Chordomes

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Introduction :

Le chordome est une tumeur dysembryoplasique qui dérive des reliquats de la notochorde foetale, cordon cellulaire dérivé de l’ectoderme apparaissant à un stade précoce de l’embryogenèse.

Ce cordon, sous-jacent au tube neural, constitue le premier squelette axial de l’embryon.

Des vestiges de la notochorde sont présents dans le nucleus pulposus des disques intervertébraux, des corps vertébraux, du sacrum, de l’apophyse basilaire de l’occipital et du sphénoïde.

Une dégénérescence maligne de ces reliquats est à l’origine du chordome.

Depuis sa description par Ribbert en 1894, plus de 1 000 cas de chordomes ont été rapportés, la série la plus importante restant celle de la Mayo Clinic, avec 356 cas.

Ce sont des tumeurs à évolution lente que l’on observe à la base du crâne, au sacrum ou sur la colonne vertébrale.

Elles constituent, selon les séries, de 3 à 7 % des tumeurs malignes primitives du squelette.

Dans la série de la Mayo Clinic, les chordomes représentent 4,14 % des tumeurs osseuses malignes.

L’âge de survenue se situe entre 40 et 70 ans, avec une prédominance masculine de un pour trois.

Chordomes

Le chordome de la base du crâne se manifeste plus précocement entre 30 et 60 ans avec une prépondérance masculine moins nette.

Le chordome de l’enfant est exceptionnel et atteint en général la base du crâne et le rachis cervical.

De rares cas ont été décrits chez le nouveau-né ou chez le sujet âgé de plus de 80 ans.

Le chordome reste à l’heure actuelle un enjeu thérapeutique difficile en raison de ses localisations.

Lentement évolutif, il n’en reste pas moins une lésion maligne, comme en témoignent son comportement locorégional agressif et l’apparition possible de métastases à distance.

Localisation :

Les chordomes se développent presque exclusivement sur le squelette axial.

Sur l’ensemble des séries rapportées, 50 % sont sacrococcygiens, 35 % sphéno-occipitaux et 15 % vertébraux.

Dans la série de la Mayo Clinic, sur 51 tumeurs vertébrales, 22 étaient de siège cervical, 18 de siège lombaire et 11 seulement de siège thoracique. Le chordome sacrococcygien, de loin la localisation la plus fréquente, atteint préférentiellement les segments sacrés distaux S3, S4 ou S5, et plus rarement les segments S1-S2.

Les localisations multiples d’emblée non métastatiques sont exceptionnelles, de même que les localisations osseuses en dehors de l’axe craniorachidien (orbite, sinus frontal, maxillaire supérieur, écaille de l’occiput et omoplate).

Il existe de très rares parachordomes (chordomes périphériques) qui ne diffèrent des chordomes habituels que par leur siège extraosseux et dont l’explication n’est pas claire.

On décrit enfin des chordomes cutanés qui partagent avec les chordomes osseux les mêmes aspects histologiques, mais sont bénins, avec des caractéristiques cliniques entièrement différentes.

Clinique :

La symptomatologie est variable selon le siège et la taille de la tumeur.

Ce sont des tumeurs d’évolution lente et souvent d’emblée volumineuses au moment du diagnostic dont le caractère souvent tardif s’explique par la discrétion initiale des signes cliniques.

A – LOCALISATIONS SACROCOCCYGIENNES :

Les signes habituels (douleurs, coccygodynies, hémorroïdes, contractures musculaires et attitudes antalgiques) n’ont rien de spécifique.

Lorsque le volume tumoral augmente, apparaissent des signes de compression neurologique (radiculalgies, sciatalgies, déficits sensitivomoteurs, syndrome de la queue-de-cheval), digestive (constipation et faux besoins) et urinaire (dysurie et pollakiurie).

L’examen clinique est essentiel car les signes radiologiques sur les clichés simples du bassin peuvent être très discrets, voire absents.

La tumeur est presque constamment accessible au toucher rectal qui montre une masse ferme, indolore, faisant corps avec le sacrum et refoulant le rectum vers l’avant.

La palpation d’une masse postérieure médiane ou paramédiane est plus rare mais doit être recherchée.

B – LOCALISATIONS SPHÉNO-OCCIPITALES :

Selon le degré d’extension des lésions, la symptomatologie associe des signes neurologiques (paralysie des nerfs crâniens avec diplopie, réduction du champ visuel, cécité, syndrome cérébelleux), des troubles endocriniens par envahissement de la loge pituitaire (aménorrhée, stérilité, perte de la libido, gain pondéral), des manifestations d’hypertension intracrânienne et plus rarement des crises comitiales.

