Ectoparasitoses cutanées, gale sarcoptique et pédiculoses

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Les ectoparasitoses regroupent essentiellement la gale humaine et les pédiculoses. Ces dermatoses parasitaires contagieuses et cosmopolites sont actuellement en recrudescence. La pédiculose du cuir chevelu est fréquente en milieu scolaire, la gale sarcoptique concerne outre les individus en situation de précarité (sans domicile fixe, foyers d’accueil pour chomeurs sans droits), les membres des collectivités dans les maisons de retraite et les services de long séjour pour personnes agées ainsi que les sujets immunodéprimés. Elles posent parfois des problèmes diagnostiques et thérapeutiques variant en fonction de l’age du patient et du terrain. L’apparition de nouvelles molécules et l’émergence de résistances aux insecticides ont fait évoluer la prise en charge thérapeutique.

LA GALE HUMAINE :

Rappel parasitologique :

Ectoparasitoses cutanées, gale sarcoptique et pédiculosesLa gale ou scabiose est due a un acarien, Sarcoptes scabiei, parasite humain obligatoire, qui se nourrit de cellules épidermiques.

– Seule la femelle pathogène creuse dans l’épiderme un sillon ou elle dépose ses oeufs (40a 50en 6 semaines).

– Le cycle parasitaire dure 20 jours, au terme duquel une nouvelle fécondation des jeunes femelles assure la dissémination parasitaire.

– La vie du sarcopte ne dépasse pas 3 jours en dehors de son hôte, il est tué au-dela d’une température supérieure a 55¡C.

Rappel épidémiologique :

La gale commune

* La gale commune survient par épidémies cycliques d’une quinzaine d’années avec dissémination fréquente a la cellule familiale.

– La gale est essentiellement transmise lors des contacts humains directs rapprochés et prolongés (dans un lit) ou de façon indirecte, plus rare. Elle est parfois considérée comme une maladie sexuellement transmissible (MST).

– L’infestation est source de sensibilisation et de réaction immuno-allergique (élévation des IgE et hyperéosinophilie) contribuant au prurit, ma”tre symptome.

* Les facteurs favorisants les plus classiques sont:

– le bas niveau socio-économique.

– la promiscuité sexuelle (MST).

– le métier: le personnel paramédical dans des foyers pour personnes âgées et maisons de retraite, les puéricultrices, les nourrices.

– les retards diagnostique et thérapeutique préjudiciables en collectivités.

La gale croûteuse généralisée

La gale croûteuse généralisée (improprement appelée « norvégienne » car lieu de sa première description) est très contagieuse notamment pour le personnel médical et paramédical. Cela est expliqué par la présence de plusieurs milliers de sarcoptes sur le tégument, habituellement au nombre de 10dans la forme classique.

La gale croûteuse est rencontrée chez les sujets immunodéprimés (patients séropositifs pour le VIH ou l’HTLV1) ou favorisée par les corticoïdes locaux ou généraux.

LES PEDICULOSES :

Rappel parasitologique :

* Les poux sont des insectes hématophages, anoploures, parasites stricts de l’homme dont il est l’unique réservoir. Trois espèces de poux appartiennent a deux genres: Pediculus humanus, variété capitis, vit sur la tete. Pediculus humanus, variété corporis, vit dans les vêtements et se nourrit sur le corps. Pthirus pubis vit sur le pubis. Ces ectoparasites de 1a 3mm, adeptes du camouflage par leur couleur brun-rouge sont aplatis sur leurs faces dorsale et ventrale, munis de trois paires de pattes terminées par de puissantes griffes dont le diamètre est adapté a la région colonisée et qu’ils utilisent pour se déplacer de cheveu en cheveu.

* Lors d’une infestation et selon la variété, on trouve en moyenne 12a 14poux sur une chevelure ou sur un corps. La femelle vit de 1a 3 mois mais meurt en moins de 24 heures loin de son hôte pour l’espèce capitis et en 3 semaines pour l’espèce corporis. Elle pond jusqu’a 300 oeufs appelés lentes qui sont solidement collées aux cheveux a 4millimètres du cuir chevelu. Les lentes sont blanchâtres et opalescentes lorsqu’elles sont viables et sont attachées aux cheveux, aux poils, et fils des vêtements. Elles éclosent après 8 jours en donnant après trois mues des nymphes, qui deviennent adultes en 10 jours.

Rappel épidémiologique :

* La pédiculose du cuir chevelu est la plus fréquente, surtout dans la tranche d’age 3-11 ans. Depuis les années 70, on assiste a une recrudescence dans de nombreux pays dont la France. La transmission est interhumaine, le plus souvent directe mais aussi indirecte par le linge et les brosses selon l’espèce considérée.

