Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures (Suite)

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Biomécanique de la consolidation :

Depuis les temps les plus reculés, l’homme utilise les facteurs mécaniques de la consolidation en immobilisant les membres fracturés.

L’ostéosynthèse apparue au début du XXe siècle perturbe les facteurs biologiques en évacuant l’hématome fracturaire et modifie la mécanique de la consolidation.

La connaissance des conditions mécaniques idéales, avec ou sans ostéosynthèse, est donc d’une importance fondamentale.

La stabilité et la raideur idéale des ostéosynthèses sont discutées depuis longtemps.

Le symposium de la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (Sofcot) en 1982 fut consacré à cette question.

Son titre était : « La fixation d’une fracture doit-elle être rigide ou élastique ? » (I. Kempf, J.-P. Meyrueis, S. Perren).

Il aurait été préférable de l’intituler : « La fixation d’une fracture doit-elle être stable ou instable ? ».

À cette question fondamentale, il convient maintenant d’en ajouter une nouvelle : « Cette fixation doit-elle être statique ou dynamique ? ».

Faire le point sur les facteurs mécaniques de la consolidation osseuse exige donc de commencer par un rappel des définitions de base.

A – DÉFINITIONS :

1- Fixation stable et fixation instable :

Lors du symposium de la Sofcot en 1982 il a été convenu avec les représentants de l’AO et du Canada qu’un foyer de fracture est considéré comme stable si aucun mouvement interfragmentaire n’est décelable à l’oeil nu sous l’influence des contraintes (forces par unité de surface ou stress des Anglo-Saxons) qu’il subit.

Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures (Suite)

Inversement, un foyer est instable s’il persiste des mouvements visibles entre les extrémités fracturaires sous l’influence des contraintes.

La question fondamentale du traitement des fractures est de savoir si l’immobilisation orthopédique ou chirurgicale doit stabiliser le foyer ou laisser persister une instabilité.

Pour savoir si on a réalisé une ostéosynthèse stable ou instable, il est essentiel de mobiliser vigoureusement le membre avant de refermer la voie d’abord.

Il est ainsi encore parfois possible de modifier le montage pour atteindre le degré de stabilité recherché.

Une ostéosynthèse stable à la mobilisation peropératoire par le chirurgien et à la mobilisation postopératoire par le malade peut devenir instable à la reprise de l’appui.

On dit qu’il existait seulement une stabilité de mobilisation.

Inversement, si l’ostéosynthèse reste stable non seulement à la mobilisation mais aussi à la reprise totale de l’appui, on parle de stabilité de charge.

2- Raideur :

Les implants et les montages associant plusieurs implants utilisés pour fixer un foyer de fracture se caractérisent par leur résistance à la déformation désignée par les Anglo-Saxons sous le terme de stiffness. La meilleure traduction en français est probablement « raideur ».

Cette raideur varie de la rigidité à son contraire, la flexibilité.

Par définition, un corps est rigide s’il se déforme difficilement. Inversement, il est flexible s’il se déforme facilement.

La raideur d’un implant dépend de ses dimensions et du module d’élasticité du matériau dans lequel il est fabriqué. Nous avons pris la mauvaise habitude de parler de rigidité à la place de raideur.

3- Élasticité et plasticité :

L’élasticité est la propriété d’un corps, donc d’un implant, de retrouver sa forme et ses dimensions initiales après sa déformation.

La plasticité est l’inverse, c’est-à-dire la propriété d’un corps de conserver une partie ou la totalité de la déformation.

Lorsque le chirurgien déforme un implant, par exemple une plaque d’ostéosynthèse pour l’adapter à la forme de l’os, cet implant va passer par trois phases successives, comme nous l’avons vu dans le premier chapitre :

– dans un premier temps, pour des contraintes modérées, l’implant a un comportement élastique, c’est-à-dire que lorsque la contrainte cesse il reprend sa forme et ses dimensions initiales ;

– dans un deuxième temps, pour des contraintes plus importantes, son comportement devient plastique, c’est-à-dire qu’il reste déformé.

La limite entre la zone élastique et la zone plastique est la limite élastique ;

– si les contraintes augmentent encore, l’implant entre dans la zone de rupture, c’est-à-dire qu’il casse.

Un implant modelé en salle d’opération est donc relativement fragilisé.

Il est préférable d’utiliser des implants prémoulés ayant subi en usine un temps de recuisson qui leur a redonné leurs propriétés métallurgiques initiales.

4- Fixation statique et fixation dynamique :

Il est de bon ton depuis une dizaine d’années de parler de fixation dynamique.

Pourtant, la définition de l’ostéosynthèse dynamique reste imprécise.

Pour l’AO, une fixation dynamique est celle qui utilise les forces musculaires pour stabiliser le foyer, comme le fait par exemple un hauban.

D’autres au contraire utilisent ce terme pour désigner la remise en charge précoce des foyers de fracture transversaux encloués sans verrouillage ou verrouillés d’un seul côté.

Tous les auteurs utilisent le terme de dynamisation pour désigner la dérigidification des fixateurs externes en cours de traitement.

La recherche d’un consensus sur le sens même des termes utilisés était devenue indispensable.

En l’absence de définition internationale précise, l’un des auteurs a donc proposé il y a quelques années de convenir que :

– une fixation est statique lorsque sa raideur reste constante du début à la fin du traitement ;

– elle est dynamique lorsqu’on fait varier sa raideur dans le temps et de ce fait les contraintes qui passent dans le foyer, pour favoriser la formation du cal ou pour le renforcer : déverrouillage des clous, dynamisation des fixateurs externes.

B – FIXATION STABLE OU FIXATION INSTABLE ÉLASTIQUE :

La question fondamentale que doit se poser le chirurgien avant de commencer le traitement d’une fracture est de savoir s’il doit réaliser une fixation stable ou une fixation instable élastique.

