Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures

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Introduction :

Les fractures peuvent être traitées en suivant les principes émis par certaines écoles renommées.

Le chirurgien doit cependant garder l’esprit ouvert aux nouvelles idées, sans succomber aux modes passagères.

Il doit pour cela s’appuyer sur les notions fondamentales concernant la consolidation osseuse et ses bases mécaniques.

Les notions essentielles concernant la consolidation osseuse ont été exposées dans un autre article de ce traité.

Ce travail qui lui fait suite est consacré aux caractéristiques mécaniques de l’os et à la biomécanique de la consolidation.

Nous espérons que le lecteur trouvera dans ces pages les règles qui guideront ses choix thérapeutiques.

Biomécanique de l’os :

A – CARACTÉRISTIQUES MÉCANIQUES DES MATÉRIAUX :

Un bref rappel des notions de base est indispensable avant d’envisager les propriétés mécaniques de l’os, tissu vivant de structure complexe, et celles des implants utilisés pour l’ostéosynthèse des fractures.

1- Définitions :

Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures

* Force :

Une force est une action ou une influence telle qu’une traction ou une pression qui, appliquée à un corps libre, tend à l’accélérer ou à le déformer (force = masse × accélération).

Elle se définit par son point d’application, sa direction et son intensité. Un newton est une force qui, appliquée à une masse de 1 kg lui donne une accélération de 1 m par seconde carrée.

* Contrainte :

Une contrainte (stress) peut être définie comme la résistance interne à la déformation, ou la force interne produite dans un matériau par l’application d’une charge extérieure.

Contrainte = charge / surface d’application de la charge

Suivant le système international, les contraintes sont exprimées en newtons par mètre carré (1 N/m2 = 1 Pa), parfois en N/mm2 (1 N/mm2 = 1 mégapascal ou MPa). Toutefois, de très nombreuses publications expriment encore les contraintes en kilogrammes-force par millimètre carré (kgf/mm2). 1 kgf/mm2 = 9,81 MPa, c’est-à-dire en pratique 10 MPa.

Une grande partie des mesures concernant l’os ont été effectuées en utilisant les kgf/mm2.

Nous conserverons donc ces unités.

Le lecteur obtiendra les résultats en MPa en multipliant les chiffres indiqués par 10.

Forces et contraintes peuvent être classées en tension (traction), compression, flexion, torsion et cisaillement.

La tension tend à allonger le matériau et à le rétrécir.

Inversement, la compression le raccourcit et l’élargit.

Les deux agissent perpendiculairement à la surface du matériau.

Le cisaillement (shear stress) agit parallèlement à cette surface.

La torsion provoque dans le matériau des contraintes perpendiculaires à l’axe neutre de la structure.

* Déformation relative :

La déformation relative que les Anglo-Saxons désignent sous le terme de strain est la déformation d’un matériau résultant de l’application d’une force ou d’une charge.

Il existe deux types de déformations relatives :

– les déformations en tension ou en compression qui s’expriment le plus souvent en pourcentage de la longueur initiale (DL/L) ou en centimètres par centimètre ;

– les déformations en cisaillement qui représentent le pourcentage de déformation angulaire du matériau et qui s’expriment en radians.

2- Essais en traction. Module de Young :

La méthode la plus employée pour déterminer les caractéristiques mécaniques de base d’un matériau consiste à réaliser un essai de résistance à la traction conformément à la norme ISO 6892.

Une éprouvette de forme et de dimensions standardisées est taillée dans le matériau à étudier.

Deux repères distants d’une longueur L sont pointés le long d’une génératrice de la partie cylindrique.

L’essai consiste à enregistrer, au moyen d’une machine de traction, l’évolution DL de la distance entre ces deux repères en fonction de la force F, appliquée parallèlement à l’axe à chaque extrémité de l’éprouvette.

La courbe (force/allongement) obtenue dépend du matériau, mais également des dimensions de l’éprouvette.

Pour obtenir une courbe indépendante des dimensions de l’éprouvette, on rapporte usuellement la force F à la section initiale S de l’éprouvette.

On parle alors de la contrainte (stress) nominale de traction : a = F/S, qui s’exprime en (MPa) ou en kgf/mm2.

De la même façon, l’allongement DL est rapporté à la longueur initiale L pour donner la déformation (strain) linéaire DL/L, qui s’exprime en pourcentage.

On obtient ainsi la courbe (contrainte/déformation) caractéristique du matériau.

En examinant un exemple de courbe (contrainte/déformation), on observe trois zones distinctes.

* Zone d’élasticité (partie OA de la courbe) :

Cette partie de la courbe est assimilable à un segment de droite, c’est-à-dire que la déformation est proportionnelle à la contrainte exercée sur l’éprouvette ou sur l’implant.

C’est la loi de Hooke (1676).

Le rapport : E = contrainte / déformation est une constante appelée module d’élasticité en traction ou module de Young.

Il est exprimé en MPa ou en kgf/mm2, et il est l’expression de la pente de cette partie de la courbe. L’élongation (A) est proportionnelle à la force (F) qui la provoque et inversement proportionnelle au module d’élasticité (E) : A = F / E.

Le module de Young est d’autant plus grand que le matériau est plus rigide.

Tant que l’on applique à un implant une contrainte inférieure à rA (qui est la limite élastique ou yield stress du matériau), la suppression de cette contrainte permet à l’implant de reprendre ses dimensions initiales (la décharge s’effectue sensiblement sur le même chemin que la charge, c’est-à-dire suivant la partie OA de la courbe).

