Corticothérapie locale

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Corticothérapie locale
Introduction :

Les dermocorticoïdes ont été utilisés en dermatologie à partir des années 1950, époque à laquelle Sulzberger découvre l’efficacité de l’hydrocortisone en application locale dans certaines pathologies cutanées inflammatoires ou prolifératives.

Le noyau de base de l’hydrocortisone est le cholestérol qui a été modifié pour améliorer la sélectivité, la biodisponibilité et l’activité de la molécule.

L’introduction d’une double liaison en position D3, une halogénation en position 6a et/ou en position 9a par un atome de chlore ou de fluor ainsi qu’une estérification en position 16, 17 ou 21 augmentent l’efficacité du dermocorticoïde. De nombreuses pathologies dermatologiques inflammatoires, dysimmunitaires ou tumorales sont sensibles aux dermocorticoïdes.

Mais l’absence de schéma thérapeutique précis a conduit initialement à une utilisation « anarchique » des dermocorticoïdes, avec apparition d’effets indésirables sévères responsables d’une appréhension tenace des prescripteurs et des malades vis-à-vis de ces traitements.

Cette véritable « phobie » ressentie par les malades ou leur entourage conduit fréquemment à une mauvaise observance du traitement, responsable d’échec thérapeutique.

Cette mauvaise réputation des dermocorticoïdes n’a pas lieu d’être car ces traitements ont révolutionné la prise en charge de nombreuses dermatoses.

Leur utilisation doit cependant respecter des règles qui permettent dans l’immense majorité des cas d’éviter les effets secondaires.

Les conditions d’utilisation doivent être clairement expliquées au patient et/ou à son entourage, en s’assurant au fil des consultations qu’elles ont été comprises et qu’elle sont respectées.

Mécanismes d’action :

Les mécanismes d’action au niveau moléculaire des glucocorticoïdes sont d’une grande complexité et sont peu à peu « disséqués ».

Les connaissances dans ce domaine sont en constante évolution et font apparaître de nouvelles voies de recherche à explorer.

Il s’agit donc ici de synthétiser (et de simplifier) les connaissances actuelles.

A – RÉCEPTEUR AUX GLUCOCORTICOÏDES :

Une fois appliqué sur la peau et après diffusion dans l’excipient, le corticostéroïde traverse la membrane cellulaire par simple diffusion et se lie ensuite à un récepteur spécifique intracytosolique.

Ce récepteur appartient à la superfamille des récepteurs aux stéroïdes (progestérone, oestrogènes, hormones thyroïdiennes, acide rétinoïque, vitamine D) qui ont en commun une même séquence en acides aminés. Leur spécificité est portée par des domaines fonctionnels différents.

Le récepteur aux glucocorticoïdes comprend trois domaines fonctionnels majeurs, qui sont de N-terminal en C-terminal : le domaine d’activation du gène (ou de régulation transcriptionnelle), également appelé domaine immunogénique en raison de ses propriétés antigéniques, le domaine de liaison à l’ADN (au niveau des glucocorticoid-responsive elements ou GREs) et le domaine de liaison au ligand (c’est-à-dire au glucocorticoïde).

Le récepteur aux glucocorticoïdes est exprimé dans tous les tissus, mais la densité en récepteurs varie selon la cellule et en fonction de la concentration de ligand.

Le récepteur est présent sous forme inactive dans le cytosol, lié à un complexe protéique comportant notamment les deux sous-unités de la « heat-shock protein » (HSP) 90 (protéine de choc thermique) et une protéine de la famille des immunophilines appelée p59 (les immunophilines sont des protéines intracellulaires capables de fixer des immunosuppresseurs de la famille de la ciclosporine ou du FK 506 et de la rapamycine).

La liaison du ligand sur le récepteur va provoquer la dissociation du complexe protéique et l’ensemble ligand-récepteur (ou récepteur activé) migre dans le noyau (translocation nucléaire).

B – ACTION DIRECTE SUR LA TRANSCRIPTION :

Après la formation de dimères, le récepteur change de configuration lui permettant d’interagir par l’intermédiaire de deux atomes de zinc (2 « doigts de zinc ») avec l’ADN au niveau de sites accepteurs appelés glucocorticoids-responsive-elements ou GREs.

Il peut ainsi exercer une activation de la transcription.

Il se produit alors une augmentation de production de protéines anti-inflammatoires comme la lipocortine-1 (ou annexine-1), l’interleukine 10 ou la protéine IkB.