– Les facteurs de risque de la pédiculose du cuir chevelu sont: les enfants en milieu scolaire de 3a 11 ans, avec une fréquence plus élevée chez les filles.

– Les facteurs discutés sont: promiscuité, caractéristiques des cheveux (couleur, longueur, type lisse ou crépu).

– L’origine sociale et l’hygiène ne sont pas des facteurs favorisant chez l’enfant.

– L’hygiène médiocre en situation de précarité est un facteur de risque pour l’adulte.

* La pédiculose corporelle touche essentiellement les adultes sans domicile fixe. Les poux de corps sont vecteurs potentiels de la fièvre récurrente cosmopolite (Borrelia recurrentis), de la fièvre des tranchées (Bartonella quintana) et du typhus exanthématique (Rickettsia prowasecki).

* La pédiculose pubienne est essentiellement sexuelle (MST). De diagnostic facile chez l’adulte, il faut savoir l’évoquer chez l’enfant devant une localisation ectopique du pou au niveau des aisselles (adolescent pubère) et des cils (jeune enfant, nourrisson). Cela doit être un signe d’alerte de sévices sexuels motivant un examen clinique pour abus sexuel.

La gale :

DIAGNOSTIC POSITIF :

La gale commune typique :

Prurit généralisé

Le prurit généralisé est le signe fonctionnel majeur:

– quasi constant, a prédominance nocturne dans la chaleur des draps, devenant insomniant.

– topographie élective superposable a celle des lésions (voir infra).

– épargnant le visage, le cou et le haut du dos.

– prurit familial (frères et soeurs, parents) ou collectif.

Lésions spécifiques

Les lésions spécifiques de gale sont:

* les sillons scabieux:

– spécifiques de la gale humaine mais peu fréquents.

– traits sinueux grisatres mesurant 5mm.

– éminence acarienne (halo érythémateux autour d’une discrète papule nacrée correspondant a l’emplacement de l’acarien).

* les vésicules perlées, translucides parfois troubles a proximité des sillons, liées a une réaction d’hypersensibilité locale.

* les papules excoriées, a proximité des sillons, caractéristiques sur le fourreau de la verge et du gland sous forme de chancre scabieux ou de nodules scabieux des creux axillaires.

* La topographie élective des lésions concerne: les espaces interdigitaux des mains, la face antérieure des poignets, les coudes, les creux axillaires, les seins chez la femme, la région ombilicale, les fesses, la face interne des cuisses et les organes génitaux masculins (verge et gland), les chevilles et les plantes des pieds du nourrisson.

Lésions secondaires

Les lésions secondaires non spécifiques sont en fait plus fréquentes: stries de grattage, papules excoriées, lichénification, eczématisation, impétiginisation.

La gale selon l’age et le terrain :

* Gale du nourrisson:

– lésions vésiculo-pustuleuses palmo-plantaires caractéristiques.

– nodules scabieux de 5a 10mm de diamètre, rouges et dures a la palpation (granulomes) de topographie volontiers axillaire ou inguino-génitaux.

– atteinte du visage contrairement a l’adulte avec un polymorphisme lésionnel.

– lésions secondaires de gale souvent au premier plan.

– examen de la mère fondamental.

* Gale du sujet âgé en collectivité:

– terrain: patients âgés en maison de retraite ou en long séjour.

– prurit retardé considéré longtemps comme « sénile ».

– présentation atypique avec une atteinte du dos plus fréquente.

* Gale du sujet immunodéprimé ou gale croûteuse généralisée:

– terrain: patients immunodéprimés par une corticothérapie locale ou générale, infection a VIH et HTLV1ou ayant un déficit neurologique.

– prurit d’autant plus faible que la gale est hyperkératosique.

– érythrodermie prurigineuse et croûteuse.

– onyxis et hyperkératose palmo-plantaire « farineuse ».

* Gale de la femme enceinte: plaques urticariennes et papulovésiculeuses prurigineuses prédominantes sur l’abdomen mimant une éruption polymorphe de la grossesse (PUPPP) (« pruritic urticarial papules and plaques of pregnancy »).

* Gale surinfectée:

– impétiginisation.

– abcès.

– cellulite infectieuse.

– lymphangite.

– glomérulonéphrite aigue.

* Gale des gens propres:

– prurit isolé.

– signes physiques manquants.

– examen minutieux pour recherche d’un nodule scabieux.

* Formes rares de gale:

– formes bulleuses mimant une pemphigoïde bulleuse.

– forme mimant un lymphome B cutané.