La déformation est élastique. eA est la déformation produite par rA ; c’est la plus grande déformation élastique du matériau (yield strain).

* Zone de déformation plastique (partie AB de la courbe) :

Au-delà du point A, la pente de la courbe diminue jusqu’à s’annuler.

C’est-à-dire qu’à une faible augmentation de la contrainte appliquée correspond une forte augmentation de la déformation.

En outre, cette déformation n’est plus entièrement réversible.

Si pour un niveau de contrainte rD la charge est lentement réduite, il en résulte une décharge le long de D’D, pratiquement parallèle à OA.

Lorsque la contrainte est ramenée à zéro, il subsiste une déformation résiduelle eD (on parle de déformation plastique).

C’est ce que le chirurgien réalise très souvent en modelant une plaque d’ostéosynthèse.

C’est également le cas pour l’incurvation d’un des deux os de l’avant-bras de l’enfant lorsque l’autre os est fracturé.

Si l’on effectue une nouvelle mise en charge à partir du point D’, on constate une évolution élastique le long de D’D, puis une évolution plastique le long de DB.

La limite élastique du matériau est maintenant rD (supérieure à rA) ; les propriétés du matériau ont donc été modifiées.

On dit que le matériau a été écroui ou qu’il a subi un écrouissage (strain hardening).

Écrouir un métal ou un alliage consiste donc à le travailler sous des efforts supérieurs à sa limite d’élasticité pour le transformer en un autre corps à limite d’élasticité accrue, mais à domaine plastique réduit.

L’écrouissage peut être obtenu en métallurgie par forgeage, étirage ou laminage à froid.

Le réchauffement à forte température de ce métal écroui lui rend ses qualités initiales.

C’est le phénomène du recuit.

L’usinage d’un implant entraînant des écrouissages locaux, il est assez souvent recuit pour lui rendre ses propriétés initiales.

* Zone de rupture (partie BC de la courbe) :

Au-delà du point B, la pente de la courbe devient négative.

La rupture a lieu pour la contrainte rC. rC est appelée contrainte de rupture (ultimate stress ou fracture stress) du matériau. eC est la déformation produite par rC.

C’est la déformation pour laquelle la rupture a lieu (ultimate strain). rB est appelée résistance à la traction (tensile strength).

C’est la contrainte nominale maximale du matériau.

C’est cette valeur qui est généralement donnée pour caractériser la résistance d’un métal. Pour les métaux utilisés en orthopédie, elle est très voisine de la contrainte de rupture rC.

Un matériau est cassant s’il se rompt rapidement dès que sa limite élastique est atteinte.

Sa plasticité est faible ou nulle.

C’est le cas du titane. La ductilité ou malléabilité caractérise un matériau apte à se déformer dans la zone de plasticité, comme par exemple le cuivre.

3- Essais en flexion :

Il existe différentes techniques de tests en flexion.

Elles varient en fonction du mode d’appui [encastrement ou appui simple du nombre d’appuis] [flexion trois points ou quatre points] et du mode de chargement.

Les éprouvettes doivent être longues et portent dans ce cas le nom de poutres.

Nous ne pouvons pas entrer dans le détail de la théorie des poutres.

Nous indiquons seulement quelques notions essentielles : en soumettant une poutre (mais aussi l’os, un implant ou le composite os-implant) à des tests en flexion, on provoque une déformation de cette poutre.

Sa face supérieure devient plus courte que sa face inférieure.

La face supérieure est en compression et la face inférieure en flexion.

La poutre est en fait soumise à un gradient linéaire de contraintes allant de la compression à la flexion.

Il y a donc une zone de la poutre dans laquelle les contraintes sont nulles.

Cette zone correspond à un plan de symétrie horizontal appelé plan neutre de la poutre.

4- Essais en torsion :

Un cylindre subit une contrainte en torsion lorsque ses extrémités sont soumises à un couple (forces parallèles travaillant dans des directions opposées) dont le plan est perpendiculaire à l’axe du cylindre.

Les contraintes de torsion se manifestent en spirales continues tout le long de l’objet.

Si on applique un couple de torsion aux extrémités d’une éprouvette, on observe sur la courbe (couple appliqué/angle de torsion) un comportement identique à celui obtenu lors de l’essai en traction.

La courbe présente une partie linéaire élastique, puis une zone plastique non linéaire jusqu’à rupture.

Si en traction, pour une section circulaire de l’éprouvette, la contrainte dans celle-ci est inversement proportionnelle au carré du diamètre, en torsion elle est inversement proportionnelle au cube de ce diamètre.

Pour un cylindre creux et pour une même section, ce cylindre est d’autant moins contraint en torsion que le diamètre extérieur est important.

5- Essais en fatigue :

Un matériau peut se rompre sous une contrainte inférieure à sa limite élastique s’il est soumis à des contraintes cycliques : c’est le phénomène de fatigue.

Un des essais les plus pratiqués pour déterminer le comportement en fatigue d’un matériau consiste à soumettre une éprouvette à un essai en torsion alternée et flexion rotative.

Afin que les fibres du matériau soient successivement comprimées puis tendues, l’extrémité de l’éprouvette est soumise à une rotation cyclique, tandis qu’une charge est appliquée à l’autre extrémité.

La charge étant connue, on relève le nombre de cycles pour lequel la rupture de l’éprouvette survient.

La courbe (charge/nombre de cycles à la rupture) obtenue est appelée courbe de Woehler.