Une inhibition de transcription de certains gènes par régulation négative directe de la transcription par l’intermédiaire d’un site de liaison négatif ou nGRE est également possible.

De tels sites ont été identifiés dans les promoteurs des gènes de certaines kératines et de la pro-opiomélanocortine.

C – ACTION SUR LES FACTEURS DE TRANSCRIPTION AP-1 ET NF-KB :

Les corticoïdes contrôlent l’expression de multiples gènes de l’inflammation comme ceux de cytokines pro-inflammatoires.

Cette action n’est pas liée à l’interaction directe avec un GRE mais passe par une interaction avec des protéines de régulation transcriptionnelle, appelées facteurs de transcription.

Les glucocorticoïdes ont une action inhibitrice actuellement bien identifiée, en particulier sur activator protein-1 (AP-1) et nuclear factor-kappaB (NF-kB).

L’interaction entre le complexe hormone-récepteur et ces facteurs de transcription constitue le principal mécanisme responsable des effets anti-inflammatoire et immunosuppresseur des glucocorticoïdes.

AP-1 est un dimère formé de l’association variable d’une protéine Fos et/ou d’une protéine Jun.

Sa fonction principale est d’activer l’expression de multiples gènes comme ceux de cytokines et de collagénases.

En interagissant directement avec le facteur AP-1 sous forme d’hétérodimère Fos-Jun (interaction située sur la sous-unité Jun), le complexe glucocorticoïde-récepteur va empêcher sa fixation sur ses sites de liaison et ainsi inhiber la synthèse des cytokines et des collagénases « cibles ».

Pour certains autres gènes, le site de liaison du facteur AP-1 est voisin de GRE.

La fixation du complexe glucocorticoïde-récepteur sur ces GRE entraîne un encombrement stérique empêchant l’interaction du facteur AP-1 avec son site de liaison.

NF-kB est un facteur de transcription considéré comme un régulateur essentiel des gènes impliqués dans la réponse à l’infection, à l’inflammation et au stress.

Il se fixe au sein d’une séquence activatrice du gène de la chaîne légère des immunoglobulines k.

Il existe cinq protéines appartenant à la famille NF-kB.

Pour être fonctionnel, NF-kB doit être activé.

En effet, il existe sous forme inactive cytoplasmique, couplé à une des sept protéines inhibitrices IkB qui empêchent son entrée dans le noyau.

Après phosphorylation par des kinases spécifiques puis dégradation, IkB est éliminé, permettant la migration de NF-kB libre dans le noyau où il va se fixer sur une région d’ADN spécifique.

Cette fixation conduit à la production d’ARNm à l’origine d’une synthèse protéique.

Les glucocorticoïdes semblent agir de deux manières pour aboutir à un effet inhibiteur du NF-kB.

Le premier mécanisme passe par une activation de la transcription du gène de IkB, le deuxième mécanisme implique une interaction directe entre le complexe glucocorticoïde-récepteur et la sous-unité p65 de NF-kB.

D – AUTRES ACTIONS :

À côté des effets sur la transcription, les corticoïdes ont également des effets non génomiques et pourraient également agir sur la structure chromosomique.

Propriétés :

A – CIBLES DE L’ACTION DES CORTICOÏDES À L’ÉCHELON CELLULAIRE ET MOLÉCULAIRE :

1- Cytokines :

Inhibition de la transcription de nombreuses cytokines proinflammatoires : IL1, IL2, IL3, IL4, IL5, IL6, IL8, IL11, IL12, IL15, IL16, TNF-a, interféron-c, colony-stimulating factor (CSF), macrophage colony-stimulating factor (M-CSF), granulocyte-macrophage colonystimulating factor (GM-CSF).

Stimulation de l’expression de transforming growth factor-b (TGF-b), cytokine immunosuppressive inhibant la production de cytokines pro-inflammatoires.

2- Médiateurs de l’inflammation :

Synthèse de lipocortine-1 (ou annexine-1), protéine possédant une activité antiphospholipasique A2 diminuant la synthèse d’acide arachidonique.

D’où inhibition de la synthèse des eicosanoïdes (prostaglandines, les leucotriènes et « platelet-activating factor » ou PAF).

Effet inhibiteur direct sur la transcription de la phospholipase A2 et de la cyclo-oxygénase 2.

Action sur le métabolisme de certains médiateurs inflammatoires (système de la bradykinine et de l’endopeptidase neutre).

3- Molécules d’adhésion :

Inhibition de l’expression des molécules d’adhésion ICAM-1 (Intercellular cell adhesion molecule-1) et ELAM-1 (Endothelial leukocyte adhesion molecule-1).

