Cancers de la langue

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Anatomie clinique de la langue :

Cancers de la langue
A – DÉFINITION :

La langue est un organe musculomuqueux qui occupe la plus grande partie de la cavité orale.

Elle est implantée sur un squelette ostéofibreux et soutenue par une sangle musculaire, le plancher oral.

Par ses nombreux muscles, elle possède une grande mobilité, participant à la mastication, la déglutition, la succion, l’articulation des sons.

Sa muqueuse est le siège d’organes sensoriels à l’origine de la perception gustative et d’un réflexe sécrétoire salivaire des glandes annexées à la cavité orale.

B – CONFIGURATION EXTÉRIEURE :

La langue comprend deux parties : la langue mobile orale, et la base de la langue, oropharyngée. La base ou racine de la langue, fixe, correspond au tiers postérieur de l’organe, siège de nombreux follicules lymphoïdes constituant la tonsille linguale.

Elle est orientée presque verticalement, ce qui rend son exploration visuelle difficile et sa palpation primordiale.

Elle appartient à l’oropharynx antérieur et ses lésions, notamment cancéreuses, envahissent rapidement les autres éléments du carrefour aérodigestif.

Le corps de la langue, mobile, représente les deux tiers antérieurs et se termine par la pointe linguale.

Ces deux parties sont séparées par le V lingual ouvert en avant, marquées par le sillon terminal en arrière, les papilles gustatives caliciformes ou circumvallées en avant.

L’apex du V lingual répond au foramen caecum, vestige du canal thyréoglosse, à l’origine de kyste ou fistule.

Cette dualité linguale est expliquée par l’embryologie : l’éminence hypobranchiale ou « copula » est à l’origine de la base de la langue, le tuberculum impar et les renflements linguaux latéraux sont à l’origine de la langue mobile, primitivement sur le plancher de l’intestin pharyngien (embryon de 4 mm à la 5e semaine).

La langue présente ainsi une face dorsale avec les papilles gustatives basilinguales en arrière du V lingual pour la perception amère, les papilles gustatives médianes en avant du V pour la perception sucrée.

Le frein de la langue est situé à la face ventrale ou inférieure avec les caroncules sublinguales de part et d’autre où s’abouchent les orifices des glandes submandibulaire et sublinguale.

Le bord latéral porte les papilles gustatives foliées analysant la perception salée.

La pointe de la langue est la zone de réunion des bords latéraux, des faces dorsale et ventrale.

C – SQUELETTE OSTÉOFIBREUX DE LA LANGUE :

Il est formé de l’os hyoïde, impair, médian à hauteur de la 4e vertèbre cervicale, de la membrane hyoglosse verticale, haute de 1 cm et du septum lingual.

Celui-ci réalise une lame fibreuse falciforme et verticale tendue de la membrane hyoglosse en bas jusqu’à la pointe de la langue en haut.

Le septum lingual n’est qu’une barrière relative vis-à-vis d’une progression carcinomateuse.

D – MUSCLES DE LA LANGUE :

Dix-sept muscles constituent la langue : huit pairs et symétriques, un seul impair, le muscle longitudinal supérieur.

Tous ces muscles sont fortement intriqués les uns aux autres, difficiles à différencier.

En effet, les fibres musculaires se croisent perpendiculairement dans les trois plans de l’espace.

Ces muscles laissent sur la ligne médiane une zone clivable, l’espace centrolingual, expliquant la possibilité d’abcès lingual.

La portion basilinguale, en grande partie formée par l’origine des muscles hyoglosse et génioglosse, peut être considérée comme le segment d’insertion : insertion sur les apophyses géni (épines mentonnières) en avant, insertion sur le corps et les grandes cornes de l’os hyoïde en arrière.

Parmi les moyens de fixité de la langue, il faut citer également les muscles palatoglosses (piliers antérieurs du voile du palais), la partie glossopharyngienne du muscle constricteur supérieur du pharynx, et la muqueuse buccale elle-même, en continuité avec la muqueuse pharyngienne.

E – MUQUEUSE LINGUALE :

Elle est formée d’un épithélium pavimenteux, stratifié, non kératinisé et d’un chorion dense.

La muqueuse est épaisse et adhérente aux muscles sous-jacents à la face dorsale.

Elle est plus mince et non adhérente au niveau de la base, très clivable et transparente à la face inférieure, expliquant la formation des oedèmes de la base de la langue et du plancher.

La muqueuse linguale forme quatre types de papilles : papilles filiformes, courtes soies kératinisées autour d’un axe conjonctif, papilles fongiformes, globuleuses disséminées parmi les papilles filiformes et présentant des bourgeons gustatifs, les papilles caliciformes entourées d’un sillon ou vallum et d’un bourrelet.

Les glandes séreuses de Von Ebner s’ouvrent dans le fond du vallum, favorisant la dissolution des substances gustatives.

Enfin, les papilles foliées sont inconstantes et constituent des crêtes muqueuses parallèles.

F – VASCULARISATION ARTÉRIELLE :

Très développée, elle est sous la dépendance de l’artère linguale principalement, plus accessoirement de l’artère palatine ascendante et de l’artère pharyngienne ascendante.

Dans 78 % des cas, l’artère linguale est une collatérale de l’artère carotide externe située au dessus de l’origine de l’artère thyroïdienne supérieure, au-dessous de celle de l’artère faciale.

