Diurétiques

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Principes :

Les diurétiques sont des agents pharmacologiques qui ont pour but d’augmenter l’excrétion rénale de sodium et d’eau.

A – Mode d’action des différents diurétiques :

Il existe trois types principaux de diurétiques : les thiazidiques, les diurétiques de l’anse et les épargneurs de potassium dont le site d’action se place différemment au niveau du néphron.

1- Devenir du sodium après la filtration glomérulaire :

DiurétiquesPrès de 99 % du sodium filtré est réabsorbé.

Au niveau du tube contourné proximal, les deux tiers du sodium du filtrat glomérulaire sont réabsorbés, mais les diurétiques ont peu d’action.

Par ailleurs, la déplétion chronique met en route des mécanismes d’adaptation qui favorisent la réabsorption hydrosodée proximale, ce qui limite l’effet natriurétique.

L’anse de Henlé réabsorbe ensuite 25 % du sodium filtré.

La régulation fine du bilan sodé a lieu au niveau du tube contourné distal, sous l’action de l’aldostérone.

2- Mécanisme d’action des diurétiques de l’anse :

Au niveau de l’anse de Henlé se situe l’action des diurétiques de l’anse (furosémide, acide étacrynique, bumétanide) qui inhibent le transport actif du chlore dans la branche ascendante, empêchant ainsi la réabsorption du sodium et d’autres ions.

Leur action est rapide et puissante, et indépendante de la fonction rénale.

3- Mécanismes d’action des diurétiques thiazidiques :

Entre la branche ascendante de Henle et le segment de dilution distal se situe l’action des thiazidiques : ils n’ont pas d’action sur la concentration urinaire proximale mais inhibent la réabsorption du NaCl, au niveau du tube contourné distal.

L’augmentation de la natriurèse s’accompagne d’une augmentation proportionnelle de la chlorurie et de la kaliurèse.

Les diurétiques thiazidiques ont une courbe doseréponse plate qui les rend inefficaces dans l’insuffisance rénale.

4- Mécanisme d’action des diurétiques épargneurs de potassium :

L’action des épargneurs de potassium se fait au niveau du tube contourné distal ; ils diminuent l’excrétion de K+ et de H+ et augmentent la fraction de Na excrétée d’environ 2 %.

L’amiloride et le triamtérène agissent indépendamment de l’aldostérone et diminuent la perméabilité au sodium luminal.

Quant à la spironolactone, elle se lie spécifiquement aux récepteurs de l’aldostérone en favorisant une natriurèse et la conservation plasmatique du K+.

Son efficacité diurétique est surtout intéressante dans les hyperaldostéronismes primaires et secondaires.

B – Conséquences de l’administration des diurétiques :

1- Effets hémodynamiques généraux :

Les diurétiques provoquent une natriurèse, entraînant une contraction du volume plasmatique et extracellulaire, une diminution initiale du débit cardiaque et une baisse de la pression artérielle.

On observe ensuite un retour vers les valeurs initiales du volume plasmatique et du débit cardiaque et l’apparition d’une diminution des résistances périphériques.

Le degré de la baisse tensionnelle obtenue est pour les thiazidiques d’une moyenne de 15 mmHg pour la systolique et 10 mmHg pour la diastolique (20 à 40 % des hypertensions artérielles peuvent être traitées par les diurétiques seuls).

2- Action hémodynamique intrarénale :

On observe une diminution du flux sanguin rénal et de la filtration glomérulaire sous thiazidiques, probablement en rapport avec la contraction du secteur extracellulaire.

En revanche, le furosémide, en administration aiguë, unique, augmente le flux sanguin rénal et la filtration glomérulaire.

Dans les traitements chroniques, on observe un retour vers les valeurs initiales lorsque le volume intravasculaire redevient lui-même normal.

La diminution de la filtration glomérulaire peut être due à un mécanisme de rétrocontrôle intrarénal par lequel la charge de solutés du tube contourné distal influence la filtration glomérulaire.

Cette diminution du flux sanguin rénal est associée à une augmentation très modérée mais persistante et significative des taux d’urée et de créatinine malgré un retour à la normale des valeurs du volume plasmatique et du débit cardiaque.

Les prostaglandines vasculaires et rénales ont été partiellement impliquées dans l’effet salidiurétique des diurétiques.