En cas de développement antérieur, on peut observer un mouchage, une obstruction des fosses nasales et une masse pharyngée ou palatine.

C – LOCALISATIONS VERTÉBRALES :

Dans les formes cervicales, l’extension antérieure peut comprimer les voies aérodigestives et provoquer une dysphagie, voire une dyspnée.

La tumeur est alors accessible à la palpation pharyngée et aux examens du carrefour laryngopharyngé.

En cas de développement postérieur, peuvent survenir des troubles neurologiques graves pouvant aller jusqu’à la quadriplégie. Dans les formes dorsolombaires, la symptomatologie est banale au début (dorsalgies, lombalgies, contractures musculaires).

Lors de l’évolution, peuvent survenir des douleurs radiculaires et parfois un syndrome de compression médullaire avec constitution d’une paraplégie.

Dans ces formes vertébrales, la tumeur n’est jamais directement accessible à l’examen clinique, ce qui peut retarder le diagnostic en l’absence du recours à l’imagerie.

Étude radiologique :

Le diagnostic radiologique des chordomes est difficile.

Il peut être porté sur les éléments suivants : une localisation axiale sur le sacrum ou le clivus, une lyse géographique ou lobulée centrale, une masse des parties molles, centrale ou latérale, et des restes d’os détruit.

Il faut penser de manière systématique au diagnostic de chordome quand ces éléments sont réunis.

A – RADIOLOGIE STANDARD :

L’ostéolyse est constante mais non pathognomonique.

Elle est plus ou moins étendue, irrégulière, mal limitée, parfois associée à des calcifications intratumorales ou péritumorales.

Cette destruction osseuse est habituellement nette à l’étage moyen et inférieur de la base du crâne, avec des modifications du clivus et de la selle turcique élargie de profil.

En cas d’extension antérieure, il y a une masse opaque refoulant, sur les clichés de profil, la paroi pharyngée postérieure. Sur le sacrum et les vertèbres, l’ostéolyse centrosomatique est moins nette.

Elle intéresse d’abord le corps du sacrum et les trous sacrés, puis les ailerons sacrés.

Le point de départ est souvent latéral (effacement d’un trou sacré) avant d’envahir la partie inférieure du sacrum.

La masse des parties molles refoule les clartés gazeuses vers l’avant et contient, dans 25 % des cas, des calcifications semblables à celles des tumeurs cartilagineuses, des résidus osseux s’étendant vers la masse des parties molles et des calcifications curvilignes.

Les chordomes du rachis se développent à partir de la région antérolatérale des vertèbres.

Ils envahissent le corps vertébral et peuvent s’étendre aux vertèbres adjacentes à travers l’espace discal.

Il y a une atteinte de plusieurs vertèbres contiguës dans la moitié des cas, en particulier à l’étage cervical, ce qui serait très évocateur.

Les localisations dorsolombaires sont en revanche généralement univertébrales, débutant par un tassement vertébral postérieur qui s’étend ensuite au pédicule.

Les formes principalement ostéocondensantes semblent plus fréquentes que dans les autres localisations.

Les clichés standards montrent souvent une masse tumorale des parties molles en avant de l’axe rachidien, avec un aspect en fuseau.

Des calcifications semblables à celles décrites dans les autres localisations peuvent être observées.

B – TOMODENSITOMÉTRIE :

Les aspects en tomodensitométrie (TDM) sont semblables, quelle que soit la localisation. Plusieurs descriptions ont été publiées depuis 1983.

La topographie, l’importance et les limites de l’ostéolyse sont très bien visualisées.

L’extension tumorale dans les parties molles se présente comme une masse polylobée à bords nets, de développement antérieur ou latéral, contenant souvent des zones hypodenses séparées par des septa, surtout après injection de produit de contraste.

Les calcifications sont mieux visibles qu’en radiographie standard.

Elles sont présentes dans 87 % des chordomes sacrococcygiens et dans 40 % des chordomes du rachis mobile.

L’examen en TDM permet de dépister un envahissement canalaire non soupçonné cliniquement, et parfois un envahissement discal.

C – IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE :

En imagerie par résonance magnétique (IRM), le chordome se caractérise par un hypo- ou isosignal en pondération T1 et un hypersignal en pondération T2, en raison de la matrice gélatineuse ou semi-solide de la tumeur.

