Chondrosarcomes intraosseux

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Introduction :

Le titre « Chondrosarcomes » au pluriel est volontaire.

En effet, il existe plusieurs formes cliniques et histologiques de chondrosarcomes.

Nous décrivons d’abord la forme habituelle, puis les formes particulières que sont les chondrosarcomes secondaires, les chondrosarcomes à cellules claires, les chondrosarcomes mésenchymateux, les chondrosarcomes périostés, les chondrosarcomes dédifférenciés et les chondrosarcomes myxoïdes.

Forme habituelle des chondrosarcomes :

A – DÉFINITION :

Ce sont Lichtenstein et Jaffe qui, en 1943, ont défini le chondrosarcome.

Il s’agit d’un sarcome dont les cellules tumorales sont associées à une matrice cartilagineuse.

Cette composante cartilagineuse peut s’associer à un contingent fibroblastique ; en revanche, la formation d’os ne peut être qu’une ossification réactionnelle provoquée par un mécanisme d’ossification endochondrale (il ne doit pas y avoir de formation d’os tumoral).

La localisation dans l’os peut être centrale (endomédullaire) ou périphérique (à la surface de la corticale).

B – ÉPIDÉMIOLOGIE :

Le chondrosarcome est la tumeur osseuse maligne primitive la plus fréquente après l’ostéosarcome.

Chondrosarcomes intraosseux

Il représente de 11 à 22 % des tumeurs osseuses malignes primitives selon Dahlin.

D’après Dahlin et Campanacci, il existe une discrète prédominance masculine.

L’âge de survenue de ces tumeurs se situe principalement entre 40 et 70 ans.

Selon Dahlin et Campanacci, 4 % seulement des patients ont moins de 20 ans et 40 à 47 % ont plus de 40 ans.

La découverte d’un chondrosarcome avant l’âge de 20 ans doit faire évoquer le diagnostic d’ostéosarcome chondroblastique.

Environ 10 % des chondrosarcomes surviennent sur des lésions osseuses préexistantes.

C – CLINIQUE ET BIOLOGIE :

La symptomatologie est souvent discrète, avec une installation insidieuse traduisant la croissance très lente de ces tumeurs.

La durée moyenne d’évolution des symptômes est de 1 à 2 ans ; elle est plus courte pour les localisations des membres que pour les localisations pelviennes.

Les symptômes révélateurs sont, le plus souvent, une douleur ou la découverte d’une tuméfaction par le patient.

Les fractures pathologiques sont rares (3 %) ; il s’agit alors le plus souvent de tumeurs de haut grade histologique.

Le bilan biologique est habituellement normal, sans syndrome inflammatoire.

Marcove et Francis ont mis en évidence une intolérance aux hydrates de carbone lors d’hyperglycémies provoquées chez 80 % des patients atteints de chondrosarcome.

D – LOCALISATION :

Si tout le squelette peut être atteint, les sites le plus fréquemment concernés sont le pelvis (de 24 à 38 %) et le fémur proximal (de 16 à 27 %).

Les autres sites concernés sont les côtes (8 %), l’humérus proximal (9 %), le fémur distal (6 %), la scapula et le tibia proximal. Les localisations rachidiennes restent rares (1 à 7 %).

Les chondrosarcomes des os de la main et des pieds représentent moins de 3 % de toutes les localisations.

Ils surviennent habituellement sur un chondrome isolé ou entrant dans le cadre d’une maladie d’Ollier.

Les chondrosarcomes centraux sont localisés préférentiellement dans l’humérus et le fémur, et les chondrosarcomes périphériques sur les os plats (bassin, scapula, côtes).

E – IMAGERIE :

1- Radiographies standards :

Le diagnostic est souvent fortement suspecté sur les clichés standards.

Il est possible de distinguer les formes centrales et les formes périphériques.

Pour les formes centrales, la lésion est habituellement métaphysaire et s’étend davantage vers la diaphyse que vers l’épiphyse.

Il s’agit de zones ostéolytiques, étendues et bien délimitées.

La corticale est habituellement érodée selon une résorption endostée.

Cette corticale amincie peut être rompue et une réaction périostée n’est pas exceptionnelle.

Un aspect soufflé de la corticale peut également être visualisé.

