Corticothérapie et fonction surrénalienne

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Corticothérapie et fonction surrénalienne
Introduction :

Les glucocorticoïdes de synthèse exercent, à des doses pharmacologiques, une action anti-inflammatoire et immunosuppressive utilisée dans le traitement d’un grand nombre de pathologies.

Une dose supraphysiologique est alors nécessaire et l’efficacité de ce traitement a souvent un coût non négligeable lié à ses nombreux effets indésirables.

Les glucocorticoïdes exercent des effets multiples sur les métabolismes glucidique, protidique et lipidique, ainsi que sur l’équilibre hydroélectrolytique.

De plus, l’utilisation en thérapeutique des glucocorticoïdes exerce une action inhibitrice sur le fonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophysosurrénalien, ou axe corticotrope, qu’il faut savoir prendre en compte lors de leur prescription.

La posologie et la durée du traitement jouent un rôle certain dans le retentissement hypothalamohypophysaire d’une corticothérapie, mais des facteurs individuels actuellement mal identifiés sont aussi déterminants.

Il est difficile de fixer une posologie seuil ou une durée de traitement minimale pour l’apparition d’effets indésirables de ces traitements.

Action des glucocorticoïdes :

A – EFFETS ANTI-INFLAMMATOIRES ET IMMUNOSUPPRESSEURS :

Les effets anti-inflammatoires et immunosuppresseurs, l’action métabolique et l’inhibition de l’axe corticotrope des stéroïdes surrénaliens sont médiés par le récepteur du cortisol.

Les effets sur le métabolisme hydrosodé sont médiés par le récepteur minéralocorticoïde.

Il est donc possible de différencier les effets des stéroïdes passant par l’activation du récepteur du cortisol de ceux médiés par le récepteur minéralocorticoïde.

En revanche, il est actuellement impossible de dissocier les effets indésirables, métaboliques ou endocriniens, des effets thérapeutiques antiinflammatoires ou immunosuppresseurs qui tous passent par le récepteur du cortisol.

B – MOLÉCULES DE SYNTHÈSE :

Les molécules de synthèse utilisées en thérapeutique ont donc été modifiées afin d’augmenter l’affinité pour le récepteur du cortisol et de réduire très nettement l’affinité pour le récepteur minéralocorticoïde.

Par rapport au cortisol, l’action de ces drogues sur l’équilibre hydroélectrolytique est donc nettement réduite.

Axe corticotrope :

A – CORTISOL :

La sécrétion de cortisol par la corticosurrénale est contrôlée par une hormone hypophysaire, l’adrenocorticotrophic hormone (ACTH).

L’ACTH est un peptide de 39 aminoacides sécrété par la cellule corticotrope qui stimule aussi la sécrétion des androgènes surrénaliens (principalement la déhydroépiandrostérone).

En administration aiguë, l’ACTH joue aussi un rôle dans le contrôle positif de l’aldostérone.

L’activité biologique de l’ACTH est contenue dans ses 18 premiers acides aminés.

Le récepteur de l’ACTH est exprimé dans le cortex surrénalien et fait partie de la famille des récepteurs à sept domaines transmembranaires couplés aux protéines G.

Le second messager, l’acide adénosine monophosphorique cyclique, est stimulé par l’activation de ce récepteur.

B – ACTH :

L’ACTH régule en aigu la sécrétion et la synthèse des stéroïdes surrénaliens ; en chronique, l’ACTH a aussi une action de stimulation sur la trophicité des couches fasciculée et réticulée du cortex surrénalien.

L’hypersécrétion chronique d’ACTH entraîne une hyperplasie surrénalienne et une hypersécrétion de cortisol (par exemple dans la maladie de Cushing).

À l’inverse, le déficit en ACTH s’accompagne d’une atrophie surrénalienne, conduisant à l’insuffisance en glucocorticoïde.

L’action de l’ACTH est donc indispensable pour la synthèse des glucocorticoïdes et le maintien de la trophicité du cortex surrénalien.

C – CORTICOTROPIN-RELEASING HORMONE ET ARGININE-VASOPRESSINE :

L’ACTH est régulée par de multiples hormones ; le contrôle central de la synthèse et de la sécrétion d’ACTH s’exerce principalement par les peptides hypothalamiques, corticotropin-releasing hormone (CRH) et arginine-vasopressine (AVP).