Les coupes sagittales et frontales précisent au mieux la topographie et les rapports avec les structures vasculaires et les extensions nerveuses, en particulier intracanalaires qui sont mieux visibles après injection intraveineuse de gadolinium.

Tous les chordomes prennent le contraste.

Ils sont presque toujours hétérogènes après injection.

Les chordomes de la base du crâne se manifestent par une extension postérieure à la citerne pontique, une masse lobulée en « rayons de miel » après injection de gadolinium, un englobement fréquent des structures vasculaires comme le polygone de Willis et un envahissement du sinus caverneux et du tronc cérébral.

D – AUTRES TECHNIQUES D’IMAGERIE :

La scintigraphie osseuse au technétium (99mTc) n’est pas un examen performant pour étudier l’importance de la destruction osseuse et de l’extension tumorale.

Elle peut être normale, mais montre le plus souvent une hypofixation au sein de la zone détruite par la tumeur, contrastant avec une hyperfixation à la périphérie tumorale.

L’artériographie, le lavement baryté et l’urographie ne montrent que des signes indirects et n’ont donc plus d’intérêt diagnostique.

E – BILAN D’EXTENSION :

La guérison des chordomes ne peut être obtenue que par un geste chirurgical large laissant des marges saines.

Il est donc indispensable d’avoir une évaluation préopératoire aussi précise que possible de la topographie de la tumeur et de ses extensions.

À l’heure actuelle, la TDM et surtout l’IRM apportent les meilleurs renseignements et sont donc indispensables au bilan d’extension.

Le rendement du scanner est meilleur que celui de l’IRM pour la précision de l’atteinte osseuse.

L’IRM est indiscutablement supérieure à la TDM en ce qui concerne le contraste entre masse tumorale et tissus mous.

L’invasion musculaire est en particulier plus facilement visualisée en IRM, notamment lors des récidives.

Les coupes sagittales d’IRM en pondération T2, qui montrent très bien les extensions tumorales dans le canal rachidien, remplacent la myélographie dont les indications sont à présent exceptionnelles.

L’artériographie a parfois été utilisée pour compléter le bilan d’extension ou pour pratiquer une embolisation préopératoire.

À l’heure actuelle, l’angiographie TDM ou IRM peut fournir des informations suffisantes sur les rapports vasculaires.

En cas de tumeur volumineuse ou de récidive, il est utile de rechercher des extensions ganglionnaires et des métastases à distance, en particulier pulmonaires.

D’autres localisations secondaires peuvent être recherchées en fonction des signes d’appel.

Anatomie pathologique :

Les prélèvements tumoraux sont obtenus par une ponction au trocart ou une biopsie chirurgicale, en veillant à utiliser une voie d’abord qui ne contamine pas une région anatomique saine et qui peut être systématiquement incluse dans la pièce d’exérèse.

Pour les localisations sacrées et rachidiennes, une biopsie par voie postérieure est la règle.

Une biopsie transrectale pour les tumeurs sacrées est fortement déconseillée, car elle risque d’entraîner la dissémination de cellules tumorales aux tissus avoisinants et nécessite dès lors d’inclure le rectum initialement indemne dans la pièce de résection chirurgicale.

Pour les localisations sphénoïdales, la voie rhinoseptale est la voie habituelle, la seule qui conduit sur la région sellaire et partiellement sur le clivus.

A – FORME TYPIQUE :

À l’examen macroscopique, la tumeur peut mesurer de quelques centimètres jusqu’à 20 ou 30 cm.

Elle est encapsulée, sauf sur sa surface osseuse d’insertion, et sa consistance est élastique.

À la coupe, le tissu est fréquemment lobulé, d’apparence gélatineuse, mucoïde ou blanchâtre. Des foyers d’ossification ou de calcification sont possibles.

À l’examen microscopique, le chordome se caractérise par une architecture lobulée constante avec des septa fibreux, une matrice mucoïde et des cellules de morphologie variée : épithéliales, rondes, fusiformes, géantes, multinucléées.

Les éléments cellulaires sont disposés en cordons, travées ou massifs, avec un cytoplasme éosinophile ou vacuolaire.

Ces vacuoles de mucus sont variables en nombre et en taille, les plus volumineuses d’entre elles constituant les cellules physaliphores, considérées comme caractéristiques, mais pouvant manquer sur de simples fragments biopsiques ou une aspiration à l’aiguille.

Malgré un certain degré de polymorphisme, la présence de mitoses et d’atypies nucléaires est rarement notée et non corrélée au pronostic.