Artères linguales et faciales peuvent naître par un tronc commun dans 20 % des cas.

Dans 2 % des cas, l’artère linguale naît d’un tronc commun avec l’artère thyroïdienne supérieure.

C’est une artère sinueuse à la face latérale de la langue en dedans du muscle hyoglosse, et adaptée aux mouvements linguaux.

Elle se termine au bord antérieur du muscle hyoglosse par l’artère profonde de la langue ou ranine et l’artère sublinguale.

Les deux artères linguales proprement dites ne sont pas anastomosées sur la ligne médiale, contrairement aux artères ranines sur la ligne médiane.

Il existe deux triangles classiques de ligature de l’artère linguale, utiles lors de la chirurgie des tumeurs : le triangle de Béclard entre la grande corne de l’os hyoïde, le ventre postérieur du muscle digastrique et le bord postérieur du muscle hyoglosse, mais aussi le triangle de Pirogoff, plus en avant, entre le tendon intermédiaire du muscle digastrique, le bord postérieur du muscle mylohyoïdien et le nerf hypoglosse.

G – VASCULARISATION VEINEUSE :

La langue est drainée par deux réseaux veineux superficiels et profonds, mais la seule veine profonde est celle qui accompagne l’artère linguale.

Cinq courants veineux différents peuvent être décrits, par ordre d’importance décroissante, basée sur le diamètre des veines et leur territoire : les veines satellites du nerf hypoglosse (en général deux veines), la veine valléculaire épiglottique, la veine satellite du nerf lingual, la veine du sillon amygdaloglosse, enfin la veine satellite de l’artère linguale. De nombreuses valvules sont présentes sur l’ensemble de ces veines.

Ces courants veineux se drainent en règle dans un tronc commun, le tronc veineux linguofacial de Farabeuf, qui rejoint la veine jugulaire interne.

Les veines satellites du nerf hypoglosse sont largement anastomosées avec la veine jugulaire antérieure, la veine submandibulaire, la veine faciale ; la veine satellite du nerf lingual communique avec les veines submandibulaires et faciales ; les veines valléculaires et les veines du sillon amygdaloglosse sont anastomosées entre elles mais aussi avec les veines laryngées, les veines de la tonsille palatine, les veines pharyngées, les plexus ptérygoïdiens.

La réalisation d’un lambeau lingual de reconstruction doit préserver non seulement un pédicule artériel mais aussi un drainage veineux efficace.

H – DRAINAGE LYMPHATIQUE :

Les lymphatiques de la pointe de la langue se drainent vers les noeuds lymphatiques submentaux et submandibulaires bilatéraux ; ceux du corps de la langue vers les noeuds submandibulaires ; les lymphatiques de la base de la langue se drainent vers les noeuds lymphatiques submandibulaires et jugulocarotidiens. Les zones médiolinguales ont un drainage bilatéral.

I – INNERVATION :

L’innervation motrice est assurée par le nerf hypoglosse (XII), à l’exception du muscle styloglosse et du muscle palatoglosse, innervés par le nerf facial (VII) et le nerf glossopharyngien (IX).

L’innervation sensitive des deux tiers antérieurs de la langue dépend du nerf lingual (V3).

Le nerf glossopharyngien (IX) assure l’innervation de la base de la langue, et le nerf vague (X) celle du repli glossoépiglottique.

La stimulation par contact déclenche un réflexe de contraction de l’ensemble de la musculature linguale (XII), des muscles masticateurs (branche motrice du V) et du pharynx (IX, X), provoquant une déglutition.

L’innervation sensorielle gustative des deux tiers antérieurs de la langue est sous la dépendance du nerf gustatif supérieur, dont les fibres empruntent le nerf lingual, la corde du tympan, le nerf facial et rejoignent le ganglion géniculé et le nerf intermédiaire de Wrisberg (VIIbis), connecté au noyau gustatif supérieur du plancher du 4e ventricule.

La gustation basilinguale dépend du nerf gustatif inférieur, dont les fibres empruntent le nerf glossopharyngien connecté au noyau gustatif inférieur.

La morbidité associée à une exérèse de la totalité de la base de la langue a conduit à des tentatives de réinnervation de la langue résiduelle, par transfert du nerf hypoglosse moteur, proximal, sur le nerf lingual sensitif, distal.

Les exérèses basilinguales doivent, si possible, préserver le pédicule neuroartériel hypoglossolingual situé à 1 cm au-dessus du plan de l’os hyoïde et à 2 cm de la face médiale de la mandibule à hauteur du trigone rétromolaire.

Données épidémiologiques et carcinogenèse :

Par leur fréquence, les carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou sont au sixième rang des cancers des populations occidentales.

En France en 1995, chez l’homme, les carcinomes de la cavité buccale et de la langue se plaçaient aux quatrième et cinquième places des cancers des voies aérodigestives supérieures, après les carcinomes du larynx, de l’hypopharynx et de l’oropharynx.

Les carcinomes épidermoïdes représentent plus de 90 % des cancers de la langue, touchant dans les deux tiers des cas la langue mobile et dans un tiers des cas la base de la langue.