4- Cellules sanguines de la lignée blanche :

* Macrophages :

Inhibition de la différenciation, de la myélopoïèse, de l’expression des antigènes HLA de classe II induite par l’interféron-c, de la production de cytokines, de prostaglandines et de leucotriènes, inhibition du chimiotactisme et de la phagocytose, diminution de l’activité tumoricide, fongicide et bactéricide des macrophages activés.

* Polynucléaires neutrophiles :

Inhibition de l’adhésion des neutrophiles aux cellules endothéliales freinant l’afflux des neutrophiles sur les lieux de l’inflammation.

Les fonctions de ces cellules ne sont que peu altérées par les corticoïdes.

* Polynucléaires éosinophiles, basophiles et mastocytes :

Inhibition de la libération IgE-dépendante d’histamine et de leucotriène C4 par les basophiles et de la dégranulation des mastocytes.

* Lymphocytes :

Lymphocytes T : induction de lyse cellulaire T par apoptose, inhibition de l’activation des lymphocytes T par diminution de production d’IL2 et inhibition de l’action de l’IL2, diminution de la synthèse des cytokines sécrétées par les lymphocytes T activés.

Il en résulte une inhibition de la production, de la prolifération et des fonctions des lymphocytes T helper, suppresseurs et cytotoxiques avec production préférentielle de cellules de la voie Th2 et inhibition des cellules de la voie Th1.

Lymphocytes B (moins sensibles que les lymphocytes T à l’action des corticoïdes) : inhibition de la prolifération des lymphocytes B, mais effets minimes sur les plasmocytes et la sécrétion d’immunoglobulines.

5- Cellules endothéliales :

Forte diminution de la perméabilité vasculaire et de l’activation des cellules endothéliales, inhibition de l’expression des antigènes HLA de classe II ainsi que des molécules d’adhésion comme ELAM-1 et ICAM-1 qui jouent un rôle fondamental dans l’afflux des leucocytes, diminution de la sécrétion de la fraction C3 et du facteur B du complément et de la formation d’IL1, des métabolites de l’acide arachidonique et de la cyclo-oxygénase 2.

6- Fibroblastes :

Diminution de la prolifération et de la production de protéines dont le collagène.

B – ACTIVITÉS OBSERVÉES EN THÉRAPEUTIQUE :

Des actions exposées ci-dessus vont découler les différentes activités observées en thérapeutique.

1- Activité anti-inflammatoire :

Cette activité est la plus utile en pratique clinique.

En plus des mécanismes détaillés ci-dessus, les propriétés vasoconstrictrices des dermocorticoïdes participent à leur effet anti-inflammatoire.

La vasoconstriction locale permet en effet de diminuer rapidement l’érythème et l’oedème et donc d’agir sur les manifestations cliniques de l’inflammation.

Cette propriété de vasoconstriction sert de support au test de McKenzie mis au point pour comparer sur la peau humaine l’effet vasoconstricteur des différents corticoïdes entre eux.

L’intensité de la vasoconstriction est évaluée par la mesure du blanchiment obtenu après application cutanée chez le sujet sain, sous occlusion.

Ce test participe, avec les résultats des études cliniques comparatives, à l’établissement d’une échelle de puissance des dermocorticoïdes.

2- Activité antimitotique (ou antiproliférative) :

Les dermocorticoïdes ont une activité antiproliférative sur tous les composants cellulaires de la peau.

Ces propriétés sont à l’origine d’effets indésirables locaux, mais sont aussi utilisées dans un but thérapeutique, par exemple dans les cicatrices chéloïdes (effet atrophiant dermique recherché).

En termes d’effets indésirables, les conséquences sur les différentes couches de la peau sont les suivantes :

– épiderme : atrophie épidermique réversible à l’arrêt ;

– mélanocytes : raréfaction provoquant une dépigmentation à long terme ;

– derme : diminution de la synthèse de collagène et de protéoglycanes par les fibroblastes, altération de la structure des fibres élastiques d’où une atrophie dermique non réversible (vergetures définitives).

3- Activité immunosuppressive :

Les dermocorticoïdes exercent une activité immunosuppressive locale, utile dans le cadre de pathologies faisant intervenir le système immunitaire (eczéma par exemple), mais également responsable du risque infectieux associé à l’utilisation prolongée de dermocorticoïdes.

C – NOUVELLES MOLÉCULES :

La recherche dans le domaine des dermocorticoïdes s’oriente depuis quelques années vers la production de nouveaux dérivés possédant une activité anti-inflammatoire du même ordre que les dérivés plus anciens, mais induisant moins d’effets secondaires qu’eux.