B – FORMES ANATOMOCLINIQUES PARTICULIÈRES :

On distingue des formes avec un matériel mucoïde prédominant, simulant un adénocarcinome colloïde muqueux, des formes avec foyers chondroïdes définissant le chordome chondroïde et des formes de chordome dédifférencié contenant des secteurs sarcomateux.

Le chordome chondroïde est une forme rare de chordome localisé dans la synchondrose sphéno-occipitale.

Il atteint préférentiellement les sujets jeunes (âge moyen 35 ans) de sexe féminin et peut aussi s’observer chez l’enfant.

Ce chordome se caractérise par un pronostic bien meilleur que celui des chordomes habituels.

Les foyers chondroïdes peuvent être visibles radiologiquement sous forme de calcifications et revêtent un aspect histologique de chondromes ou de chondrosarcomes bien différenciés, pouvant à tort faire porter un faux diagnostic.

Le chordome dédifférencié est une forme rare (moins de 5 % des cas) comportant un large composant sarcomateux de haut grade de malignité (fibrosarcome ou histiocytofibrome malin).

Cette transformation sarcomateuse peut être présente d’emblée, lors d’une récidive, ou après une irradiation.

Il s’agit d’une forme agressive, avec des métastases précoces qui ne contiennent, dans la majorité des cas, que le composant anaplasique.

C – HISTOPRONOSTIC :

La présence de secteurs sarcomateux est un élément de mauvais pronostic, en général corrélé avec la survenue de métastases hématogènes précoces, notamment pulmonaires.

La présence d’une différenciation chondroïde est un élément de bon pronostic, mais cette forme n’intéresse que la région sphéno-occipitale.

Hormis ces deux formes anatomocliniques, il est impossible d’établir un histopronostic pour les chordomes habituels.

Ni le pléomorphisme, ni la présence de mitoses ou d’atypies nucléaires n’ont de réelle valeur pronostique.

D – DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

Il repose sur l’examen anatomopathologique, bien que certains aspects de l’imagerie puissent faire discuter, selon l’âge et la localisation, un chondrosarcome ou une métastase.

Il faut néanmoins évoquer systématiquement un chordome lorsque la lésion est située aux extrémités de l’axe rachidien ou sur les corps vertébraux.

Chez l’enfant, les chordomes sacrés doivent être distingués des tératomes dans cette même région.

Sur le plan histologique, le diagnostic de chordome est relativement aisé, mais des difficultés diagnostiques peuvent être rencontrées avec des carcinomes ou des sarcomes.

L’immunohistochimie et l’étude ultrastructurale constituent alors un complément intéressant au diagnostic.

Le chordome doit être distingué des carcinomes à cellules claires et des adénocarcinomes mucosécrétants, en particulier dans les formes à stroma mucoïde prédominant.

La positivité observée pour le chordome avec les anticorps antivimentine (100 % des cas) et antiprotéine S100 (64 % des cas) permet de redresser le diagnostic.

Il est parfois difficile de différencier un chordome des différentes variétés de sarcomes d’aspect myxoïde : chondrosarcome, liposarcome, sarcome chordoïde.

La positivité du chordome pour la 5’ nucléotidase, associée à la membrane cytoplasmique et pour les marqueurs épithéliaux dans 95 % des cas (anticorps anti-EMA et anticytokératine) est ici essentielle.

En effet, le chordome semble être la seule tumeur dont les cellules expriment une triple positivité simultanée pour les cytokératines, la vimentine et la protéine S100.

Les études cytogénétiques sont encore peu nombreuses, mais révèlent des anomalies chromosomiques qui prédominent sur le chromosome Ip dans les rares cas qui ont pu être étudiés.

Évolution et pronostic :

Higinbotham et al rapportaient en 1967, sur une série de 46 chordomes, une survie globale de l’ordre de 50 % à 5 ans, de 25 % à 10 ans et de 5 % à 20 ans, tous traitements confondus.

Cependant, les auteurs rapportaient moins de 10 % de patients en vie à 5 ans sans récidive ni métastases.

La durée de survie moyenne dépend de la localisation du chordome.

Elle est de 7 ans pour les localisations sacrococcygiennes, de 6 ans pour les localisations rachidiennes lombaires et de 18 mois pour les localisations craniorachidiennes.

La survie apparaît cependant améliorée pour les séries les plus récentes, en raison des progrès chirurgicaux permettant des résections de plus en plus larges.

Pour les chordomes lombosacrés, des taux de survie globale aux alentours de 80 % à 5 ans et 30 % à 10 ans, tous traitements confondus, ont été rapportés.