En examinant un exemple de courbe de Woehler, on constate généralement que :

– le nombre de cycles que supporte un matériau avant rupture diminue quand la charge appliquée augmente ;

– il existe une valeur de la charge en deçà de laquelle, quel que soit le nombre de cycles la rupture ne se produit pas.

Cette valeur de la charge est appelée limite de fatigue ou limite d’endurance.

Pour les alliages habituellement utilisés en orthopédie, elle varie autour de 50 % de la charge de rupture.

Soumis à une charge supérieure à la limite de fatigue, le matériau casse inéluctablement après un certain nombre de cycles.

Soumis à une charge inférieure à la limite de fatigue, il ne casse pas.

L’endurance d’un implant augmente avec le taux d’écrouissage.

Un implant recuit, très plastique, a une limite de fatigue basse.

Compte tenu des charges qu’ils supportent, une plaque d’ostéosynthèse ou un clou centromédullaire sont au-dessous de la limite de fatigue lorsque la fracture est consolidée.

Dans ces conditions, ils ne cassent pas.

Ils cassent en revanche obligatoirement pour un nombre de cycles prédéterminé si la fracture ne consolide pas, car l’implant travaille audessus de sa limite de fatigue.

On estime habituellement à 2 millions le nombre de cycles de contraintes supportés par un implant du membre inférieur en 1 an.

B – CARACTÉRISTIQUES MÉCANIQUES DE L’OS :

La connaissance des caractéristiques mécaniques de l’os est indispensable pour la compréhension du mécanisme des fractures et pour le choix des techniques thérapeutiques.

Un jour de 1866, au cours d’une réunion de naturalistes, Herman von Meyer présentait une section frontale de l’extrémité supérieure du fémur.

Parmi les auditeurs se trouvait Culmann, ingénieur et mathématicien de renom.

Celui-ci fut frappé par la disposition trabéculaire ordonnée de l’os.

Cette extrémité osseuse avait les mêmes caractéristiques qu’une grue de type Fairbain dont les lignes de contraintes maximales étaient connues.

Ces lignes correspondaient au système de travées osseuses.

Culmann proposa aux biologistes une loi à confirmer : le squelette est élaboré de manière à supporter le maximum de charge avec le minimum de matériel.

L’idée fut acceptée et en 1870 Wolff énonçait sa fameuse loi selon laquelle l’os se forme en fonction des contraintes auxquelles il est soumis.

1- Moyens d’étude :

Ce n’est que depuis la Deuxième guerre mondiale que les caractéristiques mécaniques de l’os ont fait l’objet de nouveaux travaux.

Différentes techniques ont été utilisées :

– tests mécaniques tels que ceux que nous avons évoqués à propos des matériaux ;

– technique des « vernis craquelants » par observation des déformations du revêtement d’un os au cours de l’application de charges ;

– jauges de contraintes ;

– photoélasticité : technique qui utilise les modifications de la diffraction de la lumière dans certains plastiques en fonction des contraintes qu’on leur fait subir.

Cette technique que les auteurs ont utilisée à de nombreuses reprises, a encore un intérêt didactique ;

– modèles mathématiques complexes ;

– plus récemment, analyse par éléments finis qui permet de prévoir les contraintes dans une structure complexe.

Rohlmann et al. ont démontré que cette technique peut donner des renseignements sur des données simples telles que la distribution des contraintes résultant de l’application d’une force isolée.

Elle reste en revanche très approximative dans des conditions physiologiques, en particulier sur le plan quantitatif ;

– techniques de microscopie acoustique très performantes pour définir les différentes constantes élastiques de l’os dans les différents plans de l’espace.

2- Résultats :

Ces recherches ont abouti à des conclusions à peu près identiques que nous pouvons résumer comme suit.

* Matériau composite :

L’os est un matériau composite comportant deux phases, la matrice qui est essentiellement collagène et l’os minéral.

Le collagène n’a aucune résistance en compression mais a une grande résistance à la traction. Pour Zioupos et Currey, la diminution des propriétés mécaniques de l’os avec l’âge est due à des modifications du collagène.

La partie minérale est plus résistante en compression qu’en traction.

L’os tire sa résistance en traction de son composant collagène et sa résistance en compression de son composant minéral.

L’arrangement des cristaux d’apatite en petites unités protège l’os de la propagation des cracks.

La raideur de l’os augmente avec son degré de minéralisation.

Au fil de l’évolution elle s’est adaptée aux contraintes.

Destinés à propager les sons, les osselets de l’oreille moyenne sont très minéralisés.

La forme et la structure tubulaire de l’os ne sont pas un caprice de la nature.

Son architecture en anneau est parfaitement adaptée à la résistance aux contraintes.

Il suffit pour s’en convaincre de prendre une feuille de papier.

Il faut très peu d’effort pour la plier.

Si on la roule en forme de tube, en revanche, il devient plus difficile de la courber.

La forme cylindrique est celle qui donne la plus grande résistance pour une quantité donnée de matière.

* Résultat des tests :

Les caractéristiques mécaniques de l’os révélées par les tests, varient en fonction de nombreux paramètres tels que le mode de conservation, l’humidité, l’orientation du prélèvement…

La dessiccation augmente la raideur (rigidité) de l’os.

L’os mort est plus résistant que l’os vivant mais il est plus cassant.

– Résistance en traction L’os est élastique et suit la loi de Hooke.

Il s’allonge proportionnellement à la contrainte en traction qu’il subit. Dès 1847, Wertheim évaluait le module d’élasticité (module de Young) de l’os frais entre 1 819 et 2 638 kgf/mm2.