La CRH, comme l’AVP, stimulent la sécrétion d’ACTH.

La CRH exerce probablement le rôle essentiel dans ce contrôle. Le cortisol inhibe à la fois la CRH et l’AVP, constituant ainsi une boucle de rétrocontrôle négative de l’axe corticotrope.

Le déficit en cortisol conduit à la stimulation de l’AVP, ce qui participe à la rétention hydrique et à l’hyponatrémie observées dans les déficits isolés en glucocorticoïdes (dans le cadre de l’insuffisance surrénalienne secondaire).

Plusieurs cytokines (comme le leukemia inhibitory factor) stimulent l’ACTH dans le cadre d’une interaction étroite entre l’axe corticotrope et le système immunitaire.

Enfin, le cortisol exerce aussi une action de rétrocontrôle négatif sur l’ACTH et inhibe donc l’axe corticotrope, tant au niveau hypophysaire qu’hypothalamique.

D – RYTHME NYCTHÉMÉRAL :

L’axe corticotrope présente un rythme nycthéméral, contrôlé essentiellement au niveau central, c’est-à-dire principalement par la CRH.

La sécrétion de cortisol est maximale le matin vers 8 h et minimale entre 24 h et 4 h du matin.

L’effet freinateur des glucocorticoïdes exogènes sur l’axe corticotrope est maximal lorsqu’ils agissent le matin, alors que l’axe est à son maximum d’activité.

L’administration de glucocorticoïdes par voie orale en début ou milieu de nuit a donc l’effet inhibiteur le plus fort.

Les stress de toute origine (traumatisme sévère, hypoglycémie, fièvre…) stimulent aussi l’axe corticotrope.

Glucocorticoïdes et inhibition de l’axe corticotrope :

A – RÉTROCONTRÔLE NÉGATIF :

L’inhibition de l’axe corticotrope induite par les glucocorticoïdes est liée à leur action de rétrocontrôle négatif tant hypophysaire qu’hypothalamique.

Les glucocorticoïdes inhibent la synthèse de CRH hypothalamique, en particulier par une réduction de son acide ribonucléique messager.

Ils inhibent aussi la libération de CRH hypothalamique dans le système porte hypothalamohypophysaire.

Au niveau hypophysaire, les glucocorticoïdes inhibent la synthèse et la sécrétion d’ACTH par la cellule corticotrope.

L’expression du gène du précurseur peptidique de l’ACTH (la pro-opiomélanocortine) est inhibée par le cortisol.

B – CINÉTIQUE :

L’effet inhibiteur des glucocorticoïdes sur la sécrétion d’ACTH est rapide.

Ainsi, l’administration intraveineuse d’hydrocortisone entraîne, chez les patients ayant une maladie d’Addison, une baisse de l’ACTH plasmatique en moins de 15 minutes.

La baisse de la sécrétion d’ACTH a pour conséquence une baisse de la sécrétion des stéroïdes surrénaliens qu’elle contrôle, en particulier celle du cortisol.

Cet effet est utilisé lors des tests de freinage à la dexaméthasone pour explorer les syndromes de Cushing.

Lorsque l’administration de glucocorticoïdes exogènes est de courte durée (en règle inférieure à 5 jours), la récupération de l’axe corticotrope est très rapide, voire immédiate.

En revanche, lorsque l’administration est prolongée, une inhibition durable de l’axe corticotrope peut survenir.

Cette dernière peut alors entraîner une atrophie surrénalienne secondaire à la baisse de l’ACTH et responsable d’une insuffisance surrénalienne secondaire (ou insuffisance surrénalienne haute, ou déficit corticotrope).

C – VARIABILITÉ INDIVIDUELLE :

Il existe une grande variabilité interindividuelle de la persistance de cette inhibition de l’axe corticotrope à l’arrêt d’une corticothérapie.

La sensibilité individuelle aux glucocorticoïdes pourrait peut-être expliquer une partie de cette variabilité, mais celle-ci reste mal comprise.

Pour cette raison, il est impossible de prédire avec certitude l’évolution de la fonction surrénalienne d’un sujet à l’arrêt du traitement.

La posologie et la durée du traitement jouent aussi un rôle important dans cette inhibition.