Le taux de survie à 5 ans sans maladie oscille entre 40 et 60 %.

Pour les chordomes du rachis mobile, des taux de 58 % de survie à 5 ans ont été rapportés après un traitement chirurgical.

L’évolution est surtout locale, avec la survenue de récidives fréquentes et multiples dont le taux varie de 45 à 80 % selon les séries, quel que soit le traitement entrepris.

Sur toutes les séries publiées, ces récidives s’avèrent inéluctables en cas de curetage ou d’exérèse incomplète ou marginale.

Seule une résection radicale semble offrir au patient une survie prolongée sans maladie au-delà de 5 ans, mais n’exclut pas cependant la survenue de récidives tardives.

York et al rapportent un délai moyen d’apparition des récidives de 2,27 ans après exérèse radicale contre 8 mois après exérèse incomplète, avec une différence significative.

Ces récidives sont probablement secondaires à la persistance de résidus tumoraux, ce qui confirme l’importance d’un bilan d’imagerie préopératoire très précis et d’une résection tumorale large.

Le dépistage précoce de récidives est difficile par la surveillance clinique.

Un suivi régulier annuel par des examens d’imagerie, tomodensitométrie et surtout IRM, est indispensable pour détecter une récidive qui peut être encore accessible à une chirurgie radicale, seule chance de guérison pour le patient.

Le décès survient par compression nerveuse locale ou invasion du canal neural, rarement par dissémination métastatique, avec, en fin d’évolution, une accentuation des troubles neurologiques et un état d’invalidité fréquent.

Les métastases du chordome se font essentiellement par voie sanguine.

Pendant de nombreuses années, elles ont été considérées comme rares et tardives, avec une incidence inférieure à 10 %.

En réalité, leur fréquence varie de 0 à 43% selon les séries.

Elles surviennent en moyenne 6 ans après le diagnostic (de 1 à 10 ans).

Les poumons, le foie et les ganglions lymphatiques sont les sites métastatiques les plus fréquents.

Les localisations osseuses sont plus rares et concernent surtout le rachis.

Des métastases cérébrales, cutanées et mammaires ont également été décrites.

La survie prolongée pour les chordomes du sacrum, les récidives multiples et la radiothérapie, joueraient un rôle dans la survenue des métastases.

Traitements :

A – CHIMIOTHÉRAPIE :

Elle n’a pas fait la preuve de son efficacité, bien que des résultats encourageants aient été publiés pour les chordomes dédifférenciés et métastatiques.

B – EMBOLISATION :

Les embolisations sont envisageables avant la chirurgie pour diminuer les saignements ou à titre palliatif et antalgique quand les possibilités de la chirurgie sont dépassées.

C – RADIOTHÉRAPIE :

La radiothérapie, bien que non curative, a depuis longtemps fait la preuve de son efficacité durable sur le volume tumoral et la douleur.

Il est possible d’obtenir un effet palliatif à partir d’une dose minimale de 40 Gy, mais certains auteurs recommandent l’utilisation de doses entre 60 et 70 Gy pour un effet plus efficace.

Cependant, l’irradiation à fortes doses se heurte au risque de radiotoxicité dès 30-40 Gy, en particulier de la moelle. Par ailleurs, il ne semble pas exister de différence significative en termes de survie entre l’utilisation de doses supérieures ou inférieures à 50 Gy.

Les patients qui répondent à une première irradiation répondent en général à une deuxième cure, même avec une dose plus faible de rayons.

En revanche, il est inutile de renouveler un traitement par irradiation en cas de poursuite évolutive, à cause du risque de complications potentiellement mortelles.

La radiothérapie a longtemps été considérée comme un traitement palliatif pour les cas inopérables ou les récidives tumorales.

Or, son efficacité supérieure sur les résidus tumoraux microscopiques fait de la radiothérapie un complément intéressant de la résection chirurgicale.

Deux études ont montré que la radiothérapie pratiquée au décours d’une résection incomplète du sacrum améliorait de façon significative la survie sans maladie.

En cas de lésion de la base du crâne, l’exérèse chirurgicale n’est pratiquement jamais complète et le contrôle local ne peut pas être obtenu par une irradiation conventionnelle.

Dans ces cas, il faut envisager le recours à des irradiations en condition stéréotaxique ou par des faisceaux de particules.

Dans une série de 48 patients irradiés, la survie était de 62 mois après la date du diagnostic et il n’y avait aucune différence entre les localisations du clivus et les autres.