Il ne viendrait en effet à l’esprit de personne de défendre une fixation instable plastique avec laquelle les contraintes entraîneraient une déformation résiduelle permanente dans le foyer de fracture.

Dans une récente conférence d’enseignement, P.-E.Ochsner utilise le terme de « stabilité relative » pour désigner la fixation élastique instable.

Nous ne sommes pas favorables à cette appellation, qui remet en question un consensus toujours difficile à obtenir.

Pendant les trois premiers quarts du XXe siècle, la majorité des ostéosynthèses recherchaient la stabilité du foyer de fracture, le plus souvent sans y parvenir.

Cette ostéosynthèse stable fut ensuite remise en cause.

Pour discuter du bien-fondé de ces attitudes contradictoires, nous devons revenir un moment sur le rôle des facteurs mécaniques dans les mécanismes de la consolidation.

1- Biomécanique du cal :

* Tableau de Mac Kibbin

En 1978, Mac Kibbin a parfaitement mis en évidence le rapport entre la mobilité du foyer de fracture et la formation d’un cal par les différentes couches osseuses.

La connaissance de son tableau est indispensable à la compréhension de l’ostéosynthèse.

Après une courte phase de formation du cal primaire, périoste, corticales et médullaire vont participer à la formation du cal de façon très différente.

Le périoste forme rapidement un cal volumineux qui ponte le foyer de fracture et l’immobilise progressivement.

Ce cal est susceptible de combler de larges pertes de substance.

Il nécessite le respect des tissus mous qui entourent l’os.

Le cal périosté est stimulé par une mobilité du foyer de fracture.

La stabilité de ce foyer empêche au contraire sa formation.

La formation de cal par le périoste est par ailleurs limitée dans le temps, ce qui, nous le verrons, a des conséquences dans le concept d’ostéosynthèse dynamique.

Le cal externe est le mécanisme de consolidation le mieux connu et le moins controversé.

La consolidation des corticales peut se produire « per primam » lorsque le contact entre les fragments est parfait.

Ce fut la base de la technique AO.

Le plus souvent, il persiste des zones de contact imparfait, et l’ossification se fait non par passage direct des ostéons mais par ossification venue du voisinage (gap healing).

Dans les deux cas, le cal cortical exige une stabilité absolue du foyer de fracture.

Il est inhibé par la mobilité à son niveau.

Le cal venu de la médullaire est de formation assez lente.

Il est peu sensible à la mobilité dans le foyer de fracture.

* Nouvelles études histologiques :

Il y a quelques années, nous avons repris l’étude de ces cals.

Ce travail nous a montré que le rôle du cal médullaire a été jusqu’ici sous-estimé. Ilizarov insistait déjà sur son importance.

En site stable, les cellules précurseurs de la moelle forment à 6 semaines un disque biconcave d’os immature qui s’infiltre entre les fragments de corticale.

La pénétration du cal médullaire entre les fragments de corticale pour consolider celle-ci exige une stabilité parfaite du foyer.

À 12 semaines, de nouveaux systèmes de Havers se sont formés dans le cal périosté et dans les corticales.

Ces systèmes sont orientés dans tous les plans de l’espace suivant les contraintes locales, conformément à la loi de Wolff.

Pour plus de détails, nous renvoyons le lecteur intéressé à notre article sur la consolidation osseuse dans le même traité.

Le processus naturel de consolidation passe par la formation rapide d’un cal périosté, stimulé par une immobilisation imparfaite.

Ce cal stabilise le foyer, qui est ensuite comblé par un cal venu de la médullaire.

Le remodelage reconstitue ensuite progressivement les corticales.

2- Foyer fermé :

Pendant des millénaires, les fractures fermées se sont consolidées avec une immobilisation précaire.

C’est toujours le cas avec un plâtre, une extension continue ou avec la technique de Sarmiento qui réalisent une immobilisation instable.

Une ostéosynthèse réalisée à foyer fermé par un fixateur externe, comme le préconise Burny, respecte le périoste et l’hématome fracturaire.

Un montage élastique instable est alors justifié pour stimuler le périoste.

C’est le cal formé par celui-ci qui va stabiliser le foyer.

Les montages réalisés sont l’équivalent d’un plâtre, avec l’avantage d’une mobilisation articulaire précoce, mais les risques septiques non négligeables que font courir les fiches.

Une fixation légèrement instable élastique constitue un bon moyen d’immobilisation d’une fracture fermée.

3- Foyer ouvert :

Les choses sont totalement différentes lorsque le foyer de fracture a été ouvert soit par le traumatisme, soit par le chirurgien.

Celui-ci doit certes penser à la mécanique de son ostéosynthèse mais aussi à la biologie de la consolidation.

* Ostéosynthèse à foyer ouvert d’une fracture fermée :

Elle doit se faire avec un respect maximum des éléments ostéoformateurs :

– l’évacuation de l’hématome fracturaire et du pouvoir ostéoinducteur qu’il acquiert en 4 jours perturbe fortement la formation du cal.

C’est en effet dans cet hématome que sont libérées dans les premières 48 heures les substances mitogènes puis les facteurs ostéoinducteurs biochimiques tels que la bone morphologic protein (BMP), les transforming growth factors (TGF), etc.

Il contient également les cellules précurseurs indifférenciées, en cours de multiplication sous l’influence de ces facteurs.

Il est cependant possible de prélever en début d’intervention le caillot fracturaire et de le mettre en attente dans du sérum additionné d’antibiotique.

Il est ensuite remis en place autour du foyer avant fermeture ;

– l’ouverture du périoste diminue ses propriétés de formation du cal.