Ce nouveau groupe comprend la fluticasone, le prednicarbate, l’acéponate de méthylprednisolone et le furoate de mométasone.

Certaines études in vitro et in vivo semblent montrer que ces dérivés ont des effets indésirables locaux (atrophie) et systémiques (suppression de l’axe corticotrope) moins marqués que les dérivés plus anciens.

D’autres montrent des résultats plus nuancés pour certaines molécules, par exemple un effet atrophiant non différent entre furoate de mométasone, acéponate de méthylprednisolone et hydrocortisone, mais un effet vasoconstricteur plus important pour les deux premières molécules.

L’intérêt de ces nouvelles molécules en termes d’effet indésirable dans le cadre d’utilisation prolongée dans des pathologies dermatologiques chroniques reste à démontrer.

Classification :

En ne considérant que les dermocorticoïdes non associés à d’autres molécules (antibactériens, antiseptiques, antifongiques, anesthésiques locaux, acide salicylique), il existe actuellement en France une vingtaine de spécialités, disponibles en général sous plusieurs formes galéniques.

La puissance d’un dermocorticoïde dépend de la structure chimique du corticoïde, de son affinité pour les récepteurs, de sa concentration dans le véhicule et de la nature du véhicule.

La classification utilisée est basée d’une part sur le test de vasoconstriction de McKenzie et d’autre part sur les résultats d’essais cliniques comparatifs menés chez des malades.

Même si elle reste indicative, cette classification est importante en pratique quotidienne car elle permet de choisir la classe la plus appropriée en termes de rapport bénéfice/risque.

Elle comporte en France quatre niveaux de puissance allant d’une activité antiinflammatoire très forte (classe I), à faible (classe IV).

Cette classification n’est pas universelle et peut varier d’un pays à l’autre.

Pharmacocinétique :

A – BIODISPONIBILITÉ CUTANÉE :

Le corticoïde relargué à partir de la préparation pénètre ensuite par voie transépidermique et transfolliculaire.

La biodisponibilité cutanée dépend des caractéristiques intrinsèques de la molécule (polarité, liposolubilité, taille…), mais de nombreux autres facteurs influencent la pénétration cutanée.

1- Nature de l’excipient :

L’excipient donne sa forme galénique au dermocorticoïde et participe pour une grande part à l’activité de la spécialité.

La modification du seul excipient, sans modification de la concentration en corticoïde peut suffire à faire changer un dermocorticoïde de classe.

– Les pommades sont constituées d’excipients gras, comme la vaseline, qui renforcent la pénétration par un effet occlusif.

Les émulsions « eau dans huile » sont proches des pommades avec un effet occlusif important.

– Les émulsions « huile dans eau », correspondant aux crèmes, sont d’emploi plus agréable que les pommades tout en permettant une bonne pénétration avec un effet occlusif moindre.

– L’ajout d’excipient comme le polyéthylène glycol augmente la solubilité et favorise la pénétration du corticoïde.

– Les autres formulations sont les gels semi-solides, très agréables d’emploi mais de pouvoir pénétrant inférieur à celui des crèmes, les lotions, le plus souvent sous forme de solutions hydroalcooliques (irritantes) et les mousses qui existent également dans certains pays.

2- Additifs :

L’adjonction d’autres molécules au corticoïde peut influencer sa pénétration cutanée.

Par exemple, l’adjonction d’un kératolytique comme l’acide salicylique ou d’un agent hydratant de la kératine comme l’urée augmente la pénétration cutanée du corticoïde.

3- Occlusion :

L’occlusion favorise de façon importante la pénétration cutanée des dermocorticoïdes ( X 10) en augmentant l’hydratation de la couche cornée, la température locale, la durée du contact.

Elle peut ne pas être recherchée et être à l’origine d’une apparition rapide des effets indésirables locaux ou systémiques (couches des nourrissons, grands plis, pansements).

Mais l’occlusion peut être une aide thérapeutique en augmentant l’efficacité des dermocorticoïdes.

Elle est facilement réalisée à l’aide de films plastiques et est indiquée pour les dermatoses particulièrement résistantes couvrant une faible surface telles que les atteintes palmoplantaires et du cuir chevelu.

Elle est de prescription spécialisée, doit être limitée dans le temps, et à éviter en cas de surinfection.

