;

• en cas d’absence de réponse, sous la responsabilité d’un membre du conseil scientifique, différentes mesures seront entreprises : appel téléphonique aux médecins traitants et aux familles ; courrier aux mairies de naissance pour obtenir le statut vital du patient ; si les étapes précédentes sont infructueuses, un courrier sera adressé à la mairie du domicile du patient pour savoir si le patient est toujours inscrit sur les listes électorales.

Pour les patients nés à l’étranger, il est prévu de s’adresser aux caisses nationales d’assurance vieillesse (CNAV) pour obtenir le statut vital du patient.

Logistique de l’étude :

Elle se déroulera de 2006 à 2007. Il existe en effet des variations saisonnières importantes du nombre de patients atteints de BPCO admis pour EA à l’hôpital, l’hiver étant la saison où les admissions sont les plus fréquentes. De plus, les patients atteints de BPCO ont un risque de décès plus important en cas de température extérieure basse.

Un contact sera pris avec chaque centre investigateur par courrier avec envoi à chacun du protocole et des questionnaires pour accord de participation. Un médecin référent sera chargé du recueil des données dans chaque centre.

Un bulletin de participation est rempli par chaque centre, celui-ci devant s’engager à une tenue précise du registre, à l’exhaustivité du recueil des données, au respect du protocole et au remplissage correct des questionnaires.

Une note d’information sera distribuée à chaque patient pouvant être inclus pour lui présenter l’étude et lui permettre le cas échéant de pouvoir exprimer son refus de communication des données le concernant. Après validation finale du protocole de l’étude par le conseil scientifique, celui-ci sera soumis au Comité consultatif sur le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la Santé et à la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL).

Le rapport final de l’étude sera rédigé par le conseil scientifique sous la direction de l’investigateur principal.

Analyse statistique :

L’analyse de survie univariée s’appuiera sur le test du logrank pour la comparaison des données. L’analyse de survie multivariée utilisera le modèle de régression à risques proportionnels, développé par D.R. Cox. L’hypothèse des risques proportionnels, sous-jacente à une bonne utilisation du modèle, sera testée pour chacune des variables entrant dans le modèle. Les variables seront rentrées dans le modèle en utilisant la procédure du pas ascendant. Les risques relatifs ajustés seront présentés avec leur intervalle de confiance à 95 %.

Sur une hypothèse de 150 centres participants incluant 10 patients par mois, on arrive à un total de 4 500 patients en 3 mois. L’hypothèse de travail concerne une mortalité qui se situe entre 10 % et 20 % durant les 3 années du suivi (hypothèse de 15 % de mortalité). Pour un risque de première espèce à 0,05 (situation bilatérale), une puissance supérieure à 90 %, un risque relatif de 1,5 et une probabilité d’exposition au facteur de risque d’intérêt dans le groupe des patients contrôles supérieure à 15 %, le nombre de sujets nécessaires est de 3 250 patients. Si le taux des patients perdus de vue est au plus de 10%, un minimum de 3 575 patients devra être inclus et suivi.

Réglementation et éthique :

Cette étude observationnelle ne modifie en rien la prise en charge médicale habituelle des patients entrant dans l’étude et elle ne porte pas atteinte à leur intégrité physique ou psychique. Dans ces conditions, elle ne s’inscrit pas dans le champ d’application de la loi n° 88-1138 du 20 décembre 1988, révisée en 2000 et elle n’a donc pas fait l’objet d’une déclaration à un comité de protection des personnes (CPP) dans la recherche biomédicale. Après validation finale du protocole de l’étude par le conseil scientifique, celui-ci a été soumis au comité consultatif sur le traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la Santé (approbation le 3 juillet 2006), puis à la CNIL (approbation le 4 octobre 2006).

Le promoteur de l’étude ne commercialisant pas de produits remboursés par l’assurance maladie, il n’a pas été nécessaire de la soumettre au conseil national de l’ordre des médecins (article L365-1 du code de santé publique).

Cette étude a reçu l’approbation du Comité d’évaluation des protocoles de recherche (CEPR) de la SPLF en janvier 2007.

Résultats attendus :

Plusieurs points ont été discutés lors de l’élaboration du protocole par le conseil scientifique. Les 3 principaux ont été les critères d’inclusion, l’étude à 3 mois et la faisabilité de l’étude à 3 ans.

Concernant les critères d’inclusion, il a été finalement retenu que tous les patients seraient inclus consécutivement, sans exclusion, en particulier pour les patients ayant nécessité une hospitalisation en réanimation. Bien que les critères de décompensation soient parfaitement définis par la SPLF, il existe d’importantes variations de prise en charge d’un établissement à l’autre, suivant les disponibilités locales et l’organisation des services. Les conditions de recrutement des unités de réanimation sont donc variables d’un service à un autre.

Exclure ces patients conduisait à un biais restreignant la population étudiée aux patients les moins sévèrement atteints. Tous les patients atteints d’EA de BPCO seront donc inclus, quel que soit le niveau de gravité de leur maladie. Pour l’étude à 3 mois, son intérêt semble incontestable en l’absence de données sur le suivi de cette population.

Les données concernant la mise en place, les modifications ou le maintien d’une assistance respiratoire à domicile sont fragmentaires et s’intéressent peu aux conditions de mise en oeuvre à la phase aiguë. De plus, le calcul automatique du score de BODE par inclusion des données le composant directement dans le cahier de recueil devrait permettre de mesurer sa pertinence sur une population de patients proches de la pratique quotidienne d’une majorité de pneumologues.

Enfin, sa détermination sera utile pour l’étude du taux de survie à 3 ans, l’étude princeps de Celli et coll. en faisant un indicateur prédictif de décès plus fiable que le simple VEMS. Pour l’étude à 3 ans, le conseil scientifique s’appuiera sur son expérience acquise lors de l’étude KBP-2000-CPHG.

La pérennité de l’investigateur étant assurée pour cette période, cela garantit la réalisation de ce travail, d’autant que les centres participants ont déjà eu à mener ce type d’études.

La charge de travail laissée aux centres sera réduite le plus possible par le recours systématique à un membre référent du conseil scientifique qui pilotera l’étude de survie, notamment en ce qui concerne le retour des données manquantes.

Conclusion :

Cette étude devrait permettre d’améliorer les connaissances sur les caractéristiques des EA de BPCO, leur prise en charge hospitalière et surtout leur devenir à court et long terme et les facteurs pronostiques correspondants. Ces résultats pourront être utilisés pour standardiser la prise en charge de la BPCO, lors des exacerbations et au long cours.

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