Il doit donc être ouvert a minima et les extrémités d’une plaque peuvent parfaitement être placées sur un périoste respecté ;

– le curetage de la cavité médullaire est un geste à proscrire absolument si la fracture était fermée avant son ouverture chirurgicale.

Malgré ces précautions, à foyer ouvert, avec ouverture du périoste, il ne faut plus compter sur le cal périosté pour stabiliser le foyer.

Il reste à faire appel au cal cortical per-primam ou au cal cortical venu du cal médullaire. Ces cals nécessitent une stabilité absolue du foyer.

Les études expérimentales de Wu et al. de la Mayo Clinic confirment cette notion.

Elles ont en effet prouvé, en étudiant la consolidation d’ostéotomies de chiens immobilisés par des fixateurs de raideurs différentes, que la consolidation et le remodelage d’une fracture sont d’autant plus longs que le fixateur est plus flexible.

À foyer ouvert, une ostéosynthèse statique doit impérativement être stable.

* Fractures largement ouvertes par le traumatisme :

La stabilisation du foyer ne suffit généralement pas pour obtenir la consolidation.

Le périoste gravement endommagé n’a plus que de très faibles possibilités de formation d’un cal périosté.

Le parage nécessite un curetage local de la cavité médullaire.

Ce parage médullaire élimine une grande partie des cellules ostéoprogénitrices dont la multiplication, sous l’action des facteurs ostéo-inducteurs et des substances mitogènes, aurait assuré la formation d’un cal médullaire puis cortical.

Ces cas difficiles nécessitent un apport ostéogénique qui exige une stabilité du foyer.

4- Fractures de l’enfant :

La consolidation d’une fracture de l’enfant se fait très facilement grâce à un cal périosté.

La croissance corrige une partie des déformations résiduelles.

La fixation instable élastique à foyer fermé est donc chez lui un procédé de choix.

La technique de l’enclouage élastique donne des résultats remarquables.

Nous sommes en revanche en désaccord avec son appellation de « fixation élastique stable ».

La mobilité du foyer est indiscutable et volontaire pour favoriser le cal périosté.

La fixation est donc élastique instable suivant le consensus du symposium de 1982.

C – FIXATION STATIQUE ET FIXATION DYNAMIQUE :

1- Fixation statique :

L’ostéosynthèse par plaques est l’exemple de la fixation statique.

La raideur du montage est fixée une fois pour toutes sauf si les vis se mobilisent.

Lorsque des signes de mobilisation des vis sont perceptibles, il existe cependant une possibilité d’améliorer la stabilité du foyer : c’est la mise en place d’un plâtre complémentaire comme le recommandait M. Muller.

Cette stabilisation supplémentaire imparfaite suffit parfois pour que la consolidation rattrape la détérioration de l’ostéosynthèse et l’évolution vers la pseudarthrose.

L’enclouage verrouillé en haut et en bas est également un montage statique qui ne varie pas dans le temps.

2- Fixation dynamique :

À partir du début des années 1980, une série d’études expérimentales a remis en cause le principe d’une fixation statique des fractures, mécaniquement identique d’un bout à l’autre du traitement.

* Études expérimentales :

En 1981, Wolf et al. observent une augmentation de la résistance d’ostéotomies de rats traitées par mise en charge cyclique.

Cette amélioration n’était évidente que de la 4e à la 6e semaine.

Elle diminuait à 8 semaines, quand l’os approchait de sa résistance normale.

En 1884, Rubin et Lanyon montrent que l’application d’un nombre limité de cycles de charge sur l’os provoque une réponse ostéogénique susceptible de rétablir et de maintenir la masse osseuse.

En 1985, Goodship et Kenwright établissent que l’application quotidienne d’une stimulation mécanique axiale de 360 N (500 cycles à 0,5 Hz) commencée 1 semaine après la fracture et terminée à la 12e semaine accélère la consolidation par formation d’un cal périosté.

Ces études prouvaient qu’il est possible d’agir mécaniquement sur la consolidation.

Les résultats cliniques d’Ilizarov qui remettait ses patients en charge très précocement, et de de Bastiani qui débloquait axialement son fixateur vers la 5e semaine, confirmaient ces résultats expérimentaux.

* Applications :

– Dynamisation de l’enclouage

L’école de Strasbourg a préconisé pendant des années la dynamisation de l’enclouage verrouillé par ablation des vis de verrouillage d’un côté du foyer vers le 3e mois, lorsque le cal tarde à se développer.

Pratiqué trop précocement, ce déverrouillage risque d’entraîner un tassement du foyer.

Réalisé en revanche lorsque le foyer est suffisamment englué, il n’entraîne pas de mobilité anormale mais une augmentation des contraintes dans l’os, favorable au renforcement du cal suivant la loi de Wolff.

La majorité des auteurs réservent maintenant le déverrouillage aux évolutions défavorables.

Les résultats de cette technique de dynamisation ont été décevants pour ceux qui cherchaient à obtenir la consolidation.

Cette déception était prévisible.

La technique préconisait en effet une fixation stable au début, devenant ensuite instable pour favoriser la formation du cal.

Nous savons maintenant qu’il faudrait faire l’inverse, c’est-à-dire une fixation légèrement instable au début pour stimuler le cal périosté, suivie vers la 6e semaine quand les possibilités de ce cal sont épuisées, d’une stabilisation pour favoriser la minéralisation du cal périosté ainsi que la formation du cal cortical et éventuellement médullaire.

En dehors des fractures comminutives pour lesquelles le maintien de la longueur est primordial, la dynamisation des clous devrait se faire dans l’ordre inverse, c’est-à-dire en reportant à la 6e semaine l’éventuel verrouillage d’appoint !

Le déverrouillage tardif pour renforcer le cal avant l’ablation totale du matériel conserve son intérêt pour renforcer un cal déjà existant.

– Dynamisation des fixateurs externes

La fixation externe est le moyen d’ostéosynthèse idéal pour la fixation dynamique.