La diminution de la charge sodée dans les parois artérielles est responsable d’une moindre efficacité du tonus sympathique vasoconstricteur et de l’angiotensine II.

Par ailleurs, la diminution de la turgescence des cellules vasculaires permet une augmentation du diamètre interne des vaisseaux.

3- Action sur le système rénine-angiotensine :

Tous les diurétiques stimulent le système rénine-adolstérone.

Ils augmentent l’activité rénine plasmatique, les angiotensines I, II et III et l’adostérone ; par contraction des liquides extracellulaires, par diminution de la pression de perfusion intrarénale, par réponse sympathique à la stimulation des barorécepteurs rénaux, et par diminution de la concentration en Na au niveau de la macula densa.

Une stimulation excessive du système rénine-angiotensine peut limiter l’efficacité des diurétiques.

4- Les autres propriétés des diurétiques :

Les thiazidiques font baisser la calciurie et augmentent la calcémie.

Ils sont utiles dans le traitement de fond de la lithiase calcique récidivante idiopathique.

Les diurétiques de l’anse peuvent à l’inverse augmenter l’élimination calcique et le furosémide s’est montré efficace dans le traitement des hypercalcémies aiguës.

Les principaux diurétiques, leur mode d’action.

Règles d’utilisation des diurétiques :

Le maniement des diurétiques est simple si l’on connaît les règles de leur utilisation.

A – Connaître les effets secondaires et les complications du traitement diurétique :

Les principaux effets indésirables des diurétiques sont liés à leur mécanisme d’action.

Ils peuvent donc être anticipés. Ils peuvent être expliqués au patient.

Leur anticipation et l’éducation du patient reposent sur des éléments simples.

1- Les accidents hydroélectrolytiques :

Ce sont les plus fréquents, car tous les diurétiques entraînant une déperdition sodée et hydrique peuvent provoquer une déshydratation ou une hyponatrémie.

Les diurétiques thiazidiques et de l’anse entraînent une déperdition chlorée responsable d’une alcalose hypokaliémique.

Enfin les diurétiques épargneurs de potassium peuvent provoquer des accidents d’hyperkaliémie, essentiellement en cas d’insuffisance rénale.

  • L’hypokaliémie : elle est fréquente, mais le plus souvent modérée et sans conséquences cliniques.

Sa recherche implique un dosage de potassium plasmatique avant tout traitement, puis au bout de 15 jours à un mois de traitement, puis annuellement.

Si la kaliémie est inférieure à 3,5 mEq/L, une compensation s’impose, en particulier chez les sujets coronariens, ayant présenté un trouble du rythme ou traités par les digitaliques.

La compensation peut se faire soit en augmentant les apports alimentaires de potassium (fruits, légumes), soit grâce à une supplémentation potassique (comprimés de potassium), soit surtout par l’adjonction d’un diurétique épargnant le potassium.

  • La déshydratation et l’hyponatrémie : la majorité des patients sous traitement diurétique au long cours conserve une natrémie normale.

Cependant, l’hyponatrémie n’est pas rare et peut être grave, accompagnée de manifestations neurologiques, lorsqu’elle est sévère (< 125 mEq/L).

Elle est le plus souvent liée à l’utilisation abusive de diurétiques thiazidiques chez des sujets âgés, ayant une prise de boissons trop importante, en régime désodé, et (ou) une autre cause d’hyponatrémie associée (insuffisance cardiaque, cirrhose, hypothyroïdie).

Enfin, elle peut être favorisée par la diarrhée, un syndrome infectieux et les fortes chaleurs.

On peut être préventif, avec l’utilisation de faibles doses de thiazidiques chez le sujet âgé, l’abstention des thiazidiques en cas d’antécédent d’hyponatrémie et la surveillance clinique et biologique régulière des sujets âgés sous diurétiques.

En cas d’hyponatrémie sévère, le diurétique doit être interrompu et une restriction hydrique peut être nécessaire en cas d’hyperhydratation intracellulaire (hyponatrémie de dilution).

  • Les accidents d’hyperkaliémie sont les plus dangereux et se voient lors des traitements par les diurétiques distaux.