Une durée de traitement de 5 jours, à la posologie quotidienne de 40 mg/m2 d’équivalent prednisone, est suffisante pour bloquer chez certains patients l’axe corticotrope de façon durable.

Un traitement prolongé dans le temps par des doses plus faibles (10 mg/j d’équivalent prednisone) peut aussi entraîner une insuffisance surrénalienne.

Différentes études ont essayé d’établir la prévalence de l’insuffisance corticotrope après corticothérapie et ses facteurs prédictifs.

Des études portant sur des durées variables de traitement, de 5 jours à 15 ans, et des posologies quotidiennes de 5 à 30mg d’équivalent prednisone, retrouvent dans l’ensemble une insuffisance surrénalienne dans la moitié des cas.

Dans ces études, la corrélation entre la durée ou la posologie du traitement et la survenue d’une insuffisance surrénalienne est partielle.

D – VARIARION DE L’EFFET INHIBITEUR SUR L’AXE CORTICOTROPE :

L’affinité du glucocorticoïde synthétique pour le récepteur glucocorticoïde est corrélée avec l’effet inhibiteur sur l’axe corticotrope.

Cette corrélation positive établie entre une mesure effectué in vitro et une inhibition observée in vivo est cependant modifiée par la biodisponibilité du glucocorticoïde.

Ainsi, l’affinité de la dexaméthasone pour le récepteur glucocorticoïde est sept fois plus forte que celle du cortisol, mais son effet inhibiteur in vivo sur l’axe corticotrope est 15 à 30 fois plus fort que celui du cortisol.

La biodisponibilité du glucocorticoïde est donc un élément important.

La plupart des stéroïdes sont absorbés rapidement après administration orale.

L’absorption peut cependant varier suivant les patients.

L’étude systématique des profils phamacocinétiques de méthylprednisone ou de prednisone après administration intraveineuse ou orale objective une cinétique inhabituelle dans 20 % des cas.

Dans le même sens, une corrélation inverse entre l’âge et la clairance de la prednisone a été établie.

En conséquence, à posologie identique, l’effet suppresseur des glucocorticoïdes sur l’axe corticotrope serait plus net chez les sujets âgés.

Certains médicaments peuvent modifier le métabolisme des glucocorticoïdes.

Les inducteurs enzymatiques (barbituriques, rifampicine, phénytoïne, O, p’DDD…) augmentent le catabolisme du cortisol.

Les oestrogènes, notamment dans le cadre de la contraception orale, augmentent la protéine porteuse (transcortine).

E – VOIE D’ADMINISTRATION :

Une injection intra-articulaire unique d’un glucocorticoïde retard présente une diffusion systémique suffisante pour pouvoir entraîner une suppression durable de l’axe corticotrope.

De façon similaire, les applications cutanées de glucocorticoïdes peuvent avoir des effets généraux.

Il est souvent moins connu que les corticoïdes inhalés peuvent inhiber l’axe corticotrope.

Cette inhibition est en général partielle et peu fréquente, mais peut survenir pour une posologie quotidienne de glucocorticoïde supérieure à 800 µg.

F – HORAIRE D’ADMINISTRATION :

L’horaire d’administration du glucocorticoïde peut influencer la survenue d’une insuffisance surrénalienne.

L’administration d’une dose unique le matin est moins suppressive sur la fonction corticotrope que la même dose administrée le soir.

Pour cette raison, un traitement à doses alternées administré un jour sur deux serait moins suppresseur.

Dans la même optique, la substitution réalisée en une prise unique le matin lors de l’arrêt d’une corticothérapie chez un sujet en cours de récupération d’une fonction subnormale permettrait une meilleure récupération de la fonction corticotrope.

G – DÉLAI DE RÉCUPÉRATION :

La profondeur de la suppression de l’axe corticotrope peut être évaluée par le délai de récupération de la fonction surrénalienne après sevrage en glucocorticoïde.

Si la proportion de patients présentant une insuffisance surrénalienne plus ou moins profonde est importante à l’arrêt du traitement (environ 50 %), elle est bien moindre à distance.

La plupart des patients récupèrent une fonction normale en moins de 2 semaines, voire souvent dans les 4 jours suivant le sevrage de la corticothérapie.

La récupération est plus rapide après un traitement de courte durée et plus longue lorsque la posologie quotidienne dépasse 7,5 mg d’équivalent prednisone.

