Échographie endobronchique et ganglions TEP positifs dans le cancer broncho-pulmonaire

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Introduction :

Le cancer broncho-pulmonaire est la première cause de décès par cancer avec une survie globale à 5 ans qui ne dépasse pas 15 %. Le meilleur espoir de guérison concerne les patients qui présentent une tumeur résécable mais même dans ce cas, la survie à 5 ans n’est que de l’ordre de 40 à 50 %.

Échographie endobronchique et ganglions TEP positifs dans le cancer broncho-pulmonaireUn bilan correct préopératoire est indispensable pour déterminer l’approche thérapeutique la plus adaptée et pour éviter des thoracotomies inutiles. En particulier, les malades qui présentent une atteinte médiastinale N2 sont de piètres candidats à une chirurgie première dans la mesure où la survie à 5 ans dans ces conditions n’atteint, selon les séries, que 11 à 30 % environ.

La tomodensitométrie thoracique demeure la technique d’imagerie la plus utilisée pour l’évaluation des ganglions du médiastin mais sa sensibilité et spécificité, sur la base d’un petit diamètre ganglionnaire au-delà d’un centimètre, ne sont que de 0,57 et 0,82, respectivement. Récemment, la tomographie en émission de positons (TEP) s’est montrée plus exacte que la tomodensitométrie thoracique dans l’évaluation des ganglions du médiastin. Dans de nombreux pays, elle est devenue un complément de la tomodensitométrie dans le bilan par imagerie des ganglions médiastinaux et elle est recommandée pour cette raison dans l’évaluation du patient candidat à une résection chirurgicale.

La TEP a une sensibilité de l’ordre de 0,85, une spécificité de 0,88, une valeur prédictive positive de 0,78, et prédictive négative de 0,93. Sur cette base, une exploration invasive du médiastin ne semble pas nécessaire lorsque la TEP est normale, mais à l’inverse un résultat ganglionnaire positif requiert une confirmation.

Le test étalon de l’exploration invasive du médiastin est la médiastinoscopie qui comporte toutefois une morbidité de 0,5 à 2,5 % et même une mortalité de 0,2 % et nécessite une anesthésie générale. La ponction transbronchique à l’aiguille a été développée il y a plus de 50 ans, et permet d’éviter certains inconvénients de la médiastinoscopie mais elle reste très peu utilisée notamment parce qu’elle est réalisée sans guidage par l’imagerie. Dans une étude récente, Herth et coll. ont montré qu’un repérage préalable des ganglions par échographie endobronchique à l’aide de minisondes améliorait le rendement de la ponction. Nous avons récemment utilisé cette stratégie dans l’exploration de ganglions TEP positifs et montré que le rendement diagnostique excédait 90 % en cas d’envahissement ganglionnaire néoplasique.

Nous avons émis l’hypothèse que nos résultats seraient meilleurs encore avec l’introduction récente de l’échographie endobronchique linéaire qui permet une ponction avec contrôle par imagerie en temps réel et nous avons inclus dans cette étude tous les patients adressés pour l’évaluation de ganglions médiastinaux (hilaires) TEP positifs dans le cadre d’une suspicion ou d’un cancer broncho-pulmonaire confirmé.

Matériel et méthodes :

Tous les patients avec des ganglions TEP positifs dans le cadre d’une suspicion de cancer broncho-pulmonaire ou de cancer broncho-pulmonaire confirmé, adressés à notre unité d’échographie endobronchique, ont été inclus prospectivement.

Neuf d’entre-eux (45 %) étaient référés par d’autres institutions. Tous ont bénéficié d’une exploration endoscopique à l’aide d’un écho-endoscope linéaire pour localisation et mesure des ganglions suivie de ponction à l’aiguille sous contrôle échographique. Sur le plan des chaînes ganglionnaires explorables, comme la médiastinoscopie, d’explorer les stations ganglionnaires souscarénaires (niveau 7), paratrachéales gauche et droite (niveaux 2R et 2L), trachéobronchiques gauche et droite (niveaux 4R et 4L) dont l’envahissement signe un stade N2. La médiastinoscopie permet encore l’exploration des ganglions hilaires hauts (niveaux 10R et 10L) alors que la ponction transbronchique échoguidée, outre la station 10, peut aborder des ganglions plus distalement encore dans l’arbre bronchique (niveau 11, interlobaire et même 12, lobaire).

Les résultats cytologiques et histologiques ont été récoltés prospectivement. Les patients avaient deux types de présentation clinique. Dans le premier groupe (bilan), le diagnostic de cancer broncho-pulmonaire était confirmé et la TEP était suggestive d’une atteinte ganglionnaire médiastinale de type N2-N3. Dans le second groupe (diagnostic et bilan), la bronchoscopie initiale n’avait pas permis de confirmer le diagnostic de cancer et la ponction echo-guidé de ganglions TEP positifs (éventuellement même en localisation N1) devait confirmer le diagnostic tout en précisant le stade ganglionnaire.