En 1876, Rauber l’estimait entre 1 982 et 2 099 kgf/mm2.

Jusqu’à une époque très récente, on a considéré que le module d’élasticité de l’os cortical était d’environ 2 000 kgf/mm2 (20 000 MPa) et celui de l’os spongieux de 650 kgf/mm2 (6 500 MPa).

Nous verrons plus loin que les choses sont beaucoup plus complexes et que le module de Young varie fortement d’un point de la corticale à l’autre.

En 1967, Bonfield et Li ont découvert que l’os de boeuf avait un module d’élasticité extrêmement bas, de 3 MPa soit 0,3 kgf/mm2.

Ce niveau est dépassé en permanence dans les activités quotidiennes.

Au-delà de cette limite, l’os a un comportement anélastique et sa déformation met une dizaine de minutes pour disparaître.

En 1978, Bonfield a repris ces expériences avec O’Connor.

Ils ont retrouvé un module d’élasticité très bas de 8 à 12 MPa (0,8 à 1,2 kgf/mm2) :

– pour des contraintes très faibles en dessous de la limite élastique, l’os a un comportement élastique linéaire classique (courbe A) ;

– quand la limite élastique vient d’être dépassée, les courbes de charge et de décharge coïncident seulement aux nivaux de contrainte maximum et minimum.

La courbe (B) a un aspect de boucle fermée en hystérésis.

Cet aspect avait déjà été signalé par l’un des auteurs en 1976 ;

– pour des contraintes élevées, les courbes de charge et de décharge ne coïncident pas sous forme d’une absence de contrainte lors de la décharge.

Elles laissent persister une déformation résiduelle et un aspect de boucle ouverte en hystérésis (courbe C).

La déformation non élastique a disparu lentement après la décharge, à condition d’attendre assez longtemps (jusqu’à 40 minutes).

Les os de l’enfant ont un module plus bas que ceux de l’adulte et ils absorbent plus d’énergie avant de se fracturer.

Il existe chez l’enfant une large zone de déformation non élastique.

Le module d’élasticité varie avec le degré de minéralisation de l’os.

La contrainte de rupture de l’os cortical est très proche de sa limite élastique.

Selon Rauber, cette contrainte de rupture varie entre 9,25 et 12,41 kgf/mm2.

Pour Marique, celle du fémur est de 12,5 kgf/mm2.

Evans l’évalue en moyenne entre 6,35 et 10,57 kgf/mm2.

La contrainte de rupture de l’os cortical se situe donc classiquement aux environs de 10 kgf/mm2.

Elle augmente pour l’os sec. En 1967, Comtet et al. ont constaté sur des radius frais une résistance en traction de 20 kgf/mm2.

À titre de comparaison, celle de l’acier est d’environ 100 kgf/mm2 ; celle du cuivre de 13, du chêne de 10, du pin de 6 et du béton de 2.

La résistance en traction de l’os est donc supérieure à celle du bois et à celle du béton. La résistance en traction (P) d’un os entier est donnée par la formule simple : P = SK (S étant la surface de section de l’os et K la contrainte de rupture de l’os en traction).

Il est ainsi simple de calculer la charge à la rupture des os du squelette, qui est de 1 500 kg pour l’humérus et de 2 300 kg pour le fémur.

Mais comme le soulignent Comtet et al., il serait faux de croire que cela représente la véritable résistance en traction de ces os.

En effet, la ligne idéale passant par le centre de gravité des sections n’est pas rectiligne et l’os a à supporter non seulement des contraintes de traction mais également des contraintes de flexion.

On obtient donc la rupture pour une charge bien inférieure à la valeur calculée ci-dessus.

Burstein et al. ont mesuré une déformation osseuse de 4,6 % (± 1,2 %) au moment de la rupture, sur une série de fémurs.

Des études micromécaniques réalisées par Ascenzi et Bonucci sur des ostéons isolés de l’os cortical ont révélé que la courbe contraintedéformation dans les ostéons est très fortement dépendante de l’orientation des paquets de fibres de collagène.

– Résistance en compression

Lorsque deux forces s’appliquent sur un corps en directions opposées, dirigées l’une en direction de l’autre, le corps est en compression.

Il devient plus court et plus large et finit par s’écraser.

La formule applicable est la même que pour la résistance en traction soit P = SK, mais cette fois K est la charge de rupture en compression, différente de celle en traction.

La contrainte de résistance en compression de l’os cortical varie suivant les auteurs de 12,56 à 25 kgf/mm2 soit deux fois plus que le bois.

Nous retiendrons une moyenne de 15 kgf/mm2.

La charge de rupture en compression de l’humérus est ainsi de 2 200 kg, celle du fémur de 3 450 kg avec les mêmes réserves que celles que nous avons énoncées pour la charge à la rupture en traction.

L’os résiste donc mieux à la compression qu’à la traction.

L’os spongieux a une résistance en compression beaucoup plus faible.

Elle est de 1 kgf/mm2 aux condyles fémoraux et de 2 à 3 kgf/mm2 dans certaines zones de l’extrémité supérieure du fémur.

Dans l’ensemble, l’os spongieux est dix fois moins résistant en compression que l’os cortical.

C’est donc en son sein que se produisent les fractures en compression.

Cette résistance diminue encore avec l’âge.

Le rôle principal de l’os spongieux semble être l’amortissement des contraintes.

L’arthrose pourrait être due à une diminution de son élasticité.