De nouvelles techniques de types d’enveloppements occlusifs humides sont utilisées, en particulier dans la dermatite atopique, permettant une augmentation de l’efficacité (mais aussi du risque d’effets indésirables) par rapport à une application traditionnelle.

4- Localisation :

La couche cornée est la barrière principale à l’absorption cutanée.

Son épaisseur varie selon la localisation et l’âge.

Elle est mince aux paupières, aux plis, au scrotum qui sont des zones de pénétration cutanée accrue, très exposées aux risques d’effets secondaires.

Elle est au contraire épaisse aux paumes et aux plantes, zones où la pénétration des dermocorticoïdes est beaucoup plus faible.

5- Nature de la dermatose traitée :

Dans les dermatoses exfoliatrices et/ou inflammatoires (dermatite atopique, psoriasis érythrodermique, pemphigoïde bulleuse), la couche cornée est altérée et laisse pénétrer le principe actif beaucoup plus facilement que la peau normale.

L’effet réservoir peut donc disparaître dans certaines dermatoses.

Dans le psoriasis vulgaire, le passage transdermique ne semble pas augmenté par rapport à un épiderme normal.

6- Âge :

L’absorption des dermocorticoïdes est plus importante chez le nouveau-né prématuré (proportionnellement à l’importance de la prématurité) et à un moindre degré chez le sujet âgé (amincissement de la couche cornée).

Chez le nouveau-né à terme et l’enfant, il semble ne pas exister de différence significative de perméabilité par rapport à la peau de l’adulte.

C’est surtout l’importance du rapport surface corporelle/poids, plus élevé chez l’enfant, qui explique la rapidité d’apparition des effets secondaires systémiques.

B – EFFET RÉSERVOIR :

Les dermocorticoïdes ont la capacité de s’accumuler dans la couche cornée de l’épiderme pour être relargués ensuite progressivement vers les couches plus profondes de l’épiderme et le derme.

C’est l’effet « réservoir » qui explique qu’une seule application par jour soit largement suffisante dans la grande majorité des cas.

L’augmentation du nombre d’applications quotidiennes peut se justifier pour le traitement initial des dermatoses dans lesquelles l’effet réservoir est diminué.

C – TACHYPHYLAXIE :

Ce phénomène se traduit en pratique par l’apparition d’une tolérance, c’est-à-dire d’une résistance de la dermatose au traitement après applications prolongées et ininterrompues.

La tachyphylaxie apparaît d’autant plus vite que le corticoïde est plus puissant, et pour une même molécule, que la concentration est plus forte.

Ce phénomène ne concerne pas les effets secondaires qui ont tendance à s’accentuer.

Modalités d’utilisation :

A – CHOIX DE L’ACTIVITÉ DU DERMOCORTICOÏDE :

Le choix de la puissance du dermocorticoïde dépend du type de l’affection et donc de l’état de la peau à traiter, de la surface et du siège des lésions à traiter, de l’âge du patient. Les dermocorticoïdes d’activité très forte doivent être réservés à des dermatoses particulières comme des plaques résistantes de psoriasis, les atteintes palmoplantaires.

Les dermocorticoïdes d’activité forte sont à éviter sur le visage en utilisation chronique et chez l’enfant.

Les dermocorticoïdes d’activité modérée à faible sont utiles pour les zones de peau très fragiles comme les paupières.

B – CHOIX DE L’EXCIPIENT :

Le choix de l’excipient est lui aussi fonction de la dermatose à traiter.

Les pommades sont adaptées aux lésions très sèches, non suintantes et propres ainsi qu’aux dermatoses kératosiques mais sont contreindiquées dans les plis ou sur les lésions suintantes (risque de macération) pour lesquelles les crèmes sont préférées.

Les lotions et gels alcooliques sont adaptés aux zones pileuses et en particulier au cuir chevelu et sont contre-indiquées en cas de lésions suintantes. Les lésions buccales peuvent être traitées par des tablettes adaptées, par des aérosols ou par des bases fluides.

C – RYTHME ET TECHNIQUE D’APPLICATION :

Compte tenu de l’effet réservoir et du risque de tachyphylaxie, la posologie rationnelle est d’une application quotidienne, rarement de deux applications par jour en cas d’altération de la couche cornée.

Une application deux fois par jour n’apporte en règle pas de bénéfice supplémentaire par rapport à une seule application, mais augmente le risque d’effet indésirable.

La durée du traitement doit être aussi courte que possible.

Dans les dermatoses aiguës, le dermocorticoïde peut être arrêté de façon rapidement progressive, voire brutalement après quelques jours de traitement.