L’échographie endobronchique a été réalisée avec un écho-endoscope linéaire avec canal à ponction et aiguille dédiée (Olympus Exera et BF-UCT160, Olympus, Tokyo, Japan) alors que les patients étaient confortablement assis dans un siège incliné à 30 °. De l’oxygène (2 l/min.) était administré au moyen de lunettes nasales, et la saturation transcutanée de l’hémoglobine mesurée (Ohmeda Biox 3740 ; Louisville, CO) pendant toute la durée de l’examen.

L’anesthésie des voies aériennes a été réalisée comme décrit préalablement et couplée à une sédation légère obtenue par du midazolam intraveineux. L’examen était réalisé sur base ambulatoire.

L’extrémité du bronchoscope où siège le capteur ultrasonique a été appliquée sur la paroi bronchique pour repérer les ganglions en gonflant légèrement le ballon qui siège à l’extrémité avec du sérum physiologique pour obtenir une image de la meilleure qualité possible. Les ponctions ont ensuite été réalisées dans les ganglions TEP positifs en contrôlant la position de l’aiguille par l’imagerie, en commençant par les ganglions potentiellement envahis de stade le plus élevé (N3 avant N2 avant N1). Lorsque seuls des ganglions de localisation N1 montraient une hypercaptation à la TEP, les ganglions de localisation N2 visualisés en échographie ont également été ponctionnés. Les prélèvements cytologiques ou tissulaires étaient ensuite envoyés au laboratoire et aucune évaluation rapide sur site n’a été utilisée.

La ponction était considérée comme contributive si l’analyse cyto-histologique confirmait une atteinte néoplasique.

Dans l’hypothèse où les prélèvements étaient non contributifs, une exploration chirurgicale (médiastinoscopie ou thoracotomie avec résection et curage ganglionnaire) était requise et les sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive et négative de l’échographie endobronchique linéaire avec ponction ont ensuite été calculées.

Les résultats sont présentés sous la forme de leurs moyennes et de la déviation standard. Les deux groupes de patients n’ont pas été comparés par des tests statistiques en raison du petit nombre des échantillons.

Résultats :

Entre décembre 2004 et septembre 2005, 20 patients avec ganglions médiastinaux (hilaires) TEP positifs ont été référés pour échographie endobronchique linéaire avec ponction transbronchique. L’endoscopiste disposait toujours des images de la tomodensitométrie thoracique et de la TEP mais pas toujours des données quantitatives (taille des ganglions en tomodensitométrie, standardized uptake value (SUV) des ganglions à la TEP).

L’examen réalisé sous anesthésie locale avec une sédation légère a été bien supporté par les patients, à l’exception de l’un d’entre eux qui présentait une toux répétée pendant l’endoscopie et d’un autre qui souffrait d’hypersalivation à l’origine d’un encombrement trachéal nécessitant des aspirations répétées. Les prélèvements programmés ont néanmoins pu être réalisés chez les 20 patients.

L’échographie a toujours permis de localiser et de mesurer les ganglions dans les aires suspectes à la TEP. La durée de l’exploration échographique et des ponctions était de l’ordre de 30 minutes.

Au total, 95 ponctions ganglionnaires (nombre moyen par patient : 4,8 ± 1,2) ont été réalisées dans 36 aires ganglionnaires différentes. Les aires ganglionnaires les plus fréquemment explorées étaient les aires 7 (36,1 %, 13 patients), 4L (27,8 %, 10 patients), suivie de 4R (22,2 %, 8 patients), 11R (11,1 %, 4 patients) et 11L (2,8 %, 1 patient). La ponction a toujours ramené un matériel analysable et à l’exception d’une observation seulement (cas n° 3), dans tous les cas où l’examen était non contributif (n = 8), l’examen cytologique montrait des lymphocytes, élément témoin d’un ciblage ganglionnaire.

Dans 12 cas, la confirmation d’un envahissement néoplasique ganglionnaire a été obtenue et dans les 8 observations où les prélèvements étaient non contributifs, l’absence d’envahissement néoplasique a été confirmée par l’exploration invasive chirurgicale.

Dans une des deux observations où la TEP n’était suspecte qu’au niveau hilaire (patients 2 et 16), la ponction des ganglions médiastinaux confirmait un stade N2. Dans cette série préliminaire, la sensibilité, spécificité et valeur prédictive négative de la ponction ganglionnaire à l’aiguille transbronchique sous contrôle échographique étaient toutes de 100 %.

Cette technique permettait en outre d’éviter de recourir à une procédure invasive chirurgicale d’exploration du médiastin dans 60 % des cas (12 cas sur 20).

Discussion :

Cette étude montre que l’échographie endobronchique linéaire couplée à la ponction transbronchique guidée en temps réel est une technique sûre et efficace pour évaluer les patients atteints de cancer broncho-pulmonaire présentant à la TEP des ganglions suspects dans le médiastin. Cette technique peut effectivement être réalisée sous anesthésie locale, sur une base réellement ambulatoire, sans aucune complication et avec d’excellents résultats.