Trois facteurs augmentent leur fréquence et doivent inciter à la prudence : l’insuffisance rénale, la néphropathie diabétique (possible tendance à l’hypokaliémie spontanée, liée à l’hyporéninisme-hypoaldostéronisme) et l’administration simultanée d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion, et d’un diurétique distal et (ou) de potassium, qui doit être proscrite.

2- Effets métaboliques :

– L’effet hyperglycémiant des diurétiques est dose-dépendant. Il est minime si l’on utilise des doses faibles.

– De même, l’augmentation du taux des triglycérides et du cholestérol est à négliger, compte tenu du bénéfice potentiel du traitement diurétique.

– L’uricémie : toute thérapeutique diurétique s’accompagne d’une élévation de l’uricémie liée à la déplétion sodée.

L’hyperuricémie au long cours des traitements diurétiques n’expose que rarement aux crises de goutte (2 % de la population traitée), mais n’est pas un facteur de risque vasculaire potentiel.

S’y associe une élévation modérée de la créatininémie, qui ne témoigne pas d’une insuffisance rénale organique, mais d’une insuffisance rénale fonctionnelle qui doit être respectée.

3- Autres effets secondaires :

Rappelons que la tolérance générale des diurétiques est en règle excellente si les doses prescrites sont faibles. L’on connaît cependant des accidents allergiques cutanés sous thiazidiques ; une gynécomastie chez l’homme, des troubles menstruels chez la femme sous spironolactone ; des troubles digestifs et cutanés sous amiloride et triamtérène.

Enfin, les diurétiques diminuent la clairance rénale du lithium et doivent être évités chez les patients traités au long cours par le lithium.

4- L’échec du traitement :

Il doit faire rechercher une inobservance du traitement, du régime désodé, et également une interaction médicamenteuse (anti-inflammatoires non stéroïdiens).

B – Connaître les règles de prescription :

La prescription des diurétiques tient compte de certaines règles de prescription : un bilan préthérapeutique soigneux recherche les contre-indications relatives (adénome prostatique, antécédent d’hyponatrémie chez un sujet âgé sensible, éruption cutanée sous sulfamide), une pathologie associée pouvant favoriser les troubles hydroélectrolytiques (diarrhée,vomissements).

Le bilan biologique initial comprend un dosage de la créatinine, de la kaliémie, de l’uricémie et de la glycémie à jeun.

La posologie minimale efficace est prescrite ; le patient doit être averti de la nature et des effets du traitement et sa coopération permet de faciliter la surveillance (en particulier surveillance du poids régulière).

Le bilan biologique est à recontrôler un mois après le début du traitement, puis tous les six mois à un an.

L’observance d’un régime sans sel modéré ou strict dépend de l’indication thérapeutique : dans l’hypertension artérielle (HTA), un régime modérément salé sera conseillé.

Dès lors qu’une insuffisance rénale est présente, et que l’utilisation de fortes doses de diurétiques est nécessaire, l’observance du régime sans sel sera indispensable ; de même, dans l’insuffisance cardiaque où le respect du régime sera la condition nécessaire de l’efficacité du traitement. La non-observance du régime désodé est un paramètre de l’échec du traitement.

Les paramètres cliniques simples d’une part, tels que l’évolution des symptômes, de la courbe de poids et la présence d’oedèmes des membres inférieurs, la surveillance des paramètres biologiques d’autre part (hyperuricémie, élévation des protides totaux et de l’hématocrite, insuffisance rénale fonctionnelle, natriurèse sur urines des 24 heures) permettront d’évaluer l’observance et par là même l’efficacité du traitement.

En milieu hospitalier, les diurétiques doivent être interrompus 24 ou 48 heures avant un examen comportant une injection de produit iodé (scanner, coronarographie, etc.).

Dans ce cas, l’administration temporaire de bicarbonates peut éviter la précipitation d’une insuffisance rénale fonctionnelle vers l’insuffisance rénale organique.

C – Connaître les indications thérapeutiques :

Les diurétiques sont largement utilisés dans l’hypertension artérielle et l’insuffisance cardiaque, dans les conditions aiguës et chroniques.

1- Dans l’hypertension artérielle :

Les diurétiques sont employés depuis plusieurs décennies.

Ils sont efficaces en monothérapie et dans toutes les associations à d’autres antihypertenseurs.

Ils peuvent être prescrits en première intention ou en deuxième intention.