Les limites des tumeurs de haut grade sont moins nettes, avec une lyse corticale plus étendue.

Dans plus de deux tiers des cas, des calcifications sont visibles dans la matrice tumorale.

Les calcifications floconneuses, en « pop-corn » sont les plus typiques.

Pour les formes périphériques, la tumeur se développe initialement à la surface de l’os et envahit les parties molles avoisinantes.

La corticale en regard est fréquemment érodée sans réaction périostée.

La tumeur peut être radiotransparente ; de petites calcifications sont cependant visualisées dans la majorité des cas.

Certaines formes sont massivement calcifiées et l’aspect est alors quasi pathognomonique.

2- Tomodensitométrie (TDM) :

La TDM permet d’apprécier plus finement la résorption et l’éventuelle rupture de la corticale.

Les calcifications intramatricielles sont aussi parfaitement visualisées avec cet examen.

3- Résonance magnétique nucléaire :

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) a surtout un intérêt pour les tumeurs radiotransparentes et dans le bilan d’extension locorégionale.

Ces tumeurs sont en hypersignal en T2 et de signal intermédiaire en T1 ; lorsqu’elles sont bien différenciées, il est possible de visualiser les lobules cartilagineux.

F – ANATOMIE PATHOLOGIQUE :

1- Macroscopie :

Les chondrosarcomes sont habituellement des tumeurs de grande taille, lobulées, aux contours souvent mal définis.

Les lobules tumoraux sont blanc nacré, gris-bleu, parfois myxoïdes.

Des foyers jaunâtres de xanthélasmalisation ou d’ossification endochondrale, d’importance variée, sont souvent observés.

La lésion peut être remaniée par de la nécrobiose, ou des foyers de kystisation.

La corticale adjacente peut, soit être le siège d’une « perméation » tumorale, soit être amenuisée, refoulée progressivement dans les lésions de croissance lente, soit encore comporter des zones d’ostéosclérose réactionnelle résultant du comblement des canaux de Havers par le chondrosarcome.

Les espaces médullaires sont infiltrés, mais des fragments d’os spongieux peuvent parfois persister entre les coulées tumorales.

L’extension dans les parties molles est fréquente.

Dans les formes centromédullaires, les réactions périostées sont rares.

2- Histologie :

Les chondrosarcomes sont constitués de lobules tumoraux de taille et de forme irrégulières, délimités par des septa conjonctifs, et non par du tissu ostéomédullaire comme c’est le cas dans les enchondromes.

Des fragments d’os spongieux résiduel, englobés par la prolifération, persistent parfois au sein de ces lobules, témoignant de la « perméation » du tissu ostéomédullaire par la tumeur.

Cette « perméation » du spongieux ne doit pas être confondue avec les foyers d’ostéogenèse réactionnelle intratumoraux.

Au sein des lobules, la cellularité est souvent importante, prédominant en périphérie.

Les chondroblastes tumoraux ont un noyau volumineux, à chromatine densifiée.

Les aspects de binucléation sont fréquents.

Une activité mitotique peut parfois être individualisée, essentiellement dans les tumeurs de haut grade. La matrice tumorale peut être chondroïde ou myxoïde.

L’existence de zones myxoïdes au sein d’une tumeur cartilagineuse est un critère orientant vers la malignité.

Des plages de remaniements nécrotiques peuvent être présentes, mais sont aussi observées dans les chondromes.

Ces caractéristiques histologiques et cytologiques sont utilisées pour établir le grade des chondrosarcomes comme l’ont proposé O’Neal et Ackerman.

Les chondrosarcomes de grade I, de faible malignité, sont les plus difficiles à différencier des chondromes.

Leur cellularité est plus importante que celle d’un chondrome.

Les cellules cartilagineuses sont peu atypiques avec un noyau densifié.

L’importance de la cellularité tumorale et des atypies cytonucléaires augmente dans les grades II (malignité intermédiaire) et III (haute malignité).

G – DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

Un des problèmes les plus difficiles à résoudre en pratique courante est de faire la différence entre un chondrome et un chondrosarcome devant une lésion osseuse d’allure cartilagineuse, notamment dans les localisations centrales des os longs.