Il n’a été observé qu’une réponse complète et aucune réponse partielle, mais il a été noté un bénéfice subjectif chez la plupart des patients.

L’utilisation de la radiothérapie serait plus efficace en postopératoire qu’en préopératoire pour assurer un effet palliatif significatif et durable.

Enfin, il est préférable de pratiquer la radiothérapie dans la période postopératoire, après obtention de la cicatrisation, car une irradiation préopératoire augmente le risque de nécroses cutanées et d’infections postchirurgicales.

D – CHIRURGIE :

En l’absence d’efficacité curative de la chimiothérapie et de la radiothérapie, la chirurgie constitue le traitement principal du chordome.

Nous traitons principalement dans ce chapitre de l’exérèse chirurgicale du chordome sacrococcygien, localisation de loin la plus fréquente, dont nous avons l’expérience sur une série de 11 cas.

La chirurgie radicale est le traitement de choix quand elle est techniquement réalisable.

Les récidives tumorales s’avèrent inéluctables en cas de curetage ou d’exérèse incomplète ou marginale.

Seule une résection radicale passant au large de la tumeur, avec ou sans radiothérapie, semble offrir au patient une survie prolongée sans maladie au-delà de 5 ans, mais n’exclut pas la survenue de récidives, même tardives.

La radiothérapie complémentaire a de ce fait une place prépondérante.

1- Chordomes sacrococcygiens :

* Notions de base :

Le chordome du sacrum est une tumeur maligne de croissance lente et insidieuse, dont le volume tumoral est d’emblée majeur (supérieur à 10 cm dans deux tiers des cas) lorsque le patient vient consulter.

Une sacrectomie radicale n’est donc réalisable que dans 10 à 50 % des cas selon les séries.

Une extension tumorale antérieure est constante, mais elle est aussi associée, dans environ 60 % des cas, à une rupture corticale postérieure et une extension dans les muscles glutéaux.

Un bilan d’imagerie préopératoire aussi précis que possible est donc indispensable afin de planifier le geste chirurgical.

La crainte des séquelles neurologiques a longtemps fait hésiter les chirurgiens à pratiquer la résection d’une portion plus ou moins importante de sacrum et des racines nerveuses correspondantes.

Malheureusement, en l’absence de traitement ou en cas de récidive, l’évolution de la tumeur finit par entraîner des troubles neurologiques sévères avec une paralysie complète de la queue-decheval et une atteinte des membres inférieurs.

Les conséquences des résections sacrées sont maintenant bien connues, notamment grâce aux études de Stener et Gunterberg.

Les troubles neurologiques sont dominés par l’atteinte des fonctions sphinctériennes et sont plus ou moins sévères selon le niveau de la sacrectomie.

Tant que les racines S1 sont conservées, les troubles neurologiques sur les membres inférieurs sont rares.

Le sacrifice unilatéral des nerfs sacrés ou la conservation des trois premières racines sacrées d’un côté, et des deux premières racines controlatérales, n’entraîne que peu de troubles, avec une fonction sphinctérienne proche de la normale.

Quand le niveau d’exérèse se situe en S2, les racines S1 peuvent être conservées, mais les autres nerfs sont inclus dans la pièce de résection.

Le déficit neurologique est mineur sur les membres inférieurs, alors que les troubles génitaux et sphinctériens sont majeurs, à type d’impuissance, d’incontinences urinaire et anale.

Cependant, la conservation des racines S2 limite d’environ 50 % la sévérité des troubles neurologiques. Si la tumeur atteint le sacrum jusqu’au niveau S1, tous les nerfs sacrés doivent être inclus dans la pièce opératoire.

Les troubles génitosphinctériens sont identiques.

Les troubles neurologiques sur les membres inférieurs sont plus sévères en raison du sacrifice des racines S1, mais une fonction motrice reste possible par l’innervation des racines L5.

La chirurgie des tumeurs du sacrum inclut également la résection d’une bonne partie des muscles grand glutéal et piriforme, mais l’extension active de hanche reste possible par l’action compensatrice des muscles ischiojambiers et adducteurs.

La conservation du corps de la première vertèbre sacrée suffit à préserver la stabilité de la ceinture pelvienne.

En revanche, les sacrectomies totales nécessitent théoriquement une restauration de la continuité pelvienne qui peut être réalisée par une arthrodèse iliolombaire instrumentée permettant une verticalisation et une déambulation précoce du patient.