Dans les dermatoses chroniques traitées quotidiennement de façon prolongée, l’arrêt doit être progressif en espaçant les applications pour éviter un rebond de la dermatose.

La décroissance peut être facilitée par l’utilisation alternée d’un dermocorticoïde de classe plus faible et/ou d’un émollient.

La prescription doit toujours être clairement écrite, en mentionnant précisément la décroissance progressive et en indiquant le nombre de tubes à utiliser et son poids (exemple : 2 tubes de 15 g) pour éviter les surdosages.

La dose de 30 g par semaine en traitement d’entretien d’un dermocorticoïde de classe II ou III est un maximum acceptable pour un adulte.

Chez l’enfant, des auteurs anglais ont proposé récemment une nouvelle unité de mesure : « la phalangette », correspondant à la quantité de crème ou de pommade sortie d’un tube d’un orifice de 5 mm de diamètre et déposée sur la dernière phalange d’un index d’adulte.

Cette unité (= 0,5 g) permet de traiter une surface cutanée équivalente à la surface de deux mains.

Le port de gants est conseillé pour la personne réalisant des applications répétées et/ou étendues de dermocorticoïdes très puissants.

Indications :

Les dermocorticoïdes représentent un traitement symptomatique et non étiologique de nombreuses dermatoses inflammatoires primitives.

Les deux indications les mieux étudiées par des essais cliniques sont la dermatite atopique et le psoriasis.

A – DERMATITE ATOPIQUE :

Dans cette indication, 13 essais thérapeutiques randomisés, contrôlés contre véhicule, menés sur de courtes périodes (4 semaines ou moins), le plus souvent chez des malades ambulatoires, sont publiés.

Les dermocorticoïdes étudiés sont de puissance variable, les critères d’évaluation sont hétérogènes entre les essais, et les analyses statistiques ne sont jamais faites en intention de traiter.

Malgré cette hétérogénéité, l’utilisation des dermocorticoïdes entraîne une réponse clinique jugée « bonne ou excellente » en moyenne dans 65 à 85 % des cas, cette réponse étant comprise entre 15 et 48 % chez les sujets traités par le véhicule.

D’autres essais randomisés ont comparé l’efficacité de différents dermocorticoïdes, sur des périodes courtes et des effectifs réduits, ne permettant pas de conclure quant à la supériorité en termes d’efficacité et de tolérance de tel ou tel produit.

Très peu d’études ont évalué l’utilisation à long terme de la corticothérapie locale dans cette indication, et en particulier l’impact sur l’évolution naturelle de la maladie.

Une étude menée chez 54 adultes ayant une dermatite atopique modérée à sévère a évalué un schéma thérapeutique sur 20 semaines : après 4 semaines de traitement quotidien par propionate de fluticasone 0,05 % (activité forte), des applications intermittentes de ce même dermocorticoïde 2 jours consécutifs par semaine pendant 16 semaines permettaient de maintenir l’efficacité initiale et d’espacer ou de prévenir les rechutes de façon significative par rapport au placebo (39 % de rechutes versus 68 %).

Ce résultat s’accompagnait d’une absence d’atrophie cutanée ou de retentissement sur le cortisol plasmatique.

Une étude randomisée récente a montré, chez 207 enfants ayant une dermatite atopique légère à modérée, qu’un traitement de 3 jours consécutifs par deux applications quotidiennes d’un corticoïde d’activité forte (valérate de bétaméthasone 0,1 %) était aussi efficace sur les signes cliniques de la poussée et sur le nombre de rechutes qu’un corticoïde d’activité faible (acétate d’hydrocortisone 0,1 %) appliqué deux fois par jour pendant 7 jours consécutifs.

Ces deux schémas thérapeutiques, repris à chaque nouvelle poussée sur une durée totale de 18 semaines, ne semblaient induire aucune atrophie cutanée.

Depuis quelques années, une technique d’utilisation de dermocorticoïdes d’activité forte sous occlusion par enveloppement de coton humide a montré une efficacité supérieure par rapport à une utilisation traditionnelle dans le cadre de poussée de dermatite atopique modérée à sévère de l’enfant.

Cette technique, intéressante en cas de poussée sévère et difficile à contrôler, s’accompagne d’une augmentation du risque d’effets indésirables locaux et systémiques et ne doit donc être discutée, mise en oeuvre et suivie que par une équipe spécialisée.

Dans la dermatite atopique, malgré leur effet « pro-infectieux », les dermocorticoïdes permettent de réduire la colonisation par le staphylocoque en restaurant le plus rapidement la barrière épidermique.