L’incidence annuelle en France est estimée à 1 800 nouveaux cas masculins et 200 féminins, avec un âge moyen de 55 ans pour les hommes, 60 ans pour les femmes.

Les carcinomes de la langue mobile représentent 30 % des carcinomes de la cavité buccale, et ceux de la base de la langue 20 % des carcinomes de l’oropharynx.

Les deux facteurs favorisants les mieux connus sont le tabac et l’alcool, agissant en synergie, à l’origine d’une augmentation du risque sur un mode multiplicatif.

Cette augmentation du risque relatif chez l’homme consommant plus de 30 cigarettes par jour et plus de 2 l de vin peut atteindre 100 et plus.

À noter qu’en 2001, la consommation totale de tabac en France a été de 92,65 milliers de tonnes contre 103,8 en 1991, à l’origine de 60 000 décès dans l’année.

La tranche d’âge des 19-25 ans arrive en tête avec 40,4 % de fumeurs réguliers, devant les 15-19 ans avec 33,2 % et les 26-75 ans avec 27,7 %.

Ainsi, plus de 70 % des fumeurs réguliers en France ont moins de 25 ans !

Alors que l’incidence des carcinomes de la tête et du cou paraît stable, plusieurs études épidémiologiques récentes soulignent l’augmentation de mortalité par cancer de la langue, notamment chez les sujets jeunes : aux États-Unis, entre 1960 et 1985, les hommes de 30 à 39 ans du Connecticut ont présenté quatre fois plus de cancer de la cavité orale que pendant la période équivalente précédente.

Au Texas, le pourcentage de patients jeunes atteints d’un cancer de la totalité de la langue est passé de 4 % en 1971 à 18 % en 1993.

À partir de la banque de données du National Cancer Institute Surveillance aux États-Unis, les cancers de la langue des adultes des deux sexes de moins de 40 ans ont augmenté de 60 % entre les périodes 1973-1984 et 1985-1997, alors que les méthodes diagnostiques n’ont pas radicalement changé et que la consommation de tabac et d’alcool tend à diminuer depuis le milieu des années 1960 parmi les jeunes américains.

En Europe, les certificats de décès d’hommes de moins de 44 ans enregistrés de 1955 à 1989 montrent une incidence multipliée par deux des cancers de la cavité buccale, surtout en Autriche, Allemagne, Hongrie, Pologne et Bulgarie.

En France, durant la période 1993-1997, les chiffres d’incidence des carcinomes de la cavité buccale et du pharynx, sont situés entre 30 et 50 pour 100 000 chez l’homme, et apparaissent comme les taux mondiaux les plus élevés.

Ainsi, cette population jeune paraît soumise à l’émergence d’autres agents carcinogènes que l’association traditionnelle tabac-alcool pourtant toujours présente :

– en dehors de contextes culturels particuliers en Inde ou en Amérique Latine, l’utilisation plus fréquente depuis les 30 dernières années dans les pays occidentaux de tabac à priser ou à chiquer, paraît être à l’origine de cancers de la cavité buccale et de leucoplasie précancéreuse de contact ;

– la consommation de marijuana peut aussi être en cause : plus de 30 % des citoyens américains de plus de 12 ans ont utilisé au moins une fois cette drogue.

L’effet carcinogène de la marijuana a été montré par plusieurs études cliniques et expérimentales.

La relation dose-dépendante entre la consommation de marijuana et le risque de cancer de la tête et du cou a été soulignée ;

– l’infection par le virus de la papillomatose humaine (human papilloma virus : HPV) est également suspectée.

Le risque de carcinome épidermoïde de la tête et du cou chez les sujets séropositifs pour HPV16 après ajustement des taux de nicotonine est multiplié par deux.

La présence d’HPV dans les tissus néoplasiques de la cavité orale varie de 14 % à 91 %.

Étudiés par polymerase chain reaction (PCR), 50 % des carcinomes oropharyngés et 14 % des carcinomes de la langue contiennent de l’acide désoxyribonucléique (ADN) de HPV16.

L’expression d’HPV dans un carcinome buccal est cinq fois plus élevée que dans la muqueuse orale saine de voisinage.

Deux sous-types d’HPV, 16 et 18, semblent carcinogènes, et associés à une mutation de p53.

Néanmoins, une méta-analyse récente ne trouve pas de différence pronostique entre les sujets de moins de 40 ans porteurs d’un carcinome de langue et une population plus âgée : 53 % de survie sans maladie à 3 ans contre 55 %.

Biologie tumorale et carcinogenèse

Il est habituellement admis qu’une tumeur maligne survient à partir d’altérations génétiques cumulées (inactivations de gènes suppresseurs de tumeur, activation de proto-oncogènes, …).

Le gène p53 est un gène suppresseur de tumeur.

Il est impliqué dans plusieurs voies de régulation cellulaire : contrôle du cycle de la cellule, réparation de l’ADN, apoptose.

Le gène p53 est situé sur le chromosome 17p, et code une protéine instable de 53 kDa à faible concentration dans les cellules normales.

Cette protéine interviendrait dans la phase d’arrêt cellulaire G1 quand l’ADN est endommagé par un carcinogène.

La mutation du gène p53 est à l’origine d’une accumulation d’une protéine p53 anormale et stable.

Elle est alors détectée dans plus de 50 % des carcinomes épidermoïdes de la cavité buccale.