Dès le début des années 1980, nous avons été nombreux à préconiser et à utiliser la diminution progressive de la raideur des montages en fin de traitement, pour renforcer le cal et limiter le risque de fracture itérative.

Ce n’est que plus tard, au milieu des années 1990, que les expériences de Kenwright ont attiré l’attention sur l’intérêt d’une fixation initiale légèrement instable de façon intermittente.

En 1991, Kenwright et al. ont publié les premiers résultats de mobilisation intermittente précoce destinée à stimuler le cal périosté :

– dans une première série, des mouvements axiaux de 1 mm ont été appliqués pendant 20 minutes chaque jour, en commençant avant le 7e jour ;

– dans la deuxième série, le fixateur était bloqué en position de neutralisation.

Globalement, les auteurs ont considéré que la mobilisation axiale précoce améliorait de 20 % les délais de consolidation.

Dans une deuxième publication de 1995, les mêmes auteurs se sont contentés d’une remise en charge précoce avec un fixateur Orthofix bloqué en position de neutralisation.

La mobilité ainsi obtenue dans le foyer variait de 0,2 à 0,9 mm, mais cette mobilité n’était pas purement axiale.

Les conclusions de cette nouvelle étude sont beaucoup plus prudentes, et se résument à préciser que de nouveaux travaux sont souhaitables pour évaluer l’importance, la fréquence et la direction des mouvements susceptibles d’influencer la consolidation.

Ils ont pu constater, en effet, que la mobilisation systématique prolongée d’une fracture complexe aboutit le plus souvent à des impasses de la consolidation après épuisement du cal périosté.

Les travaux de Noordeen et al. montrèrent la même année que la poursuite de micromouvements dans le foyer au-delà de quelques semaines provoque la formation d’une pseudarthrose.

Comment pouvons-nous envisager les choses à la lumière de ces expériences ?

Après 5 à 6 semaines, la mobilisation modérée du foyer par remise en charge intermittente précoce n’est plus susceptible de stimuler le cal périosté, dont les possibilités de formation s’épuisent avec le temps.

Elle risque en revanche de détruire une stabilisation précaire qui allait permettre la pénétration d’os immature entre les extrémités osseuses.

La logique est donc en faveur d’un arrêt de la mobilisation du foyer à ce stade, avec au contraire stabilisation permanente pendant les semaines de maturation du cal.

Suivis par un certain nombre de confrères, nous avons proposé en 1996 de commencer le traitement par une fixation élastique permettant la stimulation du cal périosté.

À la 6e semaine, lorsque les possibilités de formation de ce cal sont épuisées, le foyer est stabilisé pour favoriser les cals médullaire et éventuellement cortical.

Comment obtenir cette stabilisation ?

Le déblocage axial du fixateur peut dans certains cas être utilisé pour améliorer la stabilité.

En effet dans l’immense majorité des cas, ce déblocage axial n’entraîne paradoxalement pas d’augmentation de la mobilité dans le foyer.

La suppression de l’effet ressort des fiches provoque un léger tassement de celui-ci et de ce fait une amélioration de la stabilité.

Le plus souvent, la stabilisation est obtenue en raidissant le montage.

Lorsque celui-ci comporte plusieurs appareils, ils sont en général mis en place lors de la première intervention mais certaines parties sont enlevées jusqu’à la phase de stabilisation.

La reprise de l’appui a par elle-même un effet positif sur la formation osseuse.

Les expérimentations de Meadows et al. ne laissent persister aucun doute à ce sujet. Mais la remise en charge même limitée à 75 %, des foyers instables n’est pas envisageable avant le 50e jour au plus tôt.

Quand enlever le fixateur ?

La résistance du cal croît avec le temps, mais de façon assez brutale.

Le foyer mobile se fige en quelques jours.

Les radiographies apprécient la quantité de cal mais pas ses qualités mécaniques.

Différents procédés ont été testés41 pour évaluer la raideur du foyer.

Nous citons celui publié en 1994 par Richardson et al.

Ils évaluent la raideur du foyer :

– soit directement en appliquant un goniomètre flexible de part et d’autre de la fracture ou sur les fiches après ablation de l’appareil ;

– soit indirectement par des jauges de contrainte placées sur le fixateur en place.

L’ordinateur calcule la raideur de la fracture en N/m/degré.

À l’issue de cette étude, les auteurs ont adopté la rigidité de 15 N/m/degré comme limite au-delà de laquelle le fixateur peut être enlevé sans risque de fracture itérative.

Le temps nécessaire pour atteindre cette rigidité a été en moyenne de 13 semaines pour les fractures stimulées par micromouvements, et de 18 semaines pour les fractures immobilisées statiquement.

Le fixateur peut être enlevé en une seule fois lorsque le cal a atteint une rigidité suffisante.

Il existe un risque certain de fracture itérative.

Pour éviter cette complication, nous préconisons depuis 1980 la dérigidification progressive des montages pour renforcer le cal encore fragile par un passage progressivement croissant des contraintes, conformément à la loi de Wolff.

Plutôt que de se contenter d’une dérigidification axiale qui ne rétablit dans l’os qu’une partie des contraintes, il est préférable d’adopter une dérigidification du montage dans toutes les directions, comme le suggère l’étude histologique des canaux de Havers en évolution dans le cal.

À quelques jours d’intervalle, tout en poursuivant un appui total, les différentes pièces du fixateur sont progressivement enlevées ou remplacées.

Une guêtre de protection est ensuite appliquée systématiquement pendant quelques semaines. Kenwright suit la même évolution, et insiste sur l’absolue nécessité d’une stabilisation totale du foyer de fracture après la phase de stimulation initiale du cal périosté par des micromouvements.