Le pourcentage de patients restant en insuffisance surrénalienne plus de 1 an après arrêt de la corticothérapie est faible (< 5 %), mais aucun paramètre ne permet de prédire le retour à une fonction surrénalienne normale au moment du sevrage.

Évaluation clinique et biologique de la fonction surrénalienne à l’arrêt d’une corticothérapie :

A – POSOLOGIE À RISQUE :

Lors de l’arrêt d’une corticothérapie, il est nécessaire d’envisager la possibilité d’une insuffisance surrénalienne, en particulier après une corticothérapie supérieure à 20 mg/j d’équivalent prednisone pendant au moins 3 semaines.

Un patient ayant développé un syndrome de Cushing clinique sous corticothérapie doit particulièrement être considéré comme à risque de développer un déficit corticotrope à son arrêt.

Lors d’une corticothérapie prolongée, le traitement est en général réduit progressivement lorsque la pathologie est contrôlée ou lorsque le traitement n’apporte plus de bénéfice.

La possibilité d’une insuffisance surrénalienne doit être envisagée lorsque la posologie du glucocorticoïde est inférieure à 5 mg/j d’équivalent prednisone (soit 20 mg de cortisol).

Il est rare, en dehors de situation de stress, que des signes de sous-dosage en glucocorticoïde puissent apparaître pour une posologie supérieure.

Il faut noter qu’à côté des signes d’une éventuelle insuffisance surrénalienne, peuvent apparaître des symptômes en rapport avec une aggravation de la maladie initiale lors de la réduction de la corticothérapie.

Certains patients semblent aussi présenter une véritable dépendance aux effets psychostimulants des glucocorticoïdes qui rend le sevrage parfois difficile et peut poser un problème de diagnostic différentiel délicat.

B – MANIFESTATIONS CLINIQUES DU DÉFICIT CORTICOTROPE :

Les manifestations cliniques du déficit corticotrope à l’arrêt d’une corticothérapie prolongée sont polymorphes, non spécifiques et souvent trompeuses.

L’asthénie est une manifestation fréquente et s’intrique souvent avec la maladie de fond imposant la corticothérapie.

Des douleurs musculaires ou articulaires, une anorexie, des symptômes dépressifs peuvent aussi s’observer.

Parfois, l’insuffisance surrénalienne peut être évoquée devant des signes plus marqués pouvant correspondre à un épisode de décompensation aiguë, en particulier après sevrage complet sans précaution chez un patient soumis à un stress.

Une asthénie intense avec hypotension artérielle, une anorexie, parfois des troubles de conscience, une fièvre, une tendance hypoglycémique peuvent alors s’observer.

Les troubles ioniques observés dans cette situation se limitent à l’hyponatrémie, alors que la kaliémie est en règle normale.

Il s’agit d’une hyponatrémie de dilution par sécrétion inappropriée d’AVP se corrigeant très bien avec le traitement substitutif en glucocorticoïde.

La zone glomérulée étant préservée dans les déficits corticotropes, il n’y a en effet pas de déficit significatif et chronique en minéralocorticoïdes.

C – EXPLORATION HORMONALE :

L’exploration hormonale de l’axe corticotrope à l’arrêt d’une corticothérapie prolongée peut reposer sur des dosages de base, mais surtout sur des tests dynamiques.

Il est important de réaliser ces explorations dans les conditions adéquates pour éviter toute interférence avec l’apport de corticoïdes exogènes.

En pratique, ces explorations sont à réaliser lorsque le sevrage en glucocorticoïde est décidé et que le patient est alors substitué par hydrocortisone.

La demi-vie de l’hydrocortisone est brève.

Le traitement substitutif par 15 à 20 mg/j d’hydrocortisone en une prise le matin n’interfère alors pas avec le dosage du cortisol plasmatique le matin avant prise du traitement substitutif.

1- Dosage de cortisolurie :

Il n’a pratiquement pas d’intérêt dans cette indication.

Réalisé sous traitement substitutif, il est erroné par élimination urinaire de ce dernier.

Réalisé lors d’un sevrage en hydrocortisone, qui par prudence devrait être fait sous surveillance médicale et donc en hospitalisation, il a une très mauvaise sensibilité et spécificité.