DIAGNOSTIC PARASITOLOGIQUE :

L’examen parasitologique est pratiqué:

– après grattage a l’aide d’une lame de bistouri des sillons ou des nodules scabieux, facilité par le dépôt d’une goutte d’huile, la lecture sous microscope au faible grossissement (+1/40) recherche le sarcopte, ses oeufs ou ses fécès.

– les sillons peuvent être repérés par un test à l’encre de chine.

– l’histologie rarement pratiquée peut montrer le sarcopte dans le stratum corneum.

DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL :

Chez l’adulte

* Autre ectoparasitose:

– pédiculose corporelle ou génitale.

– gale animale.

* Prurit localisé ou diffus des gens propres.

* Gale filarienne.

Chez l’enfant

– Acropustulose infantile.

– Dermatite atopique.

– Prurigo strophulus (allergie aux piqures d’insectes).

TRAITEMENT :

Principes du traitement :

– Tenir compte des contre-indication selon l’age du patient et d’un asthme en cas d’utilisation d’aérosol.

– L’individu atteint et les sujets contacts sont traités simultanément.

– Toutes les régions du corps sont traitées ainsi que le cuir chevelu sans négliger les paumes et les plantes, les sillons rétro-auriculaires, le pli interfessier et les ongles.

– Traiter le visage chez le nourrisson en protégeant les yeux et la bouche.

– Traiter une surinfection bactérienne par antibiothérapie (macrolide).

– Le linge de corps et la literie sont changés 24 heures après l’application du produit et décontaminés par un simple lavage a la machine a 55C, faisant réserver l’application d’insecticide en poudre (Aphtiria*) sous occlusion pendant 3 jours au linge non lavable.

– Il n’est pas nécessaire de traiter l’ensemble du mobilier car le parasite ne survit que 24 heures hors du contact humain.

– Prévention du tétanos selon le carnet vaccinal.

– Donner des instructions verbales et écrites explicatives

Modalités pratiques :

Chez l’adulte

* Benzoate de benzyle lotion 10% (Ascabiol*):

– badigeon sur la peau encore humide, après un bain tiède.

– applications a 24 heures d’intervalle.

* Lindane crème fluide (Scabécid*) est utilisé sur une peau froide et sèche puis rincé 12 heures après chez l’adulte.

* Pyréthrine aérosol (Sprégal*), une seule pulvérisation puis rincée 12 heures plus tard.

Chez le nourrisson

* Benzoate de benzyle lotion 10% (Ascabiol*): application unique pendant 6a 12 heures maximum du produit pur ou éventuellement dilué dans deux ou trois volumes d’eau.

* Pyréthrine aérosol (Sprégal*), une seule pulvérisation puis rincée 12 heures plus tard. En raison de la présentation en aérosol, ce produit est contre-indiqué en cas d’asthme.

Chez l’enfant de plus de 2 ans

* Benzoate de benzyle lotion 10% (Ascabiol*): une application a garder pendant 12a 24 heures a renouveler a 24 heures d’intervalle.

* Lindane crème fluide (Scabécid*) est utilisé sur une peau froide et sèche puis rincé 6 heures après chez l’enfant. En cas d’échec, le traitement peut être renouvelé une semaine plus tard. Ce produit est contre indiqué avant l’age de 2 ans.

* Pyréthrine aérosol (Sprégal*), une seule pulvérisation puis rincée 12 heures plus tard. Ce produit est contre-indiqué en cas d’asthme.

* Le crotamiton (Eurax*) crème, appliqué pendant 24 heures, 2 jours de suite, est moins efficace que le lindane ou la perméthrine mais pourrait être utile dans les nodules scabieux de l’enfant de plus de 30 mois.

Chez la femme enceinte

Chez la femme enceinte, le lindane est contre-indiqué. Les pyréthrines sont conseillées.

Gale croûteuse généralisée

Pour la gale croûteuse généralisée:

– hospitalisation en milieu spécialisé dermatologique.

– isolement en raison de la forte contagiosité avec mesures de protection du personnel renforcées.

– traitement identique de la gale commune mais les applications répétées sur tout le tégument y compris la tete en évitant les muqueuses.

– l’hyperkératose est traitée par de la vaseline salicylée a 10%.

– les ongles sont raccourcis et brossés avec l’antiscabieux.

– la guérison est obtenue après une durée moyenne de 3 semaines de traitement.

– la gale croûteuse généralisée pourrait constituer une indication de choix de l’ivermectine chez l’adulte uniquement.

Causes d’échec du traitement :

– Irritation cutanée par le traitement scabicide (traitement excessif).

– Dermite eczématiforme (réaction allergique).

– Traitement insuffisant: mauvaise observance (incompréhension du traitement), hyperkératose de la gale croûteuse (décapage initial par vaseline salicylée insuffisant).