Cependant, pour certains auteurs, la stabilité axiale est suffisamment assurée par le développement du « hamac biologique », formé par les muscles attachés d’une part sur l’anneau pelvien, et d’autre part sur la partie distale de la dernière vertèbre lombaire laissée en place.

L’opéré est alors immobilisé en décubitus dorsal pendant 8 à 12 semaines, puis verticalisé progressivement dans une orthèse en plastique.

* Méthodes chirurgicales :

On a le choix entre la résection et le curetage endolésionnel.

+ Résection radicale :

Passant à distance de la tumeur, avec une marge de tissus sains d’au moins 1 cm, c’est le traitement de choix sur le plan carcinologique.

Il faut distinguer les sacrectomies hautes (niveaux S1 et S2) des sacrectomies basses (niveaux S3, S4 et S5). Les sacrectomies basses sont des interventions peu hémorragiques et relativement rapides pour un chirurgien entraîné (en moyenne 3 heures).

Elles sont réalisées par voie postérieure isolée et se compliquent rarement.

En revanche, il faut insister sur la durée et le saignement importants des amputations hautes du sacrum, chirurgie lourde, compliquée dans environ 30 à 40 % des cas de surinfection locale nécessitant parfois une, voire plusieurs réinterventions.

L’utilisation d’une voie postérieure isolée ou d’une voie combinée reste discutée selon les auteurs : MacCarthy, Localio, Stener et Gunterberg recommandent une double voie, antérieure et postérieure, à une ou deux équipes.

Pour Localio, l’intervention est menée par deux équipes, simultanément, sur un opéré en décubitus latéral.

Pour Stener, l’intervention est assurée par une seule équipe en commençant par une voie d’abord antérieure sur un opéré en décubitus dorsal, puis une voie postérieure après avoir retourné le patient en décubitus ventral.

En revanche, d’autres auteurs ont réalisé, par voie postérieure isolée, des amputations hautes du sacrum.

Dans l’abord antérieur par voie médiane sous-péritonéale, les vaisseaux iliaques internes sont ligaturés, ainsi que les vaisseaux sacrés médians et latéraux.

Les chaînes sympathiques sont sectionnées à hauteur de S1 et le tronc lombosacré est soigneusement préservé.

La corticale antérieure du sacrum est attaquée au ciseau sur la ligne médiane, en zone saine, au-dessous des racines sacrées que l’on peut conserver.

L’abord postérieur est réalisé en décubitus ventral par une incision médiane dans le sillon interfessier prolongé par deux branches latérales légèrement arciformes en direction des crêtes iliaques.

La zone de biopsie est systématiquement incluse dans la pièce opératoire par une résection en « quartier d’orange ».

Les muscles grand glutéal, piriforme, ischiococcygien, les ligaments sacrosciatiques sont sectionnés à distance de toute tumeur palpable.

Le raphé anococcygien et les muscles releveurs de l’anus sont sectionnés à la pointe du coccyx pour accéder à la face antérieure du sacrum, en passant manuellement dans le plan de clivage entre tumeur et rectum.

Ce plan de clivage est constant lors d’une chirurgie première, car les tumeurs malignes du sacrum respectent pendant longtemps le périoste, ainsi que le fascia présacré, malgré l’existence d’une ostéolyse de la corticale antérieure.

L’ostéotomie du sacrum est ensuite réalisée au ciseau à frapper, d’arrière en avant et oblique de bas en haut en suivant les trous sacrés, sous contrôle de la main de l’opérateur glissée à la face antérieure du sacrum.

Lorsque l’ostéotomie se situe en S1 ou S2, une portion des ailes iliaques est emportée dans la pièce d’exérèse, ce qui n’a aucune conséquence sur la stabilité de la ceinture pelvienne.

Lorsque l’ostéotomie se situe à la partie basse du corps de S2, une section en chevron permet de conserver les racines S2 émergeant latéralement tout en préservant les articulations sacro-iliaques.

La mobilisation du sacrum permet alors la section des lames sacrorecto- génito-pubiennes et des racines sacrées émergeant sous le trait d’ostéotomie.

En fin d’intervention, le sac dural est suturé afin d’éviter toute fuite de liquide céphalorachidien.

La voie postérieure isolée nous semble suffisante pour réaliser une exérèse radicale du sacrum jusqu’au niveau S2 compris, à la condition toutefois que l’extension pelvienne ne soit pas trop volumineuse, car elle peut gêner le contrôle manuel du niveau d’ostéotomie.