En effet, il existe un recouvrement important entre les sujets normaux et les patients atteints d’insuffisance surrénalienne pour les valeurs basses de la normale.

2- Dosage de cortisolémie :

Le dosage de cortisolémie de base à 8 h le matin peut apporter des informations utiles mais n’est pas toujours suffisant pour affirmer ou infirmer l’insuffisance surrénalienne.

Le dosage de la cortisolémie mesurant le cortisol total, il faut savoir se méfier des pathologies modifiant sa protéine porteuse ou transcortine.

En effet, seul le cortisol libre, fraction minoritaire de la cortisolémie, est biologiquement actif.

Une élévation des oestrogènes (lors de la grossesse ou sous contraception par oestroprogestatifs) s’accompagne d’une augmentation de la transcortine et donc de la cortisolémie.

Dans ce cas, le dosage de la cortisolémie peut surestimer la fonction glucocorticoïde et conduire à méconnaître une insuffisance surrénalienne.

La mesure du cortisol salivaire, qui n’est constitué que de la fraction libre du cortisol, permet alors d’éviter cet écueil. Même en respectant ces précautions, le dosage de la cortisolémie de base le matin à 8 h est cependant rarement suffisant pour évaluer correctement la fonction corticotrope.

À 8 h, la cortisolémie est à son niveau maximal et la fourchette normale est comprise entre 100 et 200 ng/mL.

Un taux supérieur à 210 ng/mL écarte la possibilité d’une insuffisance surrénalienne.

Un taux effondré, inférieur à 40 ng/mL, signe à l’inverse une insuffisance corticotrope chez un sujet sevré en glucocorticoïdes.

Un taux compris entre 40 et 100 ng/mL est très en faveur de ce diagnostic, mais n’a pas une spécificité suffisante pour l’affirmer.

Par ailleurs, un sujet présentant un déficit corticotrope peut présenter une cortisolémie à 8 h du matin dans les limites de la normale.

3- Test de stimulation au Synacthène immédiat :

De réalisation simple, il est certainement l’exploration de première intention lors du sevrage d’une corticothérapie.

Il consiste à administrer une ampoule (250 µg) de tétracosactide (ACTH1-24) par voie intramusculaire (ou intraveineuse en cas de contre-indication).

La cortisolémie est prélevée avant l’injection et 1 heure après.

Chez le sujet présentant une fonction surrénalienne normale, la cortisolémie est supérieure à 210 ng/mL après injection de tétracosactide.

La réponse doit s’interpréter en valeur absolue et non pas en pourcentage d’augmentation.

Cette stimulation est largement supraphysiologique et la posologie de 250 µg d’ACTH1-24 entraîne une stimulation maximale de la capacité de sécrétion de cortisol.

Une réponse normale du cortisol au Synacthène immédiat requiert une trophicité correcte du cortex surrénalien.

Un sujet présentant un déficit corticotrope a une baisse des taux circulants d’ACTH.

Cette baisse entraîne en 2 à 3 semaines une atrophie surrénalienne.

De plus, l’action de l’ACTH est requise pour l’expression de son propre récepteur.

On peut donc penser qu’une baisse d’ACTH chronique entraîne une diminution de l’expression du récepteur de l’ACTH par lequel agit le Synacthène.

Une surrénale atrophique n’est alors pas capable de répondre suffisamment au Synacthène immédiat, justifiant l’intérêt de ce test lors du sevrage d’une corticothérapie.

Si ce test est certainement à réaliser en première intention pour l’exploration de la fonction surrénalienne lors du sevrage d’une corticothérapie prolongée, il a cependant des limites.

En effet, la sensibilité du test au Synacthène immédiat n’est pas de 100 % dans les déficits corticotropes.

En particulier, chez les patients présentant un déficit partiel, une réponse normale peut être observée.

Environ 5 à 10% des déficits corticotropes risquent d’être méconnus si certaines précautions ne sont pas prises dans l’interprétation du test.

Ainsi, il est aussi important de bien analyser la cortisolémie à 8 h, prélevée sur la base du test.

Si cette dernière est inférieure à 100 ng/mL et si le pic de réponse au Synacthène immédiat est à la limite de la normale, il faut savoir évoquer la possibilité d’un déficit partiel ou récent et poursuivre les explorations.