En 1972, Burstein et al ont montré que l’os a un comportement plastique en traction mais pas en compression.

Pour ces auteurs, la présence d’une zone de déformation plastique en tension est comparable à celle que l’on observe avec les polymères et correspond à la création de vides.

Pour d’autres, elle est due à la formation de microfractures dans la corticale.

En compression la courbe reste linéaire, c’est-à-dire que l’os se rompt brutalement sans déformation plastique.

– Résistance au cisaillement

Le cisaillement survient lorsqu’un groupe de forces tend à faire glisser une partie du corps sur lequel elles sont appliquées, sur la partie voisine.

La résistance au cisaillement varie suivant les auteurs de 7 à 11 kgf/mm2 pour l’os cortical et de 0,10 à 0,5 kgf/mm2 pour l’os spongieux.

En gros, l’os cortical est 20 fois plus résistant en cisaillement que l’os spongieux.

– Résistance en flexion

La résistance en flexion de l’os cortical varie de 10 à 20 kgf/mm2.

Elle augmente avec le moment d’inertie de l’os.

Celui-ci augmente avec la distance qui sépare la masse osseuse de l’axe neutre.

Cela explique l’élargissement du canal médullaire du sujet âgé qui donne une résistance équivalente avec moins de masse osseuse.

Cela explique également les constatations de Blaimont lorsqu’il a mesuré la microdureté des diaphyses.

Celle-ci diminue de l’endoste vers le périoste.

La partie la plus dure est logiquement la plus éloignée de l’axe neutre.

L’os n’est donc pas homogène mais son hétérogénéité est organisée.

– Résistance en torsion Pour Rauber, la résistance à la torsion de l’os varie entre 4 et 9,3 kgf/mm2, avec une moyenne de 7 kgf/mm2 sur éprouvettes.

Comtet ne trouve que 5 à 6 kgf/mm2 sur l’os entier.

Il attribue cette différence aux microdéfauts de surface qui existent sur l’os.

En torsion, la rupture se produit suivant une hélice, conformément à la théorie qui enseigne qu’une sollicitation en torsion est équivalente à une traction et à une compression s’exerçant à 45°.

La formule des contraintes en torsion que nous avons vue à propos des matériaux nous apprend que plus l’os est long, moins il est résistant en torsion.

Cela explique que les fractures spiroïdes surviennent sur les os longs. Plus l’os a un gros diamètre, moins il est vulnérable.

Si le bras de levier est long, comme par exemple un humérus tordu par l’intermédiaire de l’avant-bras, la force nécessaire pour rompre l’os est moindre (fractures au cours de concours de « bras de fer »).

Le site des fractures en torsion ne coïncide pas avec le siège d’application de la torsion.

* Anisotropie :

Matériau composite élastique, l’os a de nombreuses autres caractéristiques.

En 1958, Evans a montré qu’il est anisotrope, c’està- dire qu’il n’a pas les mêmes propriétés dans tous les plans.

Les résistances en traction que nous avons indiquées sont celles qui s’appliquent suivant l’axe longitudinal de l’os.

Transversalement ou obliquement, cette résistance est plus faible.

La résistance et la raideur de l’os sont maximales dans les directions correspondant aux contraintes les plus élevées.

En 1975, Reilly et Burstein ont présenté la première étude systématique de l’anisotropie de l’os.

Ils ont montré que le module d’élasticité longitudinal était en moyenne 50 % plus élevé que le module transversal.

Konirsch a montré, grâce aux extensomètres électriques à grande amplification, que le module d’élasticité varie notablement suivant la face de l’os et suivant qu’on l’étudie en traction longitudinale, en compression ou en flexion.

Il diminue de l’endoste au périoste, ce qui tend à égaliser les contraintes intraosseuses :

– à proximité de l’endoste : 2 600 kgf/mm2 (26 000 MPa) ;

– sous le périoste : 1 400 kgf/mm2 (14 000 MPa).

L’os étant plus résistant en compression qu’en traction, c’est de préférence sa face soumise à des contraintes en traction qu’il faut renforcer lors d’une ostéosynthèse.

Fort heureusement, les métaux utilisés comme implants pour l’ostéosynthèse possèdent une bonne résistance en traction.

* Viscoélasticité :

L’os vivant est viscoélastique.

Ses propriétés mécaniques varient avec la vitesse d’application de la charge.

Il perd en partie cette propriété à l’état sec.

Grâce à cette caractéristique, il résiste mieux aux efforts rapides qu’aux efforts lents.

La viscoélasticité de l’os lui permet de mieux s’adapter aux contraintes :

– si on applique une charge sur un os, il se déforme instantanément ; si la charge est maintenue, l’os continue à se déformer pendant 55 jours ;

– après 55 jours, la déformation atteint 153 % de celle qui avait été obtenue après les 2 premières minutes.

Le serrage d’une vis illustre bien cette viscoélasticité.

Après l’avoir serrée à fond, il est toujours possible de donner un quart ou un demi-tour après quelques minutes.

* Autres propriétés :

Tissu vivant, l’os a en outre deux propriétés considérables qui le distinguent des autres matériaux :

– en réponse à des demandes fonctionnelles, il peut changer ses propriétés mécaniques locales et les adapter aux contraintes.

Il existe une « fenêtre de contraintes admissibles » ; si l’os est soumis à un excès de contrainte, il va s’adapter en augmentant de volume et en modifiant sa texture.

Si les contraintes deviennent excessives, il se nécrose ou se fracture (fractures de fatigue).