Murphey et al proposent des critères radiologiques, IRM et scintigraphiques afin de tenter d’établir la différence entre ces lésions :

– une érosion de plus des deux tiers de la corticale, a fortiori une rupture corticale, ou un envahissement des parties molles, une réaction périostée sont des signes en faveur d’un diagnostic de chondrosarcome ;

– une fixation scintigraphique de la lésion, plus importante que la fixation de la crête iliaque, constitue aussi un élément permettant de suspecter la présence d’un chondrosarcome.

Cependant, aucun diagnostic de certitude ne peut être établi et la biopsie reste indispensable en cas de doute.

L’autre diagnostic différentiel courant est l’infarctus osseux ; cependant l’IRM permet actuellement d’éliminer ce diagnostic.

H – ÉVOLUTION ET PRONOSTIC :

1- Récidive locale :

Le taux de récidive locale varie selon les séries : il est de 6 % pour Pritchard et al, de 11 % pour Evans et al, de 24 % pour Lee et al, de 27 % dans notre série, de 28 % pour Campanacci, et de 33 % pour Marcove et al.

Le contrôle local de la tumeur dépend de la qualité de la résection ; lorsque la chirurgie est extratumorale, et a fortiori large, le risque de récidive est divisé par trois. D’après Lee et al, le risque de récidive locale est plus élevé pour les tumeurs de haut grade (15 % versus 30 %).

Toujours d’après Lee et al, la survenue d’une récidive locale est un événement péjoratif en ce qui concerne la survenue de métastases (49 % de métastases en cas de récidive locale versus 16 % en l’absence de récidive locale) et pour la survie.

2- Survie :

La survie globale varie, selon les séries, de 60 à 70 % à 5 ans et de 50 à 60 % à 10 ans.

Le pronostic dépend de plusieurs facteurs :

– le grade histologique : la survie à 10 ans varie de 71 à 87 % pour les grades I, de 41 à 66 % pour les grades II, et de 5 à 69% pour les grades III ;

– la survenue d’une récidive locale ;

– la localisation : pour Ucla et al et Lee et al, la localisation pelvienne est un facteur péjoratif ;

– le volume tumoral qui, lorsqu’il est supérieur à 100 mL, constitue un facteur péjoratif ;

– l’aneuploïdie de la tumeur lors de l’étude en cytométrie de flux constitue également un facteur aggravant ;

– l’âge avancé semble constituer un facteur pronostique péjoratif d’après Lee et al.

3- Métastases :

Elles surviennent chez 10 à 22 % des patients.

Elles sont essentiellement pulmonaires ; les localisations osseuses, cérébrales et ganglionnaires sont beaucoup plus rares.

Des localisations hépatiques, rénales, cardiaques et cérébrales ont aussi été rapportées.

La fréquence des métastases dépend du grade histologique du chondrosarcome : de 3 à 4% pour les bas grades et de 20 à 33 % pour les hauts grades d’après Ucla et al et Lee et al.

Le volume tumoral intervient aussi dans le risque de survenue de lésions secondaires ; le taux de métastases était de 45 % lorsque le volume tumoral dépassait 100 mL, contre 24 % pour des volumes inférieurs à 100 mL dans l’étude de Lee et al.

Il apparaît par ailleurs que les chondrosarcomes centraux se compliquent plus fréquemment de métastases que les formes périphériques.

Formes particulières des chondrosarcomes :

A – CHONDROSARCOME SECONDAIRE :

Il faut retenir que 10 % des chondrosarcomes surviennent sur des lésions et tumeurs bénignes préexistantes.

Ces dernières sont essentiellement les exostoses ostéogéniques et les chondromes.

1- Chondrosarcomes secondaires à des chondromes :

Le risque de transformation maligne d’un chondrome isolé est mal connu mais probablement inférieur à 5 %.

Il est certainement plus faible pour les localisations aux extrémités.

En revanche, selon Schwartz et al, ce risque est de l’ordre de 25 % dans la maladie des chondromes multiples (maladie d’Ollier) et sans doute encore plus élevé (100 % d’après ce même auteur) dans le syndrome de Maffucci.

Les éléments qui doivent faire suspecter la transformation maligne d’un chondrome sont la survenue d’une douleur, la localisation axiale, l’augmentation de volume sur des radiographies successives et la rupture corticale.