Epidermal growth factor (EGF), par la voie de la tyrosine kinase, peut intervenir sur la division cellulaire, la migration, l’adhésion, la différenciation et l’apoptose.

Une surexpression du récepteur à EGF paraît corrélée à la sévérité de la dysplasie dans les lésions précancéreuses.

Certaines modifications génétiques sont précocement observées dans les états précancéreux de la cavité buccale : 30 % des lésions hyperplasiques présentent des pertes chromosomiques en 9p21 et 3p14.

Celles-ci apparaissent plus fréquentes chez les patients développant une cancérisation.

Ces pertes chromosomiques précoces peuvent précéder les mutations p53.

Les nouvelles stratégies thérapeutiques « géniques » en cours de développement sont nombreuses : elles impliquent notamment EGF et le gène p53.

Données cliniques :

A – SÉMIOLOGIE CLINIQUE :

Les symptômes de début d’un cancer de la langue peuvent être insignifiants, alors que la région en cause est parfois parfaitement accessible, notamment la langue mobile.

Aussi, le délai de diagnostic est en moyenne de 5 mois, expliquant que la moitié des malades présentent une tumeur déjà évoluée.

Simple gêne ou douleur lancinante, paresthésie ou otalgie unilatérale, les fonctions linguales peuvent être perturbées dans les processus de mastication, déglutition ou élocution.

L’ingestion de boissons alcoolisées, d’épices, déclenche la douleur. Une lésion préexistante (leucoplasie, érythroplasie) peut devenir douloureuse et/ou hémorragique.

Enfin, une adénopathie dure, douloureuse, peut révéler la tumeur linguale.

Elle siège en règle dans la région sous-mandibulaire ou sous-digastrique. L’examen clinique endobuccal avec deux abaisse-langue voit la lésion.

Celle-ci est palpée doucement avec l’index protégé.

L’étude de l’ensemble du carrefour aérodigestif sous contrôle de la lumière froide est impérative (nasofibroscopie), de même la recherche systématique d’adénopathies cervicales satellites, bilatérales.

Lors d’une atteinte de la langue mobile, une lésion ulcérovégétante est notée plus souvent qu’une forme exophytique ou ulcérée pure.

La tumeur siège sur le bord de la langue, plus ou moins étendue sur la face dorsale ou ventrale.

Elle peut être dorsale ou ventrale stricte, plus ou moins antérieure dans la cavité buccale, et l’exposition par les deux abaisse-langues est utile.

Les bords ou le fond de l’ulcération sont durs à la palpation, traduisant l’infiltration.

Ce geste déclenche la douleur, parfois un petit saignement, mais permet l’appréciation de la ligne médiane et du plancher buccal.

Le carcinome de la zone de « jonction linguale » correspond à une forme développée autour de la base d’implantation linguale du pilier antérieur de la loge amygdalienne.

L’extension d’une telle lésion se fait vers la langue mobile, la base de la langue, le pilier, le sillon amygdaloglosse.

Cette atteinte particulière est à considérer comme une forme oropharyngée latérale.

En cas d’atteinte de la base de la langue, les formes ulcérovégétantes ou ulcéro-infiltrantes sont également les plus fréquentes.

Elles peuvent s’étendre en arrière vers la vallécule et l’épiglotte, latéralement vers le sillon amygdaloglosse et l’amygdale palatine, en avant dans la zone de jonction linguale et la langue mobile.

Médialement, la totalité de la base de la langue sous-muqueuse peut être envahie.

La palpation de l’ensemble de la base de la langue apprécie l’infiltration profonde et le franchissement de la ligne médiane.

Des adénopathies cervicales sont notées dans près de 75 % des cas, volontiers bilatérales, traduisant la grande lymphophilie des tumeurs linguales.

Lors d’une tumeur de la langue mobile, 30 à 70 % des adénopathies non palpées cliniquement (N0) sont en fait métastatiques (N+).

La palpation cervicale reste la méthode la plus courante pour la classification carcinologique du cou (N).

Elle n’a aucune valeur pour la détection de microadénopathies métastatiques que l’imagerie n’identifie pas de façon certaine non plus.

À ce stade, le diagnostic différentiel doit être succinct :

– l’ulcération traumatique d’origine dentaire ou prothétique n’est pas indurée et disparaît dès que la cause est corrigée ;

– la tuberculose ou la syphilis linguale sont rares.

Elles nécessitent une confirmation anatomopathologique et bactériologique formelle ;

– les tumeurs bénignes sont également possibles, à type de papillome, fibrome, neurinome, myoblastome granuleux d’Abrikossof ;

– l’inflammation d’une papille linguale latérale est également possible.

B – BILAN D’EXTENSION :

Le bilan d’extension locorégionale et à distance permet une classification clinique TNM de la lésion tumorale, corollaire d’une indication thérapeutique et d’un pronostic.

L’endoscopie, l’imagerie, un bilan général préthérapeutique appréciant la comorbidité en représentent la base.

1- Étude endoscopique :

La muqueuse des voies aérodigestives supérieures, de la trachée et des bronches, de l’oesophage doit être considérée comme un « champ de cancérisation » potentiel, soumis aux mêmes agents carcinogènes traditionnels que sont le tabac et l’alcool.