Si au contraire il est soumis à un niveau de contrainte insuffisant, il va s’amincir et devenir plus fragile.

C’est le phénomène du stress-shielding que l’on observe au contact de prothèses massives très rigides parfaitement et directement fixées à l’os.

Ce phénomène est également préoccupant en mission spatiale de longue durée ;

– l’os a la possibilité remarquable de se réparer lui-même.

Ces propriétés sont le résultat de l’action combinée de processus biologiques et mécaniques complexes.

Nous allons voir plus loin à propos du fémur et du radius que l’os est beaucoup plus résistant que le calcul mathématique et les essais en traction sur éprouvettes isolées ne le laissent supposer.

Les mesures de Burstein ont montré qu’avec l’âge se produit une diminution de la déformation maximum avant rupture, atteignant 5 % tous les 10 ans au niveau du fémur et 7 % tous les 10 ans pour le tibia.

C – CONTRAINTES SUPPORTÉES PAR LES OS :

Les connaissances dans ce domaine sont récentes et demeurent limitées. Dans l’activité quotidienne, un ensemble complexe de forces est appliqué sur les os. L’application de ces forces provoque des déformations microscopiques.

Ces déformations dépendent de l’importance des contraintes, de la géométrie de l’os, c’est-à-dire de sa longueur, de ses courbes, de son diamètre et de ses propriétés mécaniques.

Chez l’homme, le centre de gravité du corps est situé devant la deuxième vertèbre sacrée.

La position latéralisée des membres inférieurs par rapport au centre de gravité produit des forces additionnelles asymétriques qui s’ajoutent au poids du corps.

Le squelette des membres inférieurs est ainsi soumis à une compression asymétrique.

Il en résulte des contraintes en flexion qui sont en tension sur le côté convexe et en compression du côté concave.

La forme des os est adaptée pour diminuer les contraintes en flexion.

Les os sont courbes, de telle sorte qu’ils sont dans l’axe de la résultante des forces qui agissent sur eux.

Cette courbure augmente les contraintes de compression qui sont les mieux tolérées et diminue en revanche les contraintes de flexion.

Le travail de Lanyon et Baggott avec des jauges de contraintes sur des radius de mouton a montré que la mise en charge axiale de cet os courbe produit des contraintes longitudinales mais aussi de flexion, en raison de la position excentrique de la charge.

Il existe de ce fait des contraintes de compression du côté concave et des contraintes de tension du côté convexe.

Les contraintes de compression sont deux fois plus importantes que les contraintes de tension.

Le calcul théorique basé sur la mise en charge d’une poutre chargée excentriquement prédisait des chiffres comparables.

La pathologie des affections statiques ne peut être bien comprise qu’en prenant en compte la distribution des contraintes dans l’os.

En 1968, Blaimont commençait ainsi un de ses articles : « La connaissance des contraintes osseuses et leur distribution est un élément presque entièrement ignoré de la physiologie du système de soutien ».

Cette connaissance est pourtant d’un grand intérêt pour l’ostéosynthèse, car elle permet une adaptation du matériel aux conditions mécaniques qui lui sont imposées.

1- Fémur :

Il est incontestablement l’os qui a été le mieux étudié.

On sait depuis Pauwells que la charge qui s’exerce sur la tête fémorale est considérable.

En position unipodale, le poids du corps excentré exerce sur la tête fémorale une charge de près de 300 kg, susceptible d’augmenter en fonction des efforts et des mouvements.

En montant des escaliers, cette charge peut atteindre 5 fois le poids du corps et en marchant rapidement jusqu’à 7,6 fois car dans ce cas les forces d’accélération s’ajoutent à la charge statique.

Bergmann et al., reprenant l’expérience de Rydell, ont publié en 1990 leurs résultats après mise en place in vivo de prothèses de hanche équipées de jauges de contraintes chez deux patients.

Les contraintes mesurées étaient pour un sujet de 370 % du poids du corps en montant les escaliers, de 416 % en les descendant et de 369 % en marchant à plat.

Pour l’autre sujet, atteint d’une maladie neurologique entraînant des troubles de la marche, ces contraintes étaient respectivement de 552 %, 523 % et 413 %.

Les contraintes sur le fémur en dessous du petit trochanter sont donc très élevées.

Blaimont et al. après Comtet ont attiré l’attention sur un aspect « mystérieux et paradoxal » de la résistance osseuse : le calcul des contraintes aboutit à des valeurs qui sont en contradiction avec les résultats de la mesure expérimentale de la résistance osseuse.

Blaimont a ainsi testé un fémur qui a résisté à une charge céphalique de 900 kg, ce qui correspond à une contrainte en tension de la corticale externe sous le grand trochanter de 22,5 kgf/mm2.

Une éprouvette prélevée au même niveau et testée en tension se fracturait pour une charge de 8,5 kgf/mm2.

Le fémur aurait dû se fracturer à ce niveau pour une charge céphalique de 340 kg.

Comtet et al. ont observé la même anomalie : une diaphyse radiale soumise expérimentalement à un effort de traction présente une fracture lorsque la charge atteint une valeur qui suppose une contrainte moyenne de 23,5 kgf/mm2.

Or au niveau où se produit la rupture, la résistance en traction sur éprouvettes isolées n’excède pas 14 kgf/mm2.

L’os est donc beaucoup plus résistant que le calcul mathématique et les essais en traction sur éprouvettes isolées ne le laissent supposer.