En cas de doute, une biopsie est indispensable car aucun examen d’imagerie ne permet d’affirmer le diagnostic.

2- Chondrosarcomes secondaires à des exostoses ostéogéniques :

Le risque de transformation maligne est très faible pour une exostose solitaire, probablement nul pour les localisations distales et non négligeable pour les localisations sur les ceintures et le rachis.

Dans la maladie des exostoses multiples, le risque varie, selon les séries, de 11 à 15 %.

Les chondrosarcomes survenant sur des exostoses sont périphériques et habituellement de grade I ; le risque métastasique est donc moins élevé que pour les chondrosarcomes centraux.

Les éléments qui font suspecter la transformation maligne d’une exostose ostéogénique sont la survenue d’une douleur, la localisation axiale, une augmentation de volume de l’exostose après la croissance, une coiffe cartilagineuse de plus de 1 cm d’épaisseur, des calcifications dans cette coiffe cartilagineuse et des images d’ostéolyse.

3- Autres chondrosarcomes secondaires :

Quelques cas de chondrosarcomes développés sur une dysplasie fibreuse, sur un fibrome chondromyxoïde, sur un chondrome périosté, sur un kyste osseux, sur une ostéopoecilie et sur un chondroblastome ont également été rapportés.

Blanco et al rapportent, quant à eux, un chondrosarcome survenu chez un patient atteint d’un syndrome de McCune-Albrigth.

Une dizaine de chondrosarcomes survenus sur des chondromatoses synoviales articulaires ont été décrits.

Des chondrosarcomes radio-induits ont aussi été décrits.

Des cas de chondrosarcomes survenus chez des patients atteints d’une maladie de Paget ont fait l’objet de publications.

B – CHONDROSARCOME PÉRIOSTÉ :

Ces chondrosarcomes de surface représentent 1 à 2% de tous les chondrosarcomes et ils ont été décrits pour la première fois en 1955 par Lichtenstein.

1- Clinique :

La moyenne d’âge est plus basse que pour les chondrosarcomes (environ 40 ans).

La symptomatologie clinique n’a rien de spécifique.

2- Localisation :

Ces chondrosarcomes peuvent toucher le fémur, plus particulièrement la métaphyse inférieure et postérieure, et l’humérus proximal.

Les os plats, les métatarsiens et les os de la main peuvent aussi être atteints.

3- Imagerie :

Ces lésions sont habituellement métaphysaires, posées sur la corticale qu’elles peuvent éroder.

Les calcifications intramatricielles sont inconstantes ; quand elles ont un aspect en « pop-corn », elles sont très évocatrices du diagnostic.

4- Anatomie pathologique :

Macroscopiquement, le chondrosarcome périosté se présente comme une volumineuse masse tumorale cartilagineuse, de plus de 11 cm en moyenne.

Histologiquement, les chondrosarcomes périostés ne présentent pas de caractère distinctif par rapport à un chondrosarcome centromédullaire.

Il s’agit d’un chondrosarcome habituellement bien différencié, de grade I ou II.

5- Évolution :

La survenue de métastases est extrêmement rare pour ces tumeurs de bas grade et d’apparition très tardive.

Le risque de récidive locale est très faible lorsque les marges de résection sont saines.

6- Diagnostic différentiel :

Le diagnostic différentiel se pose surtout avec les ostéosarcomes juxtacorticaux qui peuvent avoir un aspect radiologique similaire.

L’anatomie pathologique permet de faire la différence uniquement après analyse de l’ensemble de la pièce comme l’a montré Schajowicz.

De toute façon, ces deux lésions relèvent du même traitement.

C – CHONDROSARCOME MÉSENCHYMATEUX :

1- Clinique :

Il s’agit d’une tumeur associant une composante cellulaire indifférenciée de haut grade et une composante cartilagineuse bien différenciée ; ces deux composantes n’ont pas de limite nette.

Elle représente 2 % de tous les chondrosarcomes.

L’âge de survenue est aussi beaucoup plus jeune que pour les chondrosarcomes habituels (âge moyen : 26 ans).

Les symptômes n’ont, là non plus, rien de spécifique, hormis l’évolution qui est beaucoup plus rapide que pour les chondrosarcomes habituels.