Certains auteurs ont pour cette raison proposé de réaliser un test au Synacthène à faibles doses (1 à 5 µg).

Le recours à une dose plus faible limiterait l’effet de surdosage supraphysiologique du test classique réalisé avec une injection de 250 µg et aurait une meilleure sensibilité.

La limite en pratique à la diffusion de ce test à faibles doses est de deux ordres :

– pratique (réaliser une dilution au 1/250 du Synacthène immédiat sans perte de principe actif) ;

– prendre le risque d’une perte de spécificité importante dans la pratique quotidienne.

En dehors de la situation particulière du déficit corticotrope partiel, le test au Synacthène immédiat à 250 µg a une sensibilité tout à fait suffisante pour explorer la grande majorité des patients lors du sevrage d’une corticothérapie.

4- En cas de doute :

Dans les situations où l’interprétation des explorations laisse un doute sur un possible déficit corticotrope, deux tests de stimulation globale de l’axe corticotrope peuvent être réalisés : l’hypoglycémie insulinique et le test à la Métopironet.

Ces explorations sont habituellement considérées comme les épreuves de référence pour les déficits corticotropes.

Leurs effets indésirables et la surveillance médicale qu’elles imposent limitent leur utilisation à des situations particulières.

L’hypoglycémie insulinique consiste à administrer par voie intraveineuse 0,1 UI/kg d’insuline ordinaire.

Une hypoglycémie significative (< 0,4 g/L) s’accompagne chez le sujet normal d’une élévation de la cortisolémie au-dessus de 200 ng/mL.

Le test à la Métopironet « court » utilisé pour explorer une suspicion de déficit corticotrope consiste à administrer 30 mg/kg de Métopironet à minuit.

Cette drogue inhibe l’activité de la 11bhydroxylase qui transforme le composé S (11-désoxycortisol) en cortisol.

La baisse du cortisol réduit le rétrocontrôle négatif sur l’hypothalamohypophyse et stimule la sécrétion d’ACTH, stimulant alors la synthèse des stéroïdes situés en amont de la 11bhydroxylase.

Lors du test court, le composé S prélevé à 8 h du matin s’élève au-dessus de 70 ng/mL.

5- Test à la CRH :

Enfin, le test à la CRH peut être proposé pour explorer un déficit corticotrope.

L’administration de 100 µg par voie intraveineuse de CRH humaine de synthèse entraîne chez le sujet normal une augmentation rapide d’au moins 50 % des taux plasmatiques d’ACTH et de 30 % des taux de cortisol.

Le test de stimulation à la CRH présente moins d’effets indésirables que les précédents mais il s’agit d’un faible stimulus de l’axe corticotrope et son interprétation est parfois délicate.

Pour ces raisons, et aussi pour son coût élevé, il a peu de place dans l’exploration de la fonction surrénalienne après sevrage d’une corticothérapie.

Le dosage d’ACTH n’a pas d’indication pour évaluer la fonction corticotrope lors du sevrage d’une corticothérapie.

Il existe un grand recouvrement entre les sujets présentant une insuffisance surrénalienne secondaire et ceux présentant une intégrité de l’axe corticotrope.

Le dosage d’ACTH manque donc à la fois de sensibilité et de spécificité pour le diagnostic de déficit corticotrope.

Il peut cependant être utile au diagnostic étiologique d’une insuffisance surrénalienne en précisant une origine secondaire (ACTH non élevée) ou primaire (ACTH élevée).

Cependant, dans la situation du sevrage d’une corticothérapie, le diagnostic étiologique ne pose que rarement un problème.

Conduite à tenir pratique lors du sevrage d’une corticothérapie :

Tout patient ayant été traité pendant au moins 3 semaines par une dose supérieure ou égale à 20 mg d’équivalent prednisone ou tout patient ayant présenté sous traitement un syndrome de Cushing iatrogène doit être considéré comme potentiellement en insuffisance corticotrope lors de la décroissance du traitement glucocorticoïde.

Il est aussi important de rappeler qu’un certain degré d’inhibition de l’axe corticotrope a pu être observé avec des traitement de 5 jours ou des posologies de 10 à 20 mg/j d’équivalent prednisone.