« Ce paradoxe peut s’expliquer soit parce que les bases du calcul mathématique des contraintes sont erronées dans leur application à l’os, soit parce que les épreuves de résistance à la traction sont entachées d’erreur ».

Blaimont a montré que les deux explications s’associaient pour expliquer le paradoxe :

– la dureté de l’os diminue presque linéairement de l’endoste au périoste.

Le module d’élasticité est nettement plus élevé au voisinage de l’endoste que dans la zone périostée.

La différence est importante ; Comtet trouvait sur le radius un module de 2 600 kgf/mm2 à proximité de l’endoste, et de 1 413 kgf/mm2 sous le périoste.

Si la totalité de la section osseuse présentait une égale dureté, les contraintes évolueraient suivant le modèle utilisé pour le calcul mathématique des contraintes.

Dans la flexion fémorale, le périoste est plus déformé que l’endoste.

Les zones déformées sont donc les plus déformables.

Il s’ensuit une tendance à l’égalisation des contraintes ;

– Comtet a montré que les épreuves de traction sur éprouvettes peuvent être entachées d’erreurs systématiques par défaut.

Elles donnent de la résistance osseuse une idée trop pessimiste.

Les causes d’erreur peuvent neutraliser ou cumuler leurs effets et conduire à des erreurs sur la contrainte de rupture estimées à 60 %.

La répartition des contraintes sur le fémur est bien connue depuis les travaux de Blaimont en 1968.

Lorsque cet os est mis en charge, la partie externe de l’os subit des contraintes de tension (T) alors que sa partie interne subit des contraintes de compression (C).

« Les deux zones T et C s’enroulent l’une autour de l’autre, en spirale, du haut en bas de la diaphyse ». Le fémur se fléchit donc sur toute sa hauteur.

« Les plus grandes déformations s’observent dans le haut du fémur puis vont en diminuant jusqu’à 20 cm.

À partir de ce niveau, les déformations de compression présentent une nouvelle élévation tandis que les déformations de traction continuent de baisser ».

Les contraintes supportées par le fémur sont importantes, même lorsque le sujet en décubitus soulève simplement le membre du plan du lit.

Diehl les a évaluées compte tenu du poids du membre et du bras de levier qui correspond à la distance du centre de gravité au foyer.

Le moment de flexion, à la hauteur de la région sous-trochantérienne est de 440 cm/kg .

Dans les mêmes conditions, ce chiffre chute à 10 cm/kg au niveau de la métaphyse distale du tibia.

2- Tibia :

Les études de Lanyon et al. et celles de Carter ont montré la complexité des contraintes supportées par la face antéroexterne du tibia au cours de la marche et de la course.

Pendant la marche, les contraintes sont en compression pendant l’appui du talon, en tension pendant la phase d’appui plantaire, puis à nouveau en compression au moment de l’appui en pulsion sur l’avant-pied et le gros orteil.

Des contraintes en cisaillement apparaissent pendant la dernière partie du pas, indiquant une rotation externe du tibia à ce moment.

Pendant la course, il existe des contraintes modérées en compression au moment de l’appui du gros orteil suivies de contraintes très élevées en tension.

Les contraintes en cisaillement sont faibles.

La face postérieure du tibia est en tension lorsque le pied est posé à plat.

Grâce à sa forme tubulaire, le tibia résiste bien aux contraintes en flexion.

Compte tenu de son plus large diamètre à sa partie supérieure et de ce fait de son plus grand moment d’inertie à ce niveau, il résiste mieux aux contraintes en torsion que la partie distale, dont le petit diamètre s’accompagne d’un moment d’inertie plus faible.

Les contraintes en cisaillement à la partie distale du tibia sont le double de celles qui s’exercent sur la partie proximale.

Cela explique la raison pour laquelle les fractures en rotation du tibia se produisent essentiellement à la partie distale de l’os.

Comme le souligne Poitout, le tibia peut être considéré à la coupe comme un « prisme triangulaire ».

Si un « prisme triangulaire » métallique mis en compression perd de sa hauteur et s’élargit, le tibia au contraire voit ses faces se rapprocher sous l’influence d’une charge croissante. L’influence des muscles sur ses faces contrebalance cette déformation.

3- Fibula :

Il a une courbure inversée par rapport à celle de la face postérieure du tibia et joue un rôle fondamental dans la transmission des contraintes en rotation.

La membrane interosseuse à une action essentiellement mécanique.

4- Membre supérieur :

C’est aux faces postérieures de l’humérus et des deux os de l’avantbras que siègent généralement les contraintes de traction.

5- Résistance globale des os :

Elle a été étudiée par Yamada.

6- Poutres composites os-muscle :

Comme l’ont souligné Rabischong et Avril en 1965, os et muscles s’associent pour augmenter la résistance d’un segment déterminé à des efforts parfois considérables.

Ils forment ensemble une poutre composite beaucoup plus résistante que les os isolés.

Les poutres composites sont l’association de deux matériaux différents unis solidairement et qui partagent les contraintes en fonction de leur module d’élasticité et de leur moment d’inertie.

Reprenons l’exemple de Rabischong, c’est-à-dire les contraintes qui s’exercent sur les deux os de l’avant-bras lorsqu’une charge de 20 kg est placée dans la main.

Si l’on considère que le coude est maintenu plié à 90° par les fléchisseurs du coude comme les câbles d’une grue, les contraintes de traction- compression dans les deux os de l’avantbras sont de 2,5 t, ce qui est très supérieur à la résistance du squelette.