  • On emploie en priorité des doses faibles de thiazidiques, compte tenu de la gêne mictionnelle induite par les diurétiques de l’anse, les plus rapidement actifs, de 12,5 à 25 mg/jour, éventuellement en association à un épargneur du potassium (amiloride ou triamtérène).

L’efficacité complète du traitement n’est mesurable qu’après plusieurs semaines de traitement.

La spironolactone n’est pas employée avant la ménopause, en raison de possibles troubles des règles.

Chez l’homme elle est évitée en raison des troubles hormonaux dose-dépendants qu’elle induit : tension mammaire, gynécomastie et troubles de l’érection.

Les thiazidiques ne peuvent pas être employés en cas d’insuffisance rénale, car ils deviennent inefficaces.

On a alors recours aux diurétiques de l’anse.

  • Les diurétiques de l’anse sont utiles en cas d’insuffisance rénale et lorsqu’une déplétion importante est requise pour le traitement des formes sévères d’HTA.

En l’absence d’insuffisance rénale, on peut leur associer des épargneurs du potassium.

Les diurétiques peuvent être associés entre eux ; ils peuvent également être associés à d’autres antihypertenseurs, en cas d’inefficacité d’une monothérapie.

Toutes les autres classes thérapeutiques peuvent être associées, mais l’accent a été mis sur la potentialisation de l’effet des b-bloquants, et surtout des inhibiteurs de l’enzyme de conversion et des antagonistes de l’angiotensine II.

  • Cas particuliers :

– Insuffisance rénale accompagnant l’HTA: les diurétiques sont le plus souvent indispensables dès lors que la fonction rénale est altérée.

On fait alors appel aux diurétiques de l’anse, dont les doses peuvent être accrues en fonction du degré de l’insuffisance rénale, et en évitant les thiazidiques et les épargneurs de potassium.

– Hyperaldostéronisme primaire : la spironolactone est particulièrement indiquée dans les rares cas d’hyperaldostéronisme primaire : son emploi au long cours est rendu délicat par la survenue de ses effets indésirables.

– Maladie réno-vasculaire et hyperaldostéronisme secondaire : les diurétiques restent indiqués mais leur emploi n’est pas logique en première intention, car ils peuvent aggraver l’hyperaldostéronisme secondaire déjà présent en cas de maladie réno-vasculaire.

Il est donc logique de les adjoindre à un médicament bloquant le système rénineangiotensine, en deuxième intention, lorsque le traitement de la maladie réno-vasculaire a été effectué (dilatation d’une sténose de l’artère rénale).

– Dans l’urgence hypertensive, les diurétiques sont utiles pour traiter les manifestations cardiaques présentes [oedème aigu du poumon (OAP), dissection aortique].

Les plus utilisés sont les associations d’IEC et de diurétiques, qui contiennent toutes 12,5 mg d’hydrochlorothiazide (et 20 mg d’énalapril/Co-Renitec, 10 mg de bénazépril/Cibadrex, 20 mg de quinapril/Acuilix, 20 mg de lisinopril/Zestoretic), à l’exception du Captéa et de l’Ecazide, qui contiennent 25 mg d’hydrochlorothiazide associés à 50 mg de captopril. Toutes sont prescrites en une prise par jour.

2- Dans l’insuffisance cardiaque :

Les diurétiques de l’anse et la spironolactone sont les diurétiques de choix de l’insuffisance cardiaque.

En aigu, on fera surtout appel à un diurétique de l’anse, par voie intraveineuse (OAP) et (ou) orale.

En chronique, on fera également appel aux diurétiques de l’anse et à la spironolactone, cette dernière s’opposant à l’hyperaldostéronisme et ses conséquences.

Compte tenu de la fréquente utilisation des IEC dans l’insuffisance cardiaque et du risque majoré d’insuffisance rénale fonctionnelle, la vigilance sera particulièrement grande, et la surveillance des paramètres cliniques (poids, pression artérielle debout) et biologiques (créatininémie, uricémie, kaliémie) sera très régulière.

3- Autres indications des diurétiques :

Les oedèmes cycliques idiopathiques et les phases de décompensation oedémato-ascitique des cirrhoses sont d’autres indications des diurétiques.

Enfin, le furosémide est employé dans le traitement des hypercalcémies.

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