La dynamisation de la fixation externe est à l’heure actuelle très largement utilisée dans le monde.

Son efficacité est plus discutée sur la formation du cal que sur la prévention des fractures itératives.

Applications au traitement des fractures :

A – TRAITEMENT ORTHOPÉDIQUE :

Depuis les débuts de l’humanité, les fractures ont été traitées par immobilisation orthopédique, c’est-à-dire par des attelles, puis plus récemment par des plâtres ou par extension continue. L’immobilisation ainsi réalisée est tout à fait relative, ce qui n’empêche pas ces fractures de consolider en général sans problème.

Comme nous l’avons vu, la formation du cal périosté est favorisée par l’instabilité modérée du foyer.

Au bout d’environ 6 semaines, ce cal cesse d’évoluer mais il a immobilisé complètement le foyer et la consolidation corticale par pénétration du cal venu de la médullaire peut s’effectuer.

Compte tenu de ces remarquables résultats sur la consolidation, il pourrait paraître logique de s’en tenir à ce mode de traitement.

Les choses ne sont pas aussi simples et le traitement chirurgical s’impose dans un grand nombre de cas.

Le traitement orthopédique nécessite en effet une immobilisation prolongée des muscles et des articulations qui entraîne une amyotrophie et un risque notable de raideur articulaire.

Par ailleurs, les fractures épiphysaires et articulaires sont difficiles ou impossibles à réduire parfaitement et à contenir par un traitement orthopédique après réduction.

L’avantage du traitement chirurgical est de permettre :

– une réduction le plus souvent exacte qui limite le risque d’arthrose secondaire par déformation articulaire ou par désaxation ;

– une fixation autorisant une mobilisation rapide qui évite amyotrophie et raideur articulaire.

B – OSTÉOSYNTHÈSE PAR PLAQUE :

La mise en place d’une plaque d’ostéosynthèse se faisant obligatoirement à foyer ouvert, il est indispensable d’obtenir la stabilité du foyer de fracture.

1- Stabilité du foyer :

Comment obtenir cette stabilité ?

En augmentant la raideur de l’implant et celle du montage.

* Raideur de l’implant :

– Évaluation

La raideur en flexion d’une plaque peut être évaluée par la flèche « h » que présente un système os-implant sous l’action d’un moment fléchissant donné.

Soit M la longueur du bras de levier, F la force appliquée, d la largeur du foyer de fracture comminutif et I le moment d’inertie de l’implant. Une formule suffisamment approchée donne pour la flèche : h = (d M2 F) / EI.

Pour une fracture comminutive et une force donnée appliquée de façon identique, la flèche est d’autant plus faible et la raideur d’autant plus grande que EI est élevé.

– Facteurs

La raideur d’une plaque dépend de ses dimensions et du matériau utilisé.

Dimensions

Le moment d’inertie I dépend en effet des dimensions de l’implant. Pour une plaque, si L est sa largeur et e son épaisseur : I = Le3 / 12

Comme on peut le constater, l’épaisseur d’une plaque constitue le facteur fondamental de sa raideur puisqu’elle intervient par son cube.

Doubler l’épaisseur d’une plaque a pour effet de multiplier par 8 sa rigidité.

La mobilité dans le foyer de fracture est diminuée d’autant.

Il aurait fallu multiplier la largeur par 8 pour obtenir le même résultat.

Les statistiques cliniques confirment ces notions mécaniques.

Les plaques d’ostéosynthèse destinées au fémur présentent de grandes différences de raideur.

Les plaques AO sont beaucoup moins raides que les plaques de Judet et que les plaques Maconor 2 qui s’en sont inspirées sur le plan mécanique.

Après ostéosynthèse immédiate, Taillard a observé 20 % de pseudarthroses avec les plaques AO. Ce taux était de 16 % pour Piganiol.

À la même époque, Lignac et l’équipe de R. Judet à Garches ne constataient que 8,5 % de non-consolidations, soit deux fois moins.

Matériau utilisé E représente en effet le module d’élasticité ou module de Young du matériau qui constitue l’implant.

Le E d’un alliage cobalt-chrome est d’environ 22 000 kgf/mm2 (220 000 MPa).

Le E de l’acier inoxydable est à peu près de 20 000 kgf/mm2 (200 000 MPa).

Le E des alliages de titane est approximativement de 11 000 kgf/mm2 (110 000 MPa).

Le E du carbone-carbone est au voisinage de 4 000 kgf/mm2 (40 000 MPa).

Le E de l’os cortical enfin, est en moyenne de 2 000 kgf/mm2 (20 000 MPa).

Ces notions un peu rébarbatives ont des conséquences pratiques.

Pour une fracture comminutive, à dimensions égales, une plaque titane laisse persister dans le foyer de fracture une mobilité double de celle obtenue avec une plaque en acier ou en alliage cobalt-chrome.

Les plaques en carbone, non malléables, n’ont jamais dépassé le stade expérimental.

Avec elles, dans les mêmes conditions, la mobilité résiduelle aurait été multipliée par 5. L’utilisation de ces implants risque donc d’entraîner une instabilité inacceptable dans le foyer.

Ayant toujours en tête qu’à foyer ouvert une ostéosynthèse doit impérativement être stable, les utilisateurs de plaques en titane doivent se souvenir que celle-ci doit avoir une épaisseur supérieure de 25 % à la plaque correspondante en acier, afin d’obtenir une stabilité équivalente du foyer.

À une certaine période, il était courant d’entendre réclamer des implants à module d’élasticité égal à celui de l’os.

Avec une plaque ou un clou de ce type, la mobilité d’un foyer comminutif serait 10 fois plus importante qu’avec le même implant en acier. L’instabilité serait énorme et la pseudarthrose assurée.