2- Biologie :

Ces examens sont habituellement normaux, cependant un cas d’ostéomalacie due à un syndrome paranéoplasique a été rapporté.

3- Localisation :

Les os le plus fréquemment touchés sont le fémur, les os de la face, le bassin, les côtes et les vertèbres.

4- Imagerie :

L’aspect radiologique de cette tumeur est très particulier, ostéolytique prédominant, aux limites imprécises avec une ostéolyse corticale et une extension dans les parties molles très fréquente.

Cet aspect « mité » est assez semblable à celui retrouvé dans les lymphomes osseux primitifs.

Les calcifications intramatricielles sont rares.

La localisation sur les os longs peut être diaphysaire, métaphysaire ou épiphysaire.

5- Anatomie pathologique :

Le chondrosarcome mésenchymateux se caractérise par son bimorphisme.

Il associe des secteurs chondrosarcomateux de bas grade à un contingent de petites cellules rondes indifférenciées.

La vascularisation est classiquement de type hémangiopéricytaire.

La composante chondrosarcomateuse est d’importance variable et peut être limitée à quelques îlots ou bien présenter jusqu’à 50 % de la masse tumorale.

Pour assurer le diagnostic de chondrosarcome mésenchymateux, il est important que les prélèvements biopsiques puissent être dirigés à la fois sur les zones radiographiquement lytiques (correspondant à la composante cellulaire indifférenciée) et calcifiées (correspondant au contingent chondrosarcomateux) de la tumeur.

6- Évolution :

Les métastases sont assez fréquentes et surviennent essentiellement dans le poumon, les os, les tissus mous et les ganglions lymphatiques.

La survie à 10 ans est de 30 % selon Nakashima et al.

7- Diagnostic différentiel :

Il se pose surtout avec le sarcome d’Ewing et l’ostéosarcome à petites cellules.

D – CHONDROSARCOME À CELLULES CLAIRES :

Il s’agit d’une variété de chondrosarcomes caractérisée par son histologie spécifique, son siège épiphysaire et son bon pronostic.

Ces chondrosarcomes représentent 2 à 6% de tous les chondrosarcomes.

1- Clinique :

L’âge de survenue est, là aussi, plus jeune que pour les chondrosarcomes habituels (âge moyen : 34 ans).

Il existe une prédominance masculine.

La symptomatologie n’a rien de spécifique hormis une fréquence inhabituelle de fractures pathologiques (25 %).

2- Localisation :

Ces tumeurs touchent les épiphyses des os longs et, en premier lieu, l’épiphyse proximale du fémur suivie de l’humérus et du tibia proximal.

D’autres sites ont aussi été décrits : vertèbres, côtes, scapula.

3- Imagerie :

Cette lésion est ostéolytique, finement cerclée, aux contours arrondis ou lobulés.

Des calcifications intramatricielles sont retrouvées dans 30 à 50 % des cas.

La particularité de cette tumeur réside surtout dans sa localisation épiphysaire qui est inhabituelle pour un chondrosarcome.

L’extension se fait vers la métaphyse, parfois la diaphyse.

Les ruptures corticales et extensions intra-articulaires sont rares.

4- Anatomie pathologique :

Histologiquement, le chondrosarcome à cellules claires se caractérise par des cellules tumorales au cytoplasme abondant, clarifié, disposées en « cordons » ou en « lobules » délimités par de fins septa conjonctivovasculaires.

Dans ce type de chondrosarcome, la matrice cartilagineuse est très peu abondante.

Des travées ostéoïdes réactionnelles, parfois nombreuses, bordées d’ostéoblastes et d’ostéoclastes, sont en revanche le plus souvent présentes.

Des secteurs chondrosarcomateux conventionnels, habituellement de grade II, sont associés dans près de 50 % des cas de chondrosarcome à cellules claires.

5- Évolution et pronostic :

Ce chondrosarcome est de bon pronostic, avec des survies qui varient de 85 à 95 % selon les séries.

Le risque de survenue de métastases est faible : moins de 10 % dans notre série, 15 % pour Bjornsson et al.

Ces métastases peuvent parfois survenir tardivement comme l’ont montré Bagley et al qui rapportent un cas de métastase 23 ans après le traitement initial.

Les métastases touchent alors le poumon, le cerveau et les os.