Les muscles n’agissent donc pas sur les leviers squelettiques à la façon des câbles d’une grue, mais forment avec eux une poutre composite.

Le muscle en contraction modifie ses dimensions et son module de Young.

Il vient se plaquer étroitement sur le squelette.

La ligne neutre se déplace.

Le plan osseux passe en arrière d’elle et travaille en compression.

Le calcul indique alors une contrainte qui n’est plus que de 1,30 kgf/mm2, ce que l’os peut parfaitement supporter.

Les muscles se comportent également comme des haubans comparables à ceux qui tiennent un mât de bateau.

En agissant ainsi, ils augmentent les forces de compression dans l’os, ce qui est favorable, puisque nous avons vu que c’est en compression que l’os est le plus résistant.

Biomécanique des fractures :

Nous ne pouvons pas entrer dans le détail de cette question qui justifierait un article isolé.

Nous nous limitons donc à quelques notions générales.

A – CONTRACTION MUSCULAIRE :

Elle joue un rôle très important dans la prévention des fractures.

On peut illustrer ce rôle par l’exemple de la chute en skis vers l’avant.

Le tibia du skieur vient s’appuyer en avant sur le bord de la chaussure avec un effet de flexion.

La corticale postérieure du tibia est soumise à des contraintes de traction très élevées qui ont de fortes chances d’entraîner une fracture.

Heureusement, la contraction réflexe du triceps va provoquer des contraintes de compression postérieures qui vont neutraliser les contraintes de traction, protéger le tibia et éviter la fracture.

La contraction musculaire automatique au cours d’une chute protège le squelette.

Chez le vieillard en revanche, la rapidité de la réaction musculaire n’est plus suffisante.

Les troubles de la vue, de l’ouïe et de l’équilibre sont des facteurs aggravants.

B – FRACTURES DE FATIGUE :

Une fracture peut survenir si la contrainte supportée par l’os est supérieure à la résistance maximum de l’os, mais elle peut également survenir à la suite de l’application répétée de contraintes beaucoup plus basses.

Ce sont les fractures de fatigue.

Elles font l’objet d’un article particulier.

Elles surviennent soit après application peu fréquente de contraintes élevées, soit après application très fréquente de contraintes relativement faibles.

La fréquence des sollicitations joue également un rôle, car le remodelage osseux peut aller plus vite que le processus de fracture spontanée et éviter celle-ci.

La fatigue musculaire intervient dans la survenue des fractures de fatigue en supprimant la protection du squelette.

C – FRACTURES ET NIVEAU D’ÉNERGIE :

On peut classer les fractures en trois catégories, basées sur la quantité d’énergie libérée à leur niveau :

– fractures à basse énergie : ce sont les fractures survenues à la suite d’une chute banale ;

– fractures à haute énergie : elles se produisent à l’occasion d’un accident de la route et sont comminutives avec lésions des parties molles ;

– fractures à très haute énergie : causées par un projectile de guerre à grande vitesse, elles correspondent à de véritables explosions osseuses avec pertes de substance des parties molles.

D – FRACTURES SUR DÉFECTUOSITÉ OSSEUSE :

La création d’une perte de substance osseuse fragilise considérablement l’os.

Burstein a montré que le simple fait de forer un trou et d’insérer une vis dans le fémur de lapin diminue de 70 % sa capacité d’absorber l’énergie.

Huit semaines plus tard l’effet a disparu, mais l’ablation de la vis diminue à nouveau de 50 % cette possibilité de l’os.

La création d’une fente osseuse sur une diaphyse crée une section ouverte.

Dans ce cas, la résistance à la fracture est diminuée de 70%. Le prélèvement d’un greffon cortical fragilise donc beaucoup l’os.

E – FRACTURES ET CONTRAINTES :

La survenue d’une fracture est en fait une question de distribution de contraintes et d’énergie mécanique.

L’énergie nécessaire pour fracturer un tibia humain normal est seulement le 1/10 000e de l’énergie cinétique d’un skieur de 80 kg se déplaçant à 45 km/h.

Le désastre survient seulement quand l’énergie cinétique est brutalement concentrée et convertie en travail pour déformer le tibia.

Les fractures sont le résultat de contraintes excessives en tension.

Celles-ci ne sont en général pas causées par des forces de traction mais plutôt par des forces de flexion ou de torsion.

Les fractures en « bois vert » sont pour Radin la combinaison de microfractures de la corticale d’un os peu calcifié à bas module d’élasticité.

1- Fractures en traction :

Elles surviennent généralement dans l’os spongieux.

La fracture de la base du cinquième métatarsien par traction du court péronier latéral et celle du calcanéum par traction du tendon d’Achille sont de bons exemples.

2- Fractures en compression :

Le meilleur exemple est réalisé par les fractures-tassements des vertèbres.

3- Fractures en cisaillement :

On les rencontre habituellement dans l’os spongieux en particulier aux condyles fémoraux ou aux plateaux tibiaux.

4- Fractures en torsion :

Les contraintes de tension les plus élevées sont à 45° des contraintes de cisaillement.

Le trait de fracture suit un plan en spirale pour suivre cet angle. Il n’y a pas de meilleur exemple que la fracture spiroïde du skieur.

5- Fractures en flexion :

Les fractures diaphysaires transversales ou en « aile de papillon » relèvent de ce mécanisme.

La fracture commence sur la surface convexe, sur les fibres les plus extérieures qui supportent le plus de contraintes en tension.

S’il existe sur cette face une entaille ou une rainure, la fracture commence à ce niveau.

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