Ce n’est que dans les fractures simples que l’on peut, après vissage du foyer, envisager avec prudence des implants dont le module d’élasticité est inférieur à celui de l’acier ou des implants d’une épaisseur plus faible.

* Raideur du montage :

Elle dépend de la raideur de la plaque mais aussi de la qualité et des performances de la fixation de celle-ci à l’os, c’est-à-dire des vis et des contacts os-plaque et os-vis.

– Vis Le nombre de vis indispensables pour fixer une plaque à l’os dépend de la taille et du poids du sujet mais surtout de la localisation.

On considère qu’il faut en moyenne prendre sept corticales de chaque côté du foyer pour le fémur et le tibia, six pour l’humérus et cinq pour les deux os de l’avant-bras.

Pour que l’ostéosynthèse reste stable pendant le temps de la consolidation, il faut que ces vis restent efficaces.

Or, sous l’effet des contraintes qu’elles subissent, ces vis peuvent se rompre, se dévisser ou s’arracher par destruction du filet osseux.

Si cela se produit, l’ostéosynthèse devient instable et la consolidation ne se fait pas.

Les contraintes supportées par les vis doivent donc être analysées.

L’étude que nous avons consacrée à cette question en 1979 à la suite de la thèse d’un des auteurs (Cazenave), nous a montré qu’elles sont de deux types :

– des contraintes de cisaillement qui tendent à rompre la vis au niveau de la jonction plaque-os ;

– des contraintes longitudinales ou de traction-compression qui tendent à l’arracher.

Que ces contraintes soient d’un type ou de l’autre elles ont trois origines :

– le vissage.

Il provoque des contraintes longitudinales dans l’os au cours du serrage.

Ces contraintes visibles en photoélasticimétrie ont été bien étudiées par Blaimont et al.

Ils ont montré qu’un serrage excessif des vis entraîne des modifications de structure à type d’écrasement osseux ou de fissures, pouvant aboutir à une destruction de leur ancrage.

L’os qui est beaucoup plus élastique que la vis va se comprimer au cours du vissage comme un ressort.

Ce ressort exerce ensuite une contrainte permanente sur le filet de la vis, tendant à chasser celle-ci vers le bas et à plaquer sa tête contre la plaque.

Cette dernière exerce une force de rappel dirigée en sens inverse.

La plus grande partie des contraintes dues au vissage s’épuisent en frottement entre la tête de vis et la plaque.

Si un serrage excessif entraîne une nécrose de la zone d’appui du filet osseux, le ressort se détend, les contraintes de vissage sont annulées et le blocage de la vis est supprimé.

Celle-ci va se dévisser.

Ce sont les contraintes de vissage qui assurent le blocage de la vis ; – les mouvements du membre.

Ils provoquent soit des contraintes de cisaillement, soit des contraintes longitudinales de tractioncompression.

Ces dernières s’ajoutent algébriquement à celles du vissage :

– si les contraintes dans l’os, au contact de la vis, se font dans le même sens que les contraintes de vissage, elles augmentent cellesci.

La pression du filet osseux sur le filet de la vis peut devenir considérable et entraîner une nécrose ou un écrasement osseux.

La vis peut alors s’arracher sans être dévissée ;

– si les contraintes dans l’os se font en sens inverse, elle diminuent les contraintes de vissage et peuvent les annuler.

La vis est alors débloquée.

La poursuite des mouvements va entraîner un effet de matage, c’est-à-dire de petits mouvements verticaux qui écrasent l’os.

Ces mouvements sont automatiquement transformés en rotation dans le sens du dévissage.

La vis se dévisse et devient inefficace.

C’est alors sa voisine qui supporte les contraintes et va subir le même sort, à moins qu’un plâtre ou la consolidation arrêtent le processus ;

– la mise en compression du foyer.

Elle produit des contraintes de cisaillement élevées et transforme une grande partie des dangereuses contraintes de traction-compression en contraintes de cisaillement supplémentaires.

Nous allons voir que ces contraintes peuvent être divisées par 3 en créant des aspérités sous la plaque.

Les mesures et la photoélasticimétrie nous ont montré que les vis les plus sollicitées sont celles qui sont proches du foyer.

Il existe à ce niveau deux couples de forces intenses surtout lorsque le foyer est large.

Lorsque celui-ci est simplement impacté, les contraintes de traction sont partiellement transformées en contraintes de cisaillement.

Les vis des extrémités de la plaque sont également sollicitées en raison de la brutale discontinuité élastique entre l’os sain et l’os rigidifié par l’implant.

L’amincissement des extrémités de la plaque, c’est-à-dire la création d’une plaque à flexibilité variable, suivant le dessin que nous avions proposé en 1978, diminue les contraintes de traction et leurs variations dans les vis des extrémités.

Cette amélioration est si possible complétée par la mise en place d’une vis courte en bout de plaque.

Une étude théorique des contraintes de traction-compression supportées par les vis de fixation d’une plaque nous a montré qu’il existe deux groupes de couples de force :

– le premier, d’intensité moyenne, concerne les vis des extrémités des plaques classiques, que l’os soit fracturé ou consolidé.

Il disparaît dans les plaques à flexibilité variable ;

– le deuxième groupe de couples, très intenses, est situé lorsque le foyer de fracture est large, sur les vis proches du foyer de fracture.

Il est indépendant de la forme de la plaque et disparaît lorsque l’os est consolidé.

Les plaques à flexibilité variable n’ont malheureusement pas pu être commercialisées en raison de leur prix de revient.

Le dévissage des vis de fixation de la plaque sous l’influence des contraintes est donc la cause principale d’échec.

– Contact os-plaque

En recherchant un moyen de minimiser les risques de dévissage, c’est-à-dire en fait les contraintes de cisaillement, nous avons abouti en 1977 au principe des plaques adhérentes.

C’est un procédé simple pour diminuer ces contraintes supportées par les vis.