Elle devrait être considérée comme une technique primaire d’évaluation des ganglions du médiastin et devrait permettre d’éviter un grand nombre d’explorations chirurgicales du médiastin. En cas de résultat négatif, une exploration chirurgicale est toujours recommandée, même si la valeur prédictive négative, dans notre série limitée, était de 100 %.

Limites de l’étude :

Les procédures diagnostiques et le bilan initial ont été réalisés dans un grand nombre d’institutions différentes, utilisant des appareillages TEP et tomodensitométrie thoracique différents de sorte qu’un certain nombre d’informations secondaires (taille des ganglions au CT scan, SUV de la TEP) manquaient lors de l’examen. Il faut néanmoins signaler qu’il est impossible, pour des raisons d’absence de standardisation, de comparer les valeurs de SUV de deux appareillages TEP différents.

Par contre, l’endoscopiste disposait systématiquement des clichés de tomodensitométrie thoracique et de TEP et l’inclusion prospective de tous les patients référés, de même que l’origine multicentrique de ces malades, garantissent l’absence de sélection de la population. Enfin, le nombre élevé de TEP considérées comme positives alors que les ganglions étaient exempts d’entreprise tumorale (8/20 ; 40 %) suggère que la généralisation de l’usage de la TEP en Belgique et l’augmentation du nombre de centres pourraient s’accompagner d’une baisse de la valeur prédictive positive.

La ponction transbronchique à l’aiguille pour l’exploration des ganglions a été popularisée par les travaux de Wang et coll. mais elle demeure largement sous-utilisée, en dépit de l’absence de morbidité, principalement en raison des difficultés d’apprentissage. Ces facteurs expliquent la grande variabilité de rendement diagnostique rapportée dans la littérature. Jusqu’il y a peu, cet examen était réalisé sans guidage et pour compenser cet inconvénient, une répétition des ponctions jusqu’à un nombre total de sept ou le recours à un examen cytologique sur place ont été proposés.

Le progrès majeur récent vient de l’introduction de l’échographie endobronchique. Herth et coll. ont ainsi montré dans une étude randomisée que la localisation préalable d’adénomégalies médiastinales par échographie à l’aide de mini-sondes améliore le rendement des ponctions transbronchiques.

En appliquant cette technique de localisation échographique par mini-sondes préalablement à la ponction de ganglions TEP positifs, nous avons montré que le rendement diagnostique, en cas d’entreprise néoplasique des ganglions dépassait 90 %.

L’introduction de l’échographie endobronchique linéaire avec ponction guidée en temps réel constitue un nouveau progrès. Dans la mesure où elle permet d’avoir la certitude que l’aiguille de ponction est bien localisée dans le ganglion, elle autorisera probablement une diminution du nombre de ponctions nécessaires pour atteindre le diagnostic.

Dans notre étude préliminaire, la sensibilité, la spécificité et la valeur prédictive négative de l’examen étaient de 100 %.

Nous pensons que ces excellents résultats sont bien entendu liés au fait que les ponctions étaient guidées en temps réel et répétées (4,8 en moyenne dans notre étude) mais aussi à l’introduction de la TEP qui a permis une sélection optimale des ganglions à ponctionner. Une évaluation préalable des ganglions par la TEP puis une sélection des ganglions positifs pour exploration échographique oesophagienne avec ponction à l’aiguille fine a également été rapportée dans la littérature avec, ici également, d’excellents résultats.

Il faut également noter que lorsque les ganglions à explorer sur la base de la TEP sont uniquement hilaires (deux patients dans notre étude, évalués à visée de diagnostic), il semble intéressant de pratiquer, au cours de la même séance, des prélèvements au niveau des ganglions médiastinaux puisque cette stratégie a montré, chez un patient, un stade N2 inattendu débouchant sur une modification de l’attitude thérapeutique.

Dans notre étude, l’échographie endobronchique linéaire a permis de supprimer 60 % des procédures chirurgicales de diagnostic et/ou de staging.

Ces résultats sont comparables à ceux que nous avons rapportés dans notre série préalable lorsque nous utilisions uniquement les mini-sondes échographiques ou à ceux d’une série récente utilisant l’échoendoscopie oesophagienne dans laquelle les auteurs rapportaient une réduction de 40 % des coûts de bilan, principalement liée à la diminution des procédures chirurgicales et des hospitalisations. Cette approche pourrait également être intéressante dans le contexte du traitement multimodal.

Si un stade N2 est confirmé par l’écho-endoscopie initiale avec ponction, la réévaluation après induction qui est d’une importance considérable pour évaluer le facteur pronostique qu’est la réponse complète des ganglions au traitement , pourrait être faite par médiastinoscopie sans les limitations que connaît cet examen lorsqu’il suit une médiastinoscopie préalable.

Conclusion :

L’échographie endobronchique linéaire avec ponction en temps réel des ganglions médiastinaux (hilaires) doit être considérée comme une technique primaire d’exploration des ganglions du médiastin, en particulier lorsqu’ils sont sélectionnés sur la base d’une TEP positive.

Dans ce cas de figure, cette procédure peut certainement conduire à une diminution importante des explorations chirurgicales du médiastin. La médiastinoscopie demeure toutefois indiquée en cas de résultat négatif.

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