Tant que la posologie de glucocorticoïde est supérieure à une dose substitutive (de 5 à 7mg d’équivalent prednisone), il ne doit pas y avoir d’insuffisance surrénalienne clinique et le traitement doit être adapté uniquement en fonction de la pathologie de fond ayant imposé la corticothérapie.

En cas de stress majeur, cependant, ou si des signes cliniques d’insuffisance surrénalienne apparaissent, le traitement peut transitoirement être majoré, ou une substitution par hydrocortisone ajoutée, pour avoir une posologie de glucocorticoïde en moyenne équivalente à 40 à 60 mg d’hydrocortisone (10 à 15 mg de prednisone, à adapter en fonction du poids et des données cliniques).

Si la pathologie de fond permet de réduire progressivement le traitement glucocorticoïde jusqu’à l’équivalent de 5 mg/j de prednisone et que l’arrêt complet de la corticothérapie est envisagé, un traitement substitutif par hydrocortisone est alors introduit.

La posologie est alors de 10 mg d’hydrocortisone matin et midi. Si le patient ne présente pas de manifestations pouvant évoquer une insuffisance surrénalienne, la dose de 20 mg d’hydrocortisone est ensuite administrée en une prise le matin pour favoriser la stimulation de l’axe corticotrope.

Le patient doit à ce stade être considéré comme étant en insuffisance surrénalienne.

Il est nécessaire, en cas de stress, d’augmenter transitoirement la posologie du traitement substitutif (par exemple 20 mg le matin, 10 mg le midi et le soir, à adapter en fonction de l’évolution clinique) ou de réaliser une injection intramusculaire d’hydrocortisone si surviennent des troubles digestifs avec vomissements.

Une carte d’insuffisance surrénalienne doit être remise au patient.

Si l’évolution est favorable après 2 à 8 semaines de substitution par hydrocortisone à 20 mg/j, une évaluation hormonale de la fonction corticotrope peut être proposée dans le but d’interrompre la substitution.

Le test au Synacthène immédiat est alors l’examen de choix.

Il est préférable de ne pas réaliser immédiatement le test au Synacthène dès le sevrage de la corticothérapie car l’inertie de l’axe corticotrope conduit alors dans plus de la moitié des cas à une réponse insuffisante et donc à la nécessité d’une substitution.

Une cortisolémie de base à 8 h supérieure à 100 ng/mL et un pic de cortisolémie après Synacthène supérieur à 210 ng/mL permettent de conclure à une fonction surrénalienne normale et d’arrêter l’hydrocortisone.

Si la cortisolémie de base est inférieure à 100 ng/mL, et après Synacthène inférieure à 210 ng/mL, le patient est en insuffisance surrénalienne et le traitement substitutif doit être maintenu.

Le test au Synacthène peut être de nouveau réalisé après 3 à 6 mois.

Dans les cas discordants où la cortisolémie de base est supérieure à 100 ng/mL mais le pic après Synacthène inférieur à 210 ng/mL, ou à l’inverses si la cortisolémie de base à 8 h est inférieure à 100 ng mais le pic après Synacthène supérieur à 210 ng/mL, un test à la Métopironet ou une hypoglycémie insulinique peuvent être proposés en l’absence de contre-indication.

Après 6 à 12 mois, la plupart des sujets récupèrent une fonction surrénalienne normale.

Un petit nombre de patients ayant reçu une corticothérapie prolongée à fortes doses peut cependant rester en insuffisance surrénalienne de façon durable, voire définitive.

Ce cas de figure est imprévisible.

Le déficit corticotrope entraîne un déficit en cortisol mais aussi en androgènes surrénaliens.

La place du traitement substitutif par déhydroépiandrostérone pour compenser ce déficit androgénique n’est pas encore définie et ce traitement n’est pas commercialisé en France.

Certaines études seraient en faveur d’un bénéfice de ce traitement chez la femme.

Il est important de veiller à ne pas entretenir le déficit corticotrope par un surdosage en hydrocortisone prescrite à visée substitutive.

De plus, un surdosage pourrait à long terme entretenir les effets néfastes de la corticothérapie, en particulier sur l’os.

À l’inverse, il est nécessaire d’augmenter chez les patients en situation de stress la posologie de cette substitution.

L’éducation du patient est, dans ce traitement évolutif au fil du temps et de la récupération éventuelle de la fonction surrénalienne, un aspect de la prise en charge à ne pas négliger.

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