De rares cas de dédifférenciation ont été décrits, le pronostic est alors très sombre.

6- Diagnostic différentiel :

Radiologiquement, il se pose avec les autres tumeurs de localisation épiphysaire : tumeurs à cellules géantes et chondroblastome.

E – CHONDROSARCOME DÉDIFFÉRENCIÉ :

Le terme de « chondrosarcome dédifférencié » a été introduit pour la première fois en 1971 par Dahlin et Beabout ; il s’agit d’un chondrosarcome de bas grade associé à une tumeur de haut grade de malignité et de nature histologique différente ; la limite entre ces deux composantes est parfaitement nette.

Cette dédifférenciation peut être retrouvée, soit initialement, soit lors d’une récidive locale d’un chondrosarcome de bas grade déjà opéré.

Ces tumeurs représentent 10 à 17 % des chondrosarcomes et elles sont caractérisées par leur histologie et leur pronostic sombre.

1- Clinique :

L’âge moyen est identique aux chondrosarcomes habituels, avec cependant un pic de fréquence dans la deuxième décennie et le sexratio est de 1 dans notre série.

La symptomatologie clinique n’a rien de spécifique, mais l’évolution est beaucoup plus rapide que pour les chondrosarcomes habituels.

2- Localisation :

Il s’agit de celles retrouvées dans les chondrosarcomes, avec une prédominance pour le membre inférieur près de la hanche.

3- Imagerie :

L’aspect typique est celui d’un chondrosarcome associé à des zones ostéolytiques sans calcifications intramatricielles.

Cependant, certaines formes sont essentiellement ostéolytiques et d’autres ont un aspect de chondrosarcome tout à fait banal (28 % des cas selon Frassica et al.

La présence d’une fracture pathologique, qui est tout à fait inhabituelle pour un chondrosarcome, doit attirer l’attention ; ces fractures surviennent dans 13 à 25 % des cas.

4- Anatomie pathologique :

Histologiquement, on observe, à côté d’un chondrosarcome habituellement de bas grade, un contingent sarcomateux non cartilagineux de haut grade.

Ce dernier prend le plus souvent l’aspect d’un histiocytofibrome malin, mais peut aussi correspondre à un ostéosarcome ou à un sarcome d’origine musculaire.

Ce phénomène correspondrait plus à une progression qu’à une dédifférenciation tumorale.

5- Évolution :

La survie chez ces patients est assez médiocre puisque le taux de survie à 5 ans varie de 0 à 15 % selon les séries.

La survenue de métastases est très fréquente.

Dans notre série, 90 % de nos patients ont présenté des métastases responsables de leur décès.

Ces métastases sont habituellement pulmonaires ; des localisations viscérales et osseuses ont aussi été rapportées.

Lorsque la composante dédifférenciée est un ostéosarcome, le pronostic est plus péjoratif d’après Frassica et al.

Dans notre expérience récente, la chimiothérapie semble augmenter la survie des patients.

6- Diagnostic différentiel :

Il se pose avec des chondrosarcomes de haut grade ou anaplasiques et les ostéosarcomes chondroblastiques.

F – CHONDROSARCOME MYXOÏDE :

Ces chondrosarcomes sont habituellement localisés dans les tissus mous ; les localisations osseuses sont extrêmement rares.

Le pronostic de ces tumeurs semble plus péjoratif que pour les chondrosarcomes habituels.

Le traitement impose une résection large. Le rôle de la chimiothérapie et de la radiothérapie n’est pas connu dans le traitement de ces tumeurs.

Traitement des chondrosarcomes :

A – TRAITEMENT CHIRURGICAL :

Il s’adresse à toutes les formes de chondrosarcome ; il représente le traitement exclusif des chondrosarcomes habituels et des chondrosarcomes de bas grade, et reste essentiel dans le traitement des chondrosarcomes dédifférenciés et mésenchymateux, en association avec des traitements adjuvants.

1- Biopsie :

Elle doit rester un préalable indispensable avant traitement définitif d’un chondrosarcome.

Cette biopsie est de préférence chirurgicale.

En effet, le diagnostic histologique des tumeurs cartilagineuses est parfois extrêmement difficile et nécessite une grande quantité de tissu tumoral, conservant si possible l’architecture tissulaire, ce que ne permet pas une biopsie à l’aiguille.