Dans le cas d’une surinfection staphylococcique patente (suintement purulent, croûtes mélicériques, adénopathies, fièvre), un traitement anti-infectieux (antibiothérapie générale le plus souvent) peut s’avérer nécessaire, mais ne doit pas retarder l’initiation de la corticothérapie locale.

B – PSORIASIS :

Dans le psoriasis également l’efficacité des dermocorticoïdes a été évaluée sur des périodes relativement courtes en regard de la chronicité de cette maladie (3 à 8 semaines).

Les critères d’évaluation clinique sont des scores composites variables (TSS, PASI, IAGI) prenant en compte les différents aspects cliniques du psoriasis.

Les malades inclus sont en règle des adultes atteints de psoriasis vulgaire.

La comparaison est soit interindividuelle (étude en parallèle) soit intra-individuelle (randomisation du côté traité chez un même individu).

Les dermocorticoïdes de très forte activité ont été comparés au véhicule dans cinq essais randomisés, montrant tous une efficacité significative par rapport au groupe contrôle.

Les dermocorticoïdes de forte activité ont été évalués dans 12 essais randomisés, montrant là encore une efficacité supérieure comparativement au véhicule.

L’efficacité des dermocorticoïdes de forte activité a été comparée à celle des dérivés de la vitamine D dans neuf essais randomisés, montrant une absence de différence entre les deux types de traitement topique en termes d’efficacité ou d’événements indésirables.

L’association calcipotriol + dermocorticoïde semble plus efficace que le calcipotriol seul.

Deux essais randomisés ont évalué l’intérêt d’un traitement d’entretien par trois applications hebdomadaires de dermocorticoïde de forte activité après blanchiment par un traitement d’attaque.

Ces essais montrent globalement que le traitement d’entretien multiplie par trois les chances de rester en rémission.

Aucune étude n’a étudié la tolérance à long terme des dermocorticoïdes en cas d’utilisation chronique dans le psoriasis.

C – CAS PARTICULIER DE LA PEMPHIGOÏDE BULLEUSE :

Depuis quelques années, la corticothérapie locale de très forte activité est utilisée en France dans le traitement de la pemphigoïde bulleuse.

Dans cette indication, les doses d’attaque utilisées sont très importantes (20 à 40 g/j), et ce schéma thérapeutique offre une efficacité non différente par rapport à la corticothérapie générale, avec une meilleure tolérance systémique que celle-ci, mais au prix d’effets indésirables locaux importants.

Contre-indications :

Les dermocorticoïdes sont contre-indiqués dans toutes les dermatoses infectieuses et en particulier au cours des dermatoses virales qui pourraient s’aggraver en évoluant vers la nécrose et l’extension.

Ils sont également contre-indiqués sur des lésions d’acné, de rosacée et d’érythème fessier du nourrisson.

Effets indésirables :

Ils apparaissent d’autant plus vite et sont d’autant plus marqués que le dermocorticoïde est puissant, surtout en cas d’utilisation prolongée et/ou sous occlusion.

A – EFFETS INDÉSIRABLES LOCAUX :

Lorsqu’ils sont utilisés pendant des périodes courtes et sans occlusion, les dermocorticoïdes sont sans effet secondaire important.

L’effet secondaire local le plus souvent observé est l’atrophie cutanée au site d’application observée cliniquement lors des traitements prolongés.

Chez des sujets sains recevant des applications quotidiennes de dermocorticoïdes d’activité forte ou très forte, un amincissement de l’épiderme mesuré par échographie s’observe entre la première et la troisième semaine et est réversible dans les 4 semaines après l’arrêt.

L’atrophie du derme, irréversible, ne se voit que dans de rares cas d’utilisation prolongée de dermocorticoïdes puissants.

B – EFFETS SECONDAIRES SYSTÉMIQUES :

Après pénétration dans les différentes couches de la peau, le corticoïde passe dans la circulation systémique.

La quantité de principe actif y parvenant dépend donc des facteurs influençant la pénétration cutanée.

Les effets systémiques sont au maximum les mêmes que ceux de la corticothérapie générale : syndrome de Cushing, retard de croissance chez l’enfant (rattrapé après l’arrêt du traitement), diabète, hypertension artérielle, ostéoporose, ulcère gastrique, rétention hydrosodée, freinage de l’axe hypothalamohypophyso- surrénalien avec insuffisance surrénale aiguë à l’arrêt du traitement.

Le cortisol plasmatique peut être abaissé même après une corticothérapie locale brève.