La panendoscopie sous anesthésie générale explore, dans le même temps opératoire, ces différents territoires. Elle affirme l’unicité tumorale, l’importance des lésions précancéreuses ; elle permet les prélèvements histopathologiques, et la mise en état dentaire après avis spécialisé.

Une seconde localisation tumorale simultanée (ou synchrone) est découverte chez 9 % des patients porteurs d’un carcinome des voies aérodigestives supérieures : dans 3 % des cas, elle est bronchopulmonaire, dans 2 % oesophagienne, dans 4 % sur le carrefour aérodigestif. Dans 60 %, la panendoscopie seule est à l’origine du diagnostic.

La détection de lésions précancéreuses ou cancéreuses de la cavité buccale peut utiliser une coloration in vivo de solution aqueuse à 1 % de bleu de toluidine, guidant biopsies ou frottis cytologiques.

Méthode simple et peu coûteuse, l’application de bleu de toluidine est à l’origine de faux-négatifs fréquents : 42 % vis-à-vis des carcinomes in situ, 58 % vis-à-vis des dysplasies.

Un carcinome buccal est objectivé par l’histopathologie dans un tiers des lésions colorées par le bleu de toluidine, mais 76 % de ces lésions colorées présentent une anomalie clonale de perte d’hétérozygotie.

2- Imagerie :

L’évaluation locorégionale par imagerie d’une tumeur des voies aérodigestives supérieures, notamment de la cavité orale, fait essentiellement appel à la tomodensitométrie (TDM), à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), à l’échographie, plus récemment à la tomographie par émission de positons (TEP).

Ces techniques permettent l’étude de l’anatomie normale, de l’infiltration tumorale mais aussi des adénopathies cervicales.

* Imagerie de la tumeur :

L’IRM peut être proposée en première intention devant un carcinome lingual, surtout si une extension au plancher buccal ou vers la ligne médiane est suspectée par la palpation.

Les séquences pondérées en T1 et T2 avec gadolinium permettent une bonne analyse de la topographie tumorale.

Elles donnent des arguments pour la distinction entre évolution tumorale et fibrose post-radique : une image hypodense en T2 est en faveur d’une fibrose, une image hyperdense en T2 et après gadolinium est en faveur d’une tumeur résiduelle post-radique.

Les séquences pondérées en T1 sans gadolinium étudient l’extension osseuse médullaire, qui apparaît hypodense au sein de l’hyperdensité de la graisse médullaire.

L’IRM en revanche n’est pas contributive lorsque la lésion est superficielle et/ou serpigineuse.

La TDM est plutôt réalisée si une extension osseuse, notamment corticale, est suspectée face une volumineuse tumeur.

Si le patient est âgé ou en mauvais état général, ne pouvant supporter la longueur de l’examen IRM, la TDM est alors préférentiellement proposée.

Enfin, devant une tumeur avancée, atteignant la langue et le plancher buccal, IRM et TDM offrent une complémentarité d’information, importante également pour la recherche d’une récidive tumorale.

Les images TDM peuvent être améliorées de façon simple grâce à une distension de la cavité buccale, par de l’air ou de l’eau, évitant ainsi la superposition des structures anatomiques.

La TEP est une technique scintigraphique capable de produire des images quantitatives métaboliques, locales et du corps entier.

Le F-fluorodéoxyglucose analyse l’augmentation de la glycolyse au sein d’une lésion néoplasique, quelle que soit son histologie.

Les foyers inflammatoires représentent la limite essentielle de la technique.

Actuellement, l’application la plus importante est la recherche d’une maladie résiduelle ou d’une récidive : un délai de 4 mois après la fin de la radiothérapie est conseillé pour minimiser l’inflammation post-radique.

La radionécrose est aussi à l’origine de faux positifs.

L’étude de la réponse à la chimiothérapie est intéressante, mais se heurte aux mêmes limites de seuil de détectabilité que les techniques radiologiques conventionnelles.

L’échographie est un examen simple et rapide.

Elle donne des informations sur la présence, la taille, les rapports avec la ligne médiane et le plancher de la bouche d’une tumeur linguale.

Elle semble néanmoins peu contributive pour l’analyse des relations tumeur-mandibule.

L’échographie préopératoire peut mesurer précisément (< 1 mm) la profondeur d’infiltration tumorale : celle-ci apparaît comme un facteur pronostique vis-à-vis de l’extension ganglionnaire cervicale, et pourrait intervenir dans l’indication d’un curage ganglionnaire de principe.

L’échographie endobuccale peropératoire peut guider l’exérèse chirurgicale d’une tumeur infiltrative de la langue.

* Imagerie des adénopathies :

L’imagerie donne des arguments de taille, de forme, de topographie et d’irrégularité de prise de contraste des adénopathies métastatiques, mais apprécie avec de grandes difficultés les microadénopathies métastatiques infracentimétriques : de 20 à 25 % de ces adénopathies ne sont pas détectées quelle que soit la méthode d’imagerie.

L’atteinte ganglionnaire métastatique peut être objectivée par TEP, mais les micrométastases chez les patients N0 dépendent pour leur détection de la résolution scintigraphique (4 à 5 mm).

La technique du ganglion sentinelle avec curage sélectif apparaît plus performante dans ces cas.