Le trajet de biopsie est choisi afin qu’il puisse y avoir excision en monobloc avec la tumeur lors de la résection.

En effet, dans notre expérience, les rares cas de récidive sur cicatrice de biopsie sont survenus sur des chondrosarcomes.

Des exceptions à la biopsie, avant le traitement définitif, peuvent être envisagées : lorsque le diagnostic de chondrosarcome ne fait aucun doute radiologiquement et devant une exostose dont la transformation maligne est évidente.

La résection chirurgicale large peut alors être réalisée d’emblée.

Cette décision suppose une parfaite connaissance de la pathologie tumorale osseuse.

2- Résection :

Le seul traitement efficace reste la résection chirurgicale large.

Ce traitement répond aux règles habituelles de la chirurgie carcinologique : il implique d’abord de réaliser un bilan d’imagerie complet afin de préciser l’extension intraosseuse et extraosseuse de la tumeur, en localisant des repères anatomiques fiables qui peuvent être retrouvés pendant l’intervention, afin de réaliser des mesures correctes des hauteurs de coupes osseuses.

En pratique, les radiographies standards et l’IRM sont les examens les plus utiles.

La résection doit être extratumorale et, quand cela est possible, large.

Les résections aux membres ne posent habituellement pas de problème ; en revanche, pour les localisations pelviennes, il s’agit d’une chirurgie beaucoup plus délicate.

Les résections vertébrales sont très souvent carcinologiquement non satisfaisantes ; heureusement, il s’agit d’une localisation très rare pour ce type de tumeur.

La résection est de plus en plus souvent conservatrice ; elle impose donc une reconstruction.

Cette dernière fait appel aux techniques d’ostéosynthèse, aux prothèses massives, aux auto- et allogreffes osseuses.

3- Amputation :

Les indications d’amputation sont le fait de volumineuses tumeurs envahissant les vaisseaux et les nerfs, d’infection sur une biopsie, ou bien de récidive après des interventions parfois multiples, ou bien encore sur terrain radique.

Lorsqu’une chirurgie conservatrice est possible, l’amputation ne présente aucun intérêt en termes de contrôle local et de survie.

4- Traitement des récidives :

Les récidives locales sont traitées de la même façon, par une chirurgie large ; cependant, chez les patients déjà opérés, les résections conservatrices sont souvent plus difficiles et les indications d’amputation plus larges.

5- Traitement des métastases pulmonaires :

Elles ne sont sensibles ni à la chimiothérapie, ni aux rayons.

Lorsqu’elles sont peu nombreuses et localisées, il est possible d’envisager une exérèse chirurgicale.

B – CHIMIOTHÉRAPIE :

Elle n’a aucune efficacité sur les chondrosarcomes habituels et les formes particulières de bas grade (cellules claires et périostées).

Cela est probablement dû à la diffusion médiocre de ces produits dans la matrice cartilagineuse.

Par ailleurs, des travaux expérimentaux de Wyman et al suggèrent que les cellules de chondrosarcome expriment le gène multidrug-resistance-1 (Mdr-1).

Ces traitements n’ont donc aucune indication dans les chondrosarcomes habituels, en revanche pour les chondrosarcomes dédifférenciés et les mésenchymateux, ils semblent avoir un effet qui reste cependant à préciser sur des séries plus importantes.

Un travail récent de Mitchell et al, concernant le traitement des chondrosarcomes dédifférenciés, montre que la chimiothérapie procure des réponses histologiques et semble améliorer la survie sans que leurs résultats soient statistiquement significatifs.

Dans notre expérience, trois patients traités par chimiothérapie ont eu une nécrose tumorale totale et leur survie est actuellement supérieure à celle de nos patients traités par chirurgie seule.

Il paraît donc légitime de traiter les patients atteints d’un chondrosarcome dédifférencié ou mésenchymateux selon un protocole de polychimiothérapie néoadjuvante type ostéosarcome.

C – RADIOTHÉRAPIE :

Le chondrosarcome est considéré comme une tumeur radiorésistante.

Seuls Harwood et al rapportent une réponse clinique après irradiation de chondrosarcomes.

Dans notre expérience, la radiothérapie ne présente pas d’intérêt pour le traitement de ces tumeurs.

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