Il suffit pour cela de créer des aspérités sur la face de la plaque qui est en contact avec l’os.

Le coefficient de frottement entre une plaque banale et l’os est faible.

Sous l’action des mouvements du membre, la plaque a tendance à glisser et à cisailler les vis.

Une plaque dont la face osseuse est rugueuse a en revanche un coefficient de frottement avec l’os très élevé.

Les vis servent alors surtout à appliquer la plaque contre l’os.

Les mouvements transmis à la plaque par un fragment osseux sont transmis à l’autre fragment, non seulement par les vis mais aussi par la totalité de la plaque.

Une étude expérimentale par photoélasticimétrie nous a confirmé que les contraintes de cisaillement supportées par les vis sont divisées en moyenne par 3, ce qui diminue le risque de mobilisation des vis.

L’expérimentation animale réalisée par Comtet, Moyen et al. puis la pratique clinique ont montré que ce principe, né d’un concept mécanique, était plus intéressant encore sur le plan biologique.

Les aspérités évitent en effet la dévascularisation qui survient sous les plaques classiques.

Elles entraînent par ailleurs la formation, entre les pointes ou les saillies, d’un os nouveau hypervascularisé.

Ce concept a été à la base des implants Maconor 2 et Epiunion, et fut ensuite repris par les Suisses sous le terme de plaques à contact limité (LC).

– Contact plaque/vis Plus récemment, P. Surer a mis au point un excellent principe de blocage des têtes de vis dans la plaque, évitant ainsi définitivement tout risque de dévissage des vis.

C’est le système Surfixt.

Cette technique, qu’il serait idéal de coupler avec des aspérités sous l’implant pour les raisons vasculaires que nous venons d’indiquer, assure le maintien de la stabilité initialement choisie pour le montage.

Il existe déjà de nombreuses variantes de ce principe de blocage.

2- Propriétés mécaniques de la plaque en fonction de sa forme :

En réalisant des copies en araldite des différentes plaques et en les étudiant en photoélasticimétrie, il est possible de déterminer les contraintes qu’elles subissent dans différentes circonstances.

C’est ce qu’a fait dans sa thèse en 1976 un membre de notre équipe, R. Zimmermann. Il a ainsi pu montrer :

– la fragilisation des plaques à trous décalés par la concentration de contraintes que provoque le décalage latéral des trous lors de certains mouvements.

La distribution des trous dans l’axe de la plaque est mécaniquement meilleure ;

– la nécessité d’une courbure transversale de la plaque adaptée à la convexité de l’os.

Ce point est particulièrement sensible au niveau du fémur, dont la diaphyse est très convexe. Une plaque plane posée sur elle ne s’appuie que sur une ligne axiale et s’avère facilement instable en rotation.

Cette expérience illustre par ailleurs des notions connues :

– le déchargement des contraintes sur l’implant que produit l’adjonction d’une deuxième plaque ;

– le caractère asymétrique de la compression qui provoque de très fortes contraintes dans l’os sous l’implant.

La vis du tendeur de plaque subit d’énormes contraintes qui la fragilisent.

Il est préférable de la jeter après usage ;

– la concentration des contraintes dans les vis proches du foyer et dans la partie centrale de la plaque lorsque le foyer est large ;

– le danger que représente un trou sans vis au niveau d’un foyer large.

Les contraintes convergent à son niveau, provoquant rapidement de la corrosion sous tension, des fissures et la rupture de l’implant.

3- Plaques posées à foyer semi-fermé :

Les longues plaques de pontage des foyers comminutifs, recommandées par R. Judet et reprises récemment avec des améliorations par l’AO, ne stabilisent pas parfaitement le foyer, en raison de la longue portion sans vis.

Elles donnent toutefois de bons résultats, car elles sont posées en respectant les muscles et une grande partie du périoste dans la partie comminutive.

Ces conditions se rapprochent du foyer fermé.

Dans ce cas la fixation élastique légèrement instable qu’elles réalisent est favorable.

La réduction nécessite un distracteur ou l’utilisation d’une table orthopédique.

Parfaitement justifiée dans les fractures comminutives, cette technique peut être discutée dans les fractures simples.

La réduction est assez souvent imparfaite, et un certain nombre de résultats qui sont présentés comme des cas-modèles sont incontestablement des cals légèrement vicieux qui ont probablement un retentissement à long terme.

C – OSTÉOSYNTHÈSE PAR CLOU :

L’observation du clou de charpentier a permis à Kuntscher d’élaborer le principe de l’enclavement solide intramédullaire par l’emploi de clous spéciaux à rainures en forme de feuille de trèfle, et élastiques dans le sens du diamètre.

On sait depuis longtemps qu’en fait l’appui se fait en trois ou quatre points seulement, malgré l’alésage.

Par sa situation sur la ligne neutre, le clou ne permet que deux fois moins de mouvements angulaires du foyer qu’un implant identique qui serait vissé à la surface de l’os comme une plaque.

Comme pour les plaques, on obtient la stabilité du foyer en augmentant la raideur de l’implant et celle du montage.

1- Raideur du clou :

La raideur du clou varie dans des proportions considérables suivant la présence ou l’absence d’une fente.

Les expérimentations montrent que la rigidité en torsion est 20 fois plus élevée lorsque le clou n’est pas fendu, alors que la rigidité en flexion est comparable.

Pour un clou, si D est le diamètre extérieur et d le diamètre intérieur : I = (D4 – d4) / 64.

Le clou est d’autant plus raide que le diamètre extérieur est plus grand et le diamètre intérieur plus petit.

Cette formule n’est valable que pour un clou non fendu.

2- Raideur du montage :

La raideur d’un clou n’est à prendre en compte que s’il est parfaitement fixé aux fragments osseux.