Une comparaison prospective entre TDM, IRM, TEP et échographie pour l’exploration des aires ganglionnaires cervicales de patients opérés d’un carcinome de la cavité buccale montre la plus forte sensibilité pour l’échographie, et la meilleure spécificité pour la TEP : la TEP a une sensibilité de 70 %, une spécificité de 82 % et une pertinence de 75 % ; l’échographie respectivement de 84 %, 68 % et 76 % ; la TDM 66 %, 74 %, 70 % ; l’IRM 64 %, 69 %, et 66 %.

TDM et IRM n’offrent pas de différence significative.

Le système de classification d’un carcinome, notamment lingual, a trois buts essentiels : établir un pronostic, aider la décision thérapeutique, évaluer l’efficacité du traitement.

Les taux de survie des patients classés dans les quatre stades de la classification traditionnelle TNM peuvent considérablement varier, surtout en raison de l’imprécision anatomique de l’extension tumorale.

D’autre part, le système TNM ne tient pas compte du contexte clinique : la sévérité de la symptomatologie tumorale et la comorbidité du patient devraient être pris en compte, car un impact significatif sur la survie a été noté.

La survie à 5 ans d’un cancer de la cavité buccale suivant la classification TNM est de 64,6 % (stade I), 67,5 % (stade II), 28,9 % (stade III) et 13,1 % (stade IV).

Si les patients sont classés suivant un système d’analyse composite de gravité clinique incluant la comorbidité, la survie à 5 ans des mêmes patients est de 74,0 % (stade 1), 47,1 % (stade 2), 28,6 % (stade 3) et de 8,4 % (stade 4).

Données anatomopathologiques :

Elles appartiennent au bilan d’extension, en particulier à l’endoscopie, mais aussi représentent des informations postopératoires primordiales, guidant la thérapeutique complémentaire.

A – LÉSIONS PRÉCANCÉREUSES :

Les lésions précancéreuses sont définies comme des altérations tissulaires au sein desquelles un cancer apparaît plus souvent que dans le tissu homologue.

Au niveau de la langue, deux lésions sont en cause : leucoplasie et érythroplasie.

1- Leucoplasies :

Les leucoplasies, plaques blanchâtres plus ou moins bien limitées, sont les plus fréquentes, localisées dans la cavité buccale, surtout sur la joue (37 %) et la langue (23 %).

L’histopathologie distingue les kératoses simples, bénignes, des kératoses dysplasiques à potentiel malin.

Parmi ces dernières, les dysplasies « modérées » se caractérisent par une hyperacanthose et une augmentation des mitoses basales et suprabasales.

Les dysplasies « sévères » sont proches du carcinome intraépithélial, avec une forte hyperacanthose des crêtes épithéliales, une perte de polarité des cellules et de leur cohésion, enfin surtout la présence de cellules anormales et de nombreuses mitoses jusqu’à la superficie de l’épithélium.

Dysplasies et carcinomes peuvent survenir sur des lichens atrophiques et érosifs, mais aussi sur des candidoses chroniques où l’inflammation muqueuse est intense. Ces lésions linguales à haut risque de cancérisation ont des incidences différentes : 40 % de leucoplasies, 35 % de lichens, 25 % de candidoses chroniques.

L’association de dysplasie et de cancer apparaît plus forte dans le lichen (23 %) que dans les candidoses chroniques (16,6 %) et les leucoplasies proprement dites (15 %).

2- Érythroplasie :

L’érythroplasie est une zone rouge, déprimée, érosive ou ulcérée sur le plancher buccal, la gencive, plus rarement la langue.

L’érythroplasie est beaucoup moins fréquente que la leucoplasie.

Elle se caractérise par une atrophie de l’épithélium et une expansion du chorion hypervasculaire jusqu’à la surface, avec des cellules dysplasiques et volumineuses (maladie de Bowen).

Dysplasie et cancérisation dépassent alors 90 % des cas.

En fait, si la filiation dysplasie-carcinome intraépithélial est admise, la concomitance cancer-lésion précancéreuse est diversement appréciée, variant de 5 à 20 % des patients.

B – LÉSIONS CANCÉREUSES :

Si les tumeurs bénignes linguales sont le plus souvent conjonctives, les tumeurs malignes sont en règle d’origine épithéliale.

1- Carcinomes épidermoïdes :

Les carcinomes épidermoïdes représentent plus de 90 % des tumeurs malignes de la langue, avec une nette prédominance masculine, surtout entre 60 et 70 ans.

Le bord de la langue mobile est le plus souvent atteint, plus rarement la face inférieure ou la face dorsale (3 à 5 %), plus exceptionnellement la pointe de la langue.

Les formes multicentriques représentent 3 % des cas.

Macroscopiquement, les lésions ulcéro-infiltrantes ou ulcérovégétantes sont les plus communes, avec une ulcération plus ou moins large, à bords surélevés et indurés.

Il s’agit parfois d’une érythroplasie à contours irréguliers, ou d’une leucoplasie fissurée et indurée.

Les formes végétantes, plus rares, sont faites de verrucosités grisâtres, de formations polypoïdes rougeâtres, surtout observées sur la face dorsale. Microscopiquement, une tumeur « micro-invasive » n’infiltre que les couches les plus superficielles du chorion.

Le carcinome « invasif » pénètre largement le chorion et les faisceaux musculaires.