– Acarophobie.

– Autre cause de prurit masqué par une gale.

Les pédiculoses :

DIAGNOSTIC POSITIF :

Pédiculose du cuir chevelu :

Le prurit est le symptôme essentiel des pédiculoses du cuir chevelu.

Elles prédominent dans les régions temporales et occipitales.

– Les lentes vivantes sont proches du cuir chevelu sur la nuque, sous la frange frontale et au-dessus des oreilles. Elles diffèrent des pellicules car ne sont pas mobilisables le long du cheveu et ne tombent pas quand on le secoue.

– Un eczéma excorié ou un prurigo sont souvent présents.

– Une surinfection a pyogènes: pyodermite, abcès, cellulite.

– Une polyadénopathie cervicale.

Pédiculose corporelle :

– Prurit diffus, intermittent.

– Papules érythémateuses centrées par un halo purpurique et éléments urticariens.

– Stries linéaires de grattage prédominant aux régions couvertes (emmanchures postérieures, régions scapulaire et lombaire).

– Leuco-mélanodermie si chronicité de l’infestation avec multiples adénopathies.

– Poux de grande taille (4mm) cherchés dans les vêtements au niveau du col, de la ceinture et des coutures.

Pédiculose du pubis :

– Prurit permanent du pubis.

– Taches bleues ardoisées des cuisses et abdomen par morsure du pou.

– Lésion de prurigo surinfecté: pyodermite, abcès.

– Poux (« morpions » Phtirius pubis) fixés a la racine des poils pubiens par ses griffes. Les autres régions pileuses axillaires ou les cils (blépharite phtiriasique) peuvent être colonisées chez l’enfant.

– Lentes ovoïdes adhérentes.

– Une MST est a rechercher: urétrite, syphilis, VIH.

TRAITEMENT :

Les produits pédiculicides et lenticides disponibles sont résumés dans le tableau 2.

Pédiculose du cuir chevelu :

* Principes du traitement:

– préférer la lotion au shampooing.

– les flacons pressurisés sont contre-indiqués chez l’enfant asthmatique.

– la lotion est appliquée raie par raie.

– pour les pyréthrines, le temps (5 a 10 minutes, 1 heure voire 12 heures) et la fréquence des applications (unique ou renouvelée le lendemain et/ou 8 jours plus tard) sont variables selon les spécialités et l’age de l’enfant.

– le malathion reste en place 8 a 12 heures avec une seule application.

* Conseils et mesures associées:

– élentage au peigne trempé dans l’eau vinaigrée de l’extrémité distale du cheveu vers le cuir chevelu.

– shampooing doux non traitant en relais.

– décontamination des brosses, peignes, chapeaux, écharpes, peluches et de la literie (draps, oreiller) par poudrage d’hexachlorocyclohexane (Aphtiria *) ou par simple lavage a 60¡C en machine.

– inutile de traiter systématiquement toute la famille: surveillance de la fratrie et des enfants atteints traités.

– pas d’éviction scolaire si le traitement est débuté le soir même du diagnostic.

– lavage régulier des cheveux avec un produit antipoux inutile et délétère car participe au développement de la résistance des poux aux insecticides.

– pas d’intérêt prophylactique des répulsifs et des produits rémanents.

– la prophylaxie repose sur une bonne information en milieu scolaire (dépistage) et lors des réunions de parents d’élève en cas d’épidémie.

Pédiculose du corps :

– Après un bain avec savonnage, pour certains auteurs, application sur le corps de pyréthrines ou de malathion pendant 12a 24 heures.

– Le rasage des poils est utile en cas de lentes abondantes.

– La désinfection de la literie et des vêtements est systématique.

Pédiculose du pubis :

– La pédiculose pubienne nécessite un traitement du patient et du (ou des) partenaire sexuel.

– Traiter l’ensemble des zones pileuses du tronc et des cuisses selon des modalités identiques a celles de la pédiculose du cuir chevelu.

– Le rasage des poils est nécessaire en cas de lentes abondantes.

– les vêtements sont désinfectés. Les MST associées sont dépistées et traitées.

– Sur les cils, appliquer de la perméthrine a 1% ou de la vaseline.

Causes d’échecs du traitement des pédiculoses :

– Facteurs humains: incompréhension du traitement (barrière du langage), ignorance ou négligence.

– Coût des produits non remboursés par la sécurité sociale.

– Réinfestation: mesures associées non réalisées.

– Durée et /ou une fréquence insuffisante des applications.

– Application d’une quantité insuffisante de produit.

– Utilisation d’une forme galénique inappropriée.

– Utilisation d’un produit imparfaitement lenticide.

– Acquisition de résistances aux insecticides utilisés.

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