Deux techniques sont susceptibles d’améliorer cette fixation du clou à l’os : l’alésage et le verrouillage.

Sans alésage et sans verrouillage, un clou d’alignement ne stabilise pas la fracture en rotation.

La série multicentrique de Benoit et al. rapportait 29 % de pseudarthroses avec cette technique, réalisée à foyer ouvert, au niveau du fémur.

Avec alésage et toujours à foyer ouvert, le pourcentage d’échec tombait à 5,5 %.

Sans méconnaître le rôle biologique des débris osseux produits par l’alésage, il est certain que celui-ci agit essentiellement en stabilisant une grande partie des fractures diaphysaires.

La nécessité de stabilisation d’un foyer ouvert ne se discute donc pas.

La technique de l’enclouage verrouillé a encore amélioré la stabilisation et de ce fait les résultats.

La série de Wiss et Stetson à Los Angeles publiée en 1995 rapportait 2 % de pseudarthroses dans l’enclouage du tibia à foyer fermé avec alésage et verrouillage.

Ce pourcentage passait à 15 % si la fracture était ouverte mais pour des raisons non mécaniques.

Le verrouillage stabilise le foyer, une importante partie des contraintes passant grâce à lui dans le clou et dans les vis de verrouillage.

En compensation, clou et vis sont exposés aux ruptures en fatigue car les contraintes qu’ils supportent sont supérieures à la limite de fatigue de l’alliage dans lequel ils ont été réalisés.

Ces complications sont surtout fréquentes lorsqu’il s’agit de clous pleins, de petit calibre, verrouillés, mis en place sans alésage.

Toutes les contraintes passent alors dans le clou et dans les vis de verrouillage.

Dans ce cas, suivant les séries, les vis de verrouillage se sont rompues dans un pourcentage de cas variant de 9 % avec les clous de Russel-Taylor à 41 % avec les clous AO.

De 2 % à 5 % des clous se sont rompus.

Ces complications mécaniques ont nécessité une reprise une fois sur deux.

D – OSTÉOSYNTHÈSE PAR FIXATEUR EXTERNE :

Les indications de la fixation externe concernant essentiellement les fractures ouvertes, le chirurgien doit chercher à obtenir la stabilité du foyer.

1- Fixateur simple, unilatéral :

En 1980, nous avons entrepris de chiffrer expérimentalement l’influence mécanique des différents paramètres de la fixation externe, tels que le diamètre des fiches, leur écartement, leur position par rapport à la peau ….

Les résultats de ce travail ont été repris, confirmés par d’autres publications et sont devenus « classiques ».

Le lecteur intéressé les retrouvera en détail dans l’article de Lortat- Jacob.

Résumons-les en disant que, pour stabiliser le foyer, il faut choisir des fiches de gros diamètre, écartées au maximum.

L’appareil doit être placé le plus près possible de la peau.

La stabilité augmente de quatre fois en passant de 5 cm à 2 cm de la surface osseuse, et de sept fois en passant de 5 cm à 1 cm.

2- Montages associant plusieurs fixateurs :

Dans une fracture transversale simple, la majorité des contraintes passent dans l’os grâce au contact des corticales.

Les contraintes sur les fiches peuvent être réduites de 97 %.

Un montage simple est alors suffisant pour obtenir l’indispensable stabilité.

Le fixateur sert essentiellement à protéger le foyer réduit des contraintes extérieures.

Dans une fracture comminutive avec perte de substance osseuse, en revanche, toutes les contraintes passent dans le fixateur.

S’il est impossible d’obtenir une stabilité absolue, il faut chercher par tous les moyens à limiter l’instabilité en augmentant au maximum la rigidité du montage.

De nombreuses études mécaniques comparatives entre les fixateurs et entre les montages de fixateurs ont été publiées au cours des 20 dernières années.

Nous ne pouvons pas les reprendre ici, et nous renvoyons le lecteur intéressé au volume n °58 des cahiers d’enseignement de la Sofcot « Fixation externe du squelette ».

Conclusion :

L’os est un matériau composite vivant hétérogène, anisotrope et viscoélastique beaucoup plus complexe que les matériaux sur lesquels les ingénieurs travaillent habituellement.

Compte tenu de ses propriétés mécaniques et de la biomécanique de la consolidation, on peut retenir quelques règles fondamentales : une ostéosynthèse est statique lorsque sa raideur ne varie pas pendant toute la période de consolidation.

On peut au contraire modifier volontairement cette raideur au cours du traitement.

C’est le nouveau concept de fixation dynamique ; à foyer fermé (traitement orthopédique ou ostéosynthèse), la fixation d’une fracture peut laisser persister une très légère instabilité du foyer pour stimuler le cal périosté.

La formation de ce cal stabilise le foyer, ce qui permet à la consolidation de se compléter ; à foyer ouvert, au contraire, une ostéosynthèse par plaque qui est obligatoirement statique doit être stable.

Le concept de fixation dynamique peut être appliqué lors des ostéosynthèses par clou ou par fixateur externe.

La raideur de ces ostéosynthèses peut en effet être modifiée dans le temps pour favoriser la formation du cal ou pour le renforcer.

Favoriser la formation du cal nécessite une fixation légèrement instable pendant 5 à 6 semaines, suivie d’un retour à une stabilité totale.

Renforcer le cal exige une dérigidification progressive du moyen de fixation, afin que le cal soit soumis à une augmentation progressive des contraintes pour minimiser le risque de fracture itérative.

Ces notions sont le résultat d’observations cliniques.

Les mécanismes cellulaires et moléculaires de l’action de ces facteurs mécaniques sont encore inconnus.

On évoque d’éventuels mécanorécepteurs de la membrane cellulaire.

Les facteurs mécaniques agissent probablement en produisant un signal électrique qui entraîne la production de facteurs ostéo-inducteurs.

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