Il peut être différencié et constitué de lobules à centres kératosiques (22 % des cas), indifférencié ou anaplasique sans aucune kératine mais avec des cellules arrondies dépourvues de cohésion (23 % des cas), de différenciation intermédiaire associant lobules acanthosiques et plages cellulaires peu différenciées (55 % des cas).

Le carcinome verruqueux est une forme rare, très différencié, à extension souvent serpigineuse, en règle peu lymphophile. Il peut être confondu avec un papillome.

De même, le carcinome à cellules fusiformes ou pseudosarcomateux est une forme très peu différenciée pouvant en imposer pour un véritable sarcome.

Les métastases ganglionnaires cervicales (N+) sont présentes chez 65 à 70 % des patients décédés d’un carcinome lingual.

Elles sont classées suivant des groupes et sous-groupes de niveaux I à VI . Une atteinte bilatérale n’est pas rare.

Chez les patients considérés cliniquement indemnes de métastases ganglionnaires cervicales (N0), 34 % présentent une ou plusieurs adénopathies envahies (N+) dont 13 % avec plus de trois adénopathies atteintes et/ou une rupture capsulaire (R+).

Chez les patients présentant cliniquement une adénopathie suspecte, l’atteinte histologique est objectivée dans 70 % des cas.

Les métastases viscérales touchent préférentiellement le poumon (39 %), le foie, le squelette mais aussi de nombreuses autres localisations (rein, surrénales, peau…).

L’analyse nécropsique de patients porteurs d’un carcinome lingual montre la présence d’adénopathie métastatique à distance dans 35 % des cas et de métastases par voie hématogène chez 58 % des sujets.

Les cancers associés lors de la nécropsie sont présents chez 15 % des sujets contre 7 % chez ceux de même catégorie d’âge.

Ils atteignent les voies aérodigestives supérieures, les bronches, le foie, le tube digestif.

2- Adénocarcinomes :

Les adénocarcinomes sont surtout représentés par les carcinomes adénoïdes kystiques ou cylindromes et les tumeurs mucoépidermoïdes.

Ces deux types de tumeurs ont un pronostic péjoratif assez voisin.

3- Autres tumeurs :

Les autres tumeurs sont toutes beaucoup plus rares : sarcome fibroblastique à cellules fusiformes, rhabdomyosarcome, schwannome malin, angiosarcome de Kaposi, mélanome malin, lymphome malin non hodgkinien, métastases linguales d’un carcinome bronchique, utérin, mammaire ou digestif.

Méthodes de traitement :

A – CHIRURGIE :

L’objectif d’une chirurgie curatrice est l’exérèse tumorale avec une marge de sécurité suffisante, ce qui peut être difficile en raison de l’infiltration linguale.

Le contrôle celluloganglionnaire cervical est également primordial.

Le status ganglionnaire est l’un des facteurs pronostiques les plus importants.

1- Voie d’abord :

La voie d’abord tient compte des impératifs d’exérèse carcinologique de la tumeur, des adénopathies cervicales, de la stratégie de reconstruction.

La voie endobuccale peut être simple ou élargie selon diverses commissurotomies labiojugales, d’indications rares.

Les voies externes sont nombreuses : voie de Latischevsky et Freund, voie de Sebileau-Carrega, associée à une section labiale inférieure contournant la houppe mentonnière, voie bimastoïdienne, voie de Mac Fee, …

L’habitude et l’expérience de chaque opérateur interviennent dans ce choix, mais les incisions avec trifurcation sont à éviter.

2- Tumeur primitive de la langue mobile :

Une tumeur primitive de la langue mobile peut être opérée par glossectomie partielle, emportant le quart de l’hémilangue mobile, ou par hémiglossectomie sectionnant la langue mobile sur la ligne médiane jusqu’au V lingual.

Les tumeurs plus volumineuses nécessitent une hémi-pelvi-glossectomie sacrifiant une hémilangue mobile et une partie du plancher buccal.

Une glossectomie totale de la langue mobile appelée aussi glossectomie transversale antérieure s’étend jusqu’à l’os hyoïde en profondeur, mais préserve la base de la langue.

Ces deux derniers gestes d’exérèse peuvent comprendre une interruption osseuse mandibulaire, imposant alors une reconstruction complexe.

3- Tumeur primitive de la base de la langue :

Une tumeur primitive de la base de la langue peut être traitée par buccopharyngectomie transmandibulaire conservatrice ou non vis-àvis du ramus mandibulaire, ou par buccopharyngectomie inframandibulaire, équivalent du pull-through de la cavité orale.

Ces interventions permettent l’exérèse d’une partie ou de la totalité de la base de la langue. Une basiglossectomie subtotale peut être associée à une pharyngolaryngectomie si la tumeur envahit l’hypopharynx.

Pour une tumeur médiane, une subglossolaryngectomie emporte une partie de la base de la langue et l’étage supraglottique.

Plus l’exérèse chirurgicale est mutilante pour la base de la langue, plus la reprise de la déglutition est compromise, quel que que soit le mode de reconstruction.

Une laryngectomie totale ou une gastrostomie définitive peuvent en résulter.

4- Atteintes ganglionnaires :

Vis-à-vis des aires ganglionnaires cervicales, l’étude des atteintes ganglionnaires métastatiques souligne la fréquence de l’envahissement homolatéral des groupes I et II pour les tumeurs de la langue mobile et des groupes II et III pour celles de la base de la langue.