Lorsque le niveau d’ostéotomie se situe en S1, une voie postérieure est insuffisante pour assurer par un seul contrôle manuel le niveau supérieur de la coupe.

Dans ce cas de figure, il nous semble préférable de pratiquer une voie combinée ou d’associer une ostéotomie de l’aile iliaque à la voie postérieure afin d’aborder directement la face antérieure du sacrum comme le proposent certains auteurs.

En cas d’amputation complète du sacrum étendue aux vertèbres L4-L5, la voie combinée ne se discute pas.

+ Curetage endolésionnel :

C’est la deuxième méthode, consistant à pénétrer dans la tumeur par une voie postérieure et à retirer tout le tissu tumoral, de façon la plus complète possible.

Ce curetage doit être soigneux, même s’il n’est pas carcinologiquement satisfaisant, dans l’espoir de diminuer la rapidité des récidives.

Ce traitement par curetage doit être réservé à des patients très âgés ou à des patients dont le volume de la tumeur ne permet pas une exérèse satisfaisante.

Mieux vaut alors se contenter d’un curetage associé à une radiothérapie complémentaire.

2- Chordomes sphéno-occipitaux :

Le traitement du chordome sphéno-occipital est du domaine de la neurochirurgie.

Les possibilités d’exérèse chirurgicale du sphénoïde ont transformé le pronostic de certaines de ces tumeurs, chez des patients voués à une cécité progressive par une croissance inéluctable de la tumeur.

La voie transbasale (Derôme), associée à une voie rhinoseptale ou une voie transorale, donne une large ouverture sur l’étage antérieur et moyen de la base du crâne.

Elle doit sacrifier les bulbes olfactifs, pour permettre de relever le pôle frontal des hémisphères cérébraux.

Par cet abord, il est possible de contrôler les structures vasculonerveuses et de pratiquer la résection de la quasi-totalité du sphénoïde, sauf les apophyses clinoïdes postérieures et la selle turcique.

Elle permet également d’effectuer une reconstruction de la base du crâne, indispensable pour éviter les risques septiques secondaires à la contamination des espaces sous-arachnoïdiens à partir des cavités aériennes supérieures.

Cette réparation basale comporte : une réparation méningée, en cas de sacrifice de la dure-mère, par autogreffe dermique ou péricrânienne ; une réparation osseuse par autogreffe iliaque ou costale ; une réparation muqueuse par une bonne couverture de la greffe osseuse.

Cette chirurgie majeure et lourde, exigeant une expérience certaine, s’adresse à des tumeurs peu volumineuses et encore extirpables.

La chirurgie d’exérèse tumorale n’est le plus souvent que partielle par curetage endotumoral.

Elle se fait par voie transcervicale, transorale (buccopharyngée) ou encore rhinoseptale simple.

Ces voies, par leur étroitesse et leur profondeur, rendent d’ailleurs illusoire toute tentative de résection de la tumeur en totalité.

3- Chordomes vertébraux :

Les chordomes du rachis se développent à partir de la région antérolatérale des vertèbres.

Ils envahissent le corps vertébral et peuvent s’étendre aux vertèbres adjacentes à travers l’espace discal.

Il est très difficile de réaliser une chirurgie carcinologique dans ces localisations, compte tenu de la proximité des éléments nerveux.

La radiothérapie est donc un complément indispensable.

En cas de localisation limitée au corps vertébral, une voie d’abord antérolatérale (cléido-sterno-mastoïdienne, transthoracique ou rétropéritonéale selon l’étage) est en général suffisante pour réaliser l’exérèse de la tumeur à l’aide de ciseau à frapper et de curettes.

En cas d’extension à l’arc postérieur, il est nécessaire de pratiquer une double voie antérieure et postérieure pour exciser la lésion en totalité.

L’excision tumorale est suivie d’une reconstruction par greffe associée à une stabilisation par du matériel d’ostéosynthèse.

Conclusion :

L’exérèse radicale, à chaque fois qu’elle est réalisable, reste le traitement de choix des chordomes.

Un bilan d’imagerie préopératoire associant scanner et IRM est indispensable pour préciser l’extension tumorale et planifier le geste chirurgical.

Cependant, l’exérèse radicale n’évite pas toujours la survenue de récidives, même tardives.

L’efficacité de la radiothérapie étant d’autant meilleure que le volume tumoral résiduel est microscopique, nous conseillons son utilisation systématique au décours de toute résection, même macroscopiquement satisfaisante.

La radiothérapie garde également ses indications de traitement complémentaire en cas de tumeur inopérable et de récidive tumorale.

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