Cependant, ces effets systémiques ne se manifestent cliniquement que très rarement, après utilisation prolongée (souvent abusive) de dermocorticoïdes puissants, sur de grandes surfaces et sur des épidermes altérés ou sous occlusion.

Les enfants, en particulier les nourrissons, y sont plus exposés en raison d’un rapport surface corporelle/poids élevé.

C – ALLERGIES DE CONTACT :

De 1 à 5% des malades testés en routine ont un test positif à un ou plusieurs corticoïdes.

La sensibilisation aux dermocorticoïdes se voit essentiellement chez des patients ayant des dermatoses chroniques et donc traités séquentiellement par de multiples dermocorticoïdes.

Elles doivent être suspectées lors de la résistance au traitement d’une dermatose classiquement corticosensible, d’un eczéma de contact oedémateux, parfois en fausses cocardes ou d’aspect annulaire et centrifuge.

Cette sensibilisation peut être due aux excipients, aux produits associés ou aux stéroïdes eux-mêmes.

Les dermocorticoïdes peuvent être classés en cinq groupes, A, B, C, D1 et D2 au sein desquels existent des allergies croisées. Les dermocorticoïdes du groupe A sont plus allergisants que ceux du groupe B puis du groupe D, ceux du groupe C donnant rarement des allergies.

Le pivalate de tixocortol est un bon marqueur pour tester les allergies aux dermocorticoïdes du groupe A.

Le budésonide détecte les hypersensibilités aux dermocorticoïdes du groupe B (isomère D-budésonide) et du groupe D2 (isomère S-budésonide).

Les tests de dépistage et de confirmation recommandés sont les suivants : 1. groupe A : pivalate de tixocortol 0,1 % dans la vaseline ; 2. groupe B et D2 : budésonide 0,01 % dans la vaseline ; 3. groupe D2 : 17-butyrate d’hydrocortisone 0,1 ou 1 % dans la vaseline ou l’éthanol ; 4. groupe D1 : 17-valérate de bétaméthasone.

Les lectures des tests épicutanés doivent se faire à 48 et 72 ou 96 heures et également tardivement au 7e jour en raison du risque de faux négatifs liés à l’activité pharmacologique du corticoïde.

Un test d’application itératif (ROAT), réalisé avec un dermocorticoïde du commerce appliqué une fois par jour 7 jours consécutifs suivi d’une lecture durant 10 jours peut être utile.

Les intradermoréactions ne sont pas recommandées en raison de faux positifs et du risque d’atrophie dermique.

Injections intralésionnelles :

Elles peuvent être utilisées pour des lésions localisées pour lesquelles les topiques les plus puissants sont insuffisants.

Leurs principales indications sont les cicatrices hypertrophiques et les chéloïdes.

Les dérivés de la triamcinolone sont les plus couramment employés.

Les effets indésirables sont les mêmes que ceux qui ont déjà été mentionnés mais l’atrophie peut être plus prononcée avec atteinte de l’hypoderme.

Surveillance du traitement :

La surveillance d’une corticothérapie locale prolongée doit être guidée par le risque d’apparition d’effets secondaires locaux ou généraux.

La quantification du nombre de tubes utilisés sur une période donnée est un moyen simple de rechercher soit une sous-consommation soit une surconsommation de dermocorticoïde.

Chez les enfants, le suivi systématique de la courbe de croissance permet de dépister un éventuel retard.

Dans les cas rares d’utilisation massive de dermocorticoïdes de puissance forte ou très forte, la surveillance se rapproche de celle d’une corticothérapie générale.

En cas d’inefficacité de la corticothérapie locale, outre la remise en question du diagnostic de la pathologie traitée, l’observance du traitement doit être évaluée avant de parler de corticorésistance.

Associations et préparations magistrales :

Leur utilisation est très controversée.

L’utilisation d’associations témoigne d’une incertitude diagnostique.

L’association à des antiinfectieux (antiseptique, antibiotique ou antifongique) n’est pas justifiée et expose à des risques de sensibilisation.

L’association à l’acide salicylique ou à l’urée peut être utile en augmentant la pénétration du dermocorticoïde.

Le risque de pénétration de l’acide salicylique chez l’enfant est important et doit être pris en considération.

Les préparations magistrales ne présentent aucun intérêt en pratique courante car il existe suffisamment de spécialités dans la pharmacopée pour mener un traitement depuis la « dose d’attaque » jusqu’à la fin de la décroissance.

En outre, la stabilité des molécules n’est là encore pas garantie après déconditionnement, dilution et/ou association à d’autres molécules.

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