L’extension controlatérale n’est pas exceptionnelle, de même que les « sauts » de relais ganglionnaires anatomiques (skip metastases).

Le curage ganglionnaire cervical uni- ou bilatéral peut être de différents types :

– le curage ganglionnaire cervical radical (radical neck dissection) inclut les groupes ganglionnaires ipsilatéraux de I à V, le nerf accessoire, la veine jugulaire interne, le muscle sterno-cléidomastoïdien et s’adresse aux métastases ganglionnaires extensives ;

– le curage ganglionnaire cervical fonctionnel (modified radical neck dissection) inclut les groupes ganglionnaires ipsilatéraux de I à V, mais épargne le nerf accessoire et/ou la veine jugulaire interne et/ou le muscle sterno-cléido-mastoïdien.

Il est réalisé pour des métastases ganglionnaires probables ou macroscopiquement évidentes qui n’infiltrent pas ces structures non lymphatiques ;

– le curage ganglionnaire sélectif (selective neck dissection) inclut un ou plusieurs groupes ganglionnaires à haut risque d’atteinte métastatique précoce.

Sa conception repose sur la localisation de la tumeur primitive et le drainage lymphatique anatomique préférentiel.

Il peut être supraomohyoïdien (niveaux I à III), postérolatéral (niveaux II à V), et/ou central (niveau VI) ;

– le curage ganglionnaire cervical peut être étendu (extended neck dissection) à une structure lymphatique, vasculaire, nerveuse ou musculaire qui n’est pas habituellement intéressée par un curage cervical : une adénopathie rétropharyngienne, le nerf hypoglosse, une artère carotide.

5- Méthodes de reconstruction :

Les méthodes de reconstruction de la langue doivent restaurer idéalement volume, forme, sensibilité et mobilité linguale.

La motricité de la langue mobile est essentielle pour la mastication, l’articulation, l’hygiène orale et la phase orale de la déglutition.

Volume, forme et mobilité de la base de la langue sont également primordiaux pour la phase pharyngée de la déglutition prévenant les fausses routes.

* Après l’exérèse d’un quart de la langue mobile :

Il n’est pas le plus souvent nécessaire d’utiliser un lambeau à distance.

Plusieurs méthodes peuvent être employées : fermeture primaire, absence de suture et épithélialisation par cicatrisation de seconde intention, greffe de peau épaisse ou confection d’un lambeau muqueux local.

Les petits defects de la base de la langue peuvent bénéficier d’une suture primaire ou de la translation postérieure de la langue mobile.

Lorsque ces lambeaux locaux conduisent à une distorsion importante de la langue mobile, un apport tissulaire devient nécessaire, soit par lambeau libre notamment antébrachial, soit par lambeau pédiculé comme le lambeau de muscle grand pectoral ou de muscle grand dorsal, souvent volumineux.

Le lambeau de peaucier du cou est plus fin et malléable.

Ces lambeaux, une fois cicatrisés, tolèrent parfaitement une irradiation postopératoire.

* Après hémiglossectomie :

La mobilité linguale peut être préservée en utilisant un lambeau antébrachial bilobé, séparant reconstruction du plancher et de la langue : la finesse de ce lambeau facilite la mobilisation linguale résiduelle.

D’autres lambeaux libres ont été décrits pour la reconstruction linguale : lambeau de jéjunum à l’origine d’une certaine hypersécrétion muqueuse, lambeau de muscle droit de l’abdomen plutôt réservé aux glossectomies subtotales, lambeau de tenseur de fascia lata caractérisé par sa souplesse.

La préservation de la base de la langue, et la réalisation d’une hyomandibulopexie permettent d’obtenir des suites fonctionnelles acceptables.

* Après glossectomie totale :

Sans sacrifice de la mandibule, les lambeaux musculocutanés libres de muscle grand droit de l’abdomen ou de muscle grand dorsal peuvent être proposés.

Lorsqu’une mandibulectomie interruptrice est effectuée notamment au niveau de l’arc antérieur mandibulaire, un lambeau libre composite ostéocutané de crête iliaque peut être réalisé.

Les prothèses mandibulaires sont habituellement peu satisfaisantes dans ces cas.

B – CHIRURGIE LASER :

Le laser CO2 peut être proposé pour le traitement des leucoplasies précancéreuses de la cavité buccale : douleurs intenses, cicatrisation lente, parfois récidive sont observées.

Son emploi a été décrit en complément d’un geste chirurgical d’exérèse de première intention sur les berges de résection tumorale.

C – CRYOTHÉRAPIE :

Elle utilise de très basses températures pour la destruction in situ des cellules tumorales.

Son développement a été initialement limité par le manque de fiabilité du contrôle de la congélation et les risques de lésion des organes de voisinage.

Une congélation rapide par de l’azote liquide sous pression, suivie d’un réchauffement lent est la méthodologie la plus létale pour les cellules tumorales.

Malgré des résultats intéressants pour les carcinomes T1-T2 de la langue, en association avec un curage ganglionnaire cervical, son application linguale reste peu développée, en raison de l’importance de la réaction inflammatoire locale à l’origine de